Recherche :

Loading

La rédaction

Notre histoire

Newsletter

Nous contacter

Une erreur dans votre adresse postale ?
Signalez-le

Actualité

Culture

International

Mutualité Service

Santé

Société

Nos partenaires

Visitez le site de la Mutualité chrétienne

A suivre... (20 septembre 2012)

Chanter contre le désenchantement

Pour répondre aux défis climatiques et environnementaux de la planète, l’expression festive et populaire peut autant - sinon plus - que les grands accords conclus à haut niveau. Surtout si elle se complète de multiples « petits » engagements citoyens.

Pendant tout l’été, ils ont chanté. Pas comme la cigale de La Fontaine, mais, au contraire, comme une sorte de pari pour l’avenir. Un pari joyeux et jouissif mais… implorant. Diffusés tous azimuts sur les réseaux sociaux et célébrés le prochain weekend dans une sorte de bouquet final, les chants de ces simples citoyens, retravaillés sous la forme de clips(1), ont un but unique mais impérieux : aider nos décideurs à prendre l’exacte mesure des changements climatiques en cours, de leurs impacts sur les pays les plus fragiles et, in fine, réclamer plus de justice climatique lors de la prochaine conférence internationale sur le sujet qui se tiendra à Doha (Qatar), en novembre prochain.

Après tout, pourquoi pas? Puisque l’argumentation rationnelle des scientifiques ne semble pas faire écho auprès des puissants de la planète, pourquoi ne pas emprunter des voies originales, détournées pour convaincre du sérieux de la crise climatique et des gigantesques défis qui se profilent derrière celle-ci (énergétiques, démographiques, agricoles, épidémiologiques…) ? Ne voit-on pas aujourd’hui des ONG douter de l’utilité des grandes messes onusiennes telles que celle de Rio ? Fatigués de ne pas voir leurs rapports pris au sérieux, d’éminents climatologues ou les tenants d’une économie alternative adoptent carrément des formes de désobéissance civile, tandis que d’autres, en fin de carrière, n’hésitent plus à quitter leur prudence académique et à adopter un langage plus direct, plus engagé, voire militant(2). En Norvège, une association de près de 2000 grands-parents, soucieux de défendre une certaine idée de la « justice intergénérationnelle », a choisi une approche plus sentimentale pour communiquer autour des enjeux climatiques, imaginant par exemple une lettre écrite par tous les petits-enfants du monde à leurs « chers grands-parents »(3).

L’impuissance des graphiques

Ce que les graphiques et les courbes ne parviennent pas à traduire, le chant des foules et des festivaliers y arrivera-t-il un jour ? L’art et l’émotion arriveront-ils à diffuser l’idée d’urgence, mieux que les modèles mathématiques annonçant l’inéluctable ? L’un n’exclut sans doute pas l’autre. On souhaiterait même qu’ils se renforcent mutuellement, tant les nouvelles du « front » sont mauvaises. Ainsi, en juin dernier, le Sommet « Rio + 20 », censé donner une impulsion décisive aux défis environnementaux de la planète, a accouché pour l’essentiel de vagues promesses. Les 194 gouvernements présents ont certes « réaffirmé» ou « souligné» une série de principes généreux. Mais, de décisions ou d’objectifs concrets, si peu ! A tel point que certains observateurs se sont demandé si ce n’était pas le multilatéralisme lui-même – et, derrière, l’idée de solidarité entre nations - qui avait rendu son dernier souffle à Rio.

Une mauvaise nouvelle arrive rarement seule. Grâce aux satellites, on sait dorénavant que les glaces de l’Arctique et du Groenland fondent encore plus rapidement que ce qu’on avait observé ces deux dernières décennies. Alerte générale dans les quartiers généraux de la planète ? Allons donc ! Pendant quelques jours, on s’est ému, on a fait les grands titres. Puis, chacun est passé à autre chose.

Un mois plus tard, c’est une étude du magazine scientifique Nature(4) qui a fait sensation, bien au-delà de la stricte matière climatique. Sous l’effet de pressions inédites sur les écosystèmes (notamment sur les terres disponibles et les ressources naturelles), une sorte de basculement de l’état général de la planète – et des conditions de vie sur celle-ci - se prépare. Quand ? Mystère. Dès ce siècle ? Peut-être… Mais les 20 experts à l’origine de l’étude, issus de disciplines très diverses, craignent une transformation « rapide » et « irréversible » de la biosphère, un peu comme celles qui marquent le passage d’une ère glaciaire à une période interglaciaire. Nulle vision apocalyptique un peu fumeuse, ici, mais bien l’annonce d’une aggravation dramatique, pour des milliards de personnes, de problèmes aussi tangibles que la pénurie alimentaire, l’inaccessibilité de l’eau ou l’inhabitabilité de zones gigantesques. Au premier rang de celles-ci, les régions côtières de l’hémisphère Sud, celles-là mêmes où gonflent déjà, inexorablement, tant de mégapoles, îlots de misère alimentés par des réfugiés de toutes natures. On comprend mieux la notion de « justice climatique », brandie par les chanteurs du prochain weekend…

Une mobilisation vivifiante

De quoi laisser tomber les bras ? Non. Sans attendre l’hypothétique avènement des solutions venues « d’en haut », des millions de groupes et de gens « ordinaires » se lancent dans l’action. Les uns décident de se passer d’une voiture et testent la combinaison de moyens de mobilité plus modernes (car sharing, achats en commun, réseaux de vélos publics, véhicules hybrides, etc.). Les autres choisissent de se nourrir « local » et plus sain, se passant –peu ou prou – d’aliments pas toujours indispensables, ou s’investissent dans des potagers collectifs et des jardins communautaires. D’autres encore orientent d’une façon plus éthique leurs avoirs et leurs placements, irriguant l’économie d’une façon plus réfléchie et plus solidaire. D’autres – ou les mêmes - s’investissent dans des achats collectifs d’énergie verte, privilégiant des voies coopératives et/ou décentralisées. Tant d’imagination, tant de créativité !

Isolés, ces gestes comptent pour « peanuts ». Mais, cumulés et partagés, ils sont les semences de changements véritables pour les générations futures. Erigés en invitations non culpabilisantes ni moralisatrices, ils constituent de vivifiants antidotes au sentiment d’impuissance (« Tiens, et si moi aussi, je… ? ») et à l’atmosphère anxiogène du moment. Souvent, outre leurs vertus environnementales, ils cimentent et renforcent les liens sociaux, rapprochant des maillons qui, reliés pourtant par la même chaîne, ne se connaissaient pas. Même si la question de l’urgence demeure, c’est déjà un excellent début de programme.

// Philippe Lamotte

(1) www.singfortheclimate.com

(2) Lire, notamment, les interviews du physicien et économiste Dennis Meadows (Imagine), mai 2012) et du climatologue de la Nasa, James Hansen (la Revue Durable, septembre 2012)

(3) Consulter http://besteforeldre.framtiden.no et La Revue Durable, septembre 2012

(4) www.nature.com


Réagir à cet article

Retour à l'index

A suivre 2011

A suivre 2010

A suivre 2009

A suivre 2008

A suivre 2007

haut de page