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A suivre... (3 mai 2012)

Lire également : La solidarité, ça commence par se mettre à la place des autres !

Compassion :
et si on laissait parler nos entrailles ?

Comment faire venir un monde plus doux sans que ce soit un monde mou, qui renonce à changer et à évoluer?”, s'interroge l'auteur des “Etats d'âme”(1). “Simplement en travaillant sur la compassion”, répond-il. Simplement? Ce ne serait donc pas hors de portée. Mais en travaillant! Ce ne sera donc pas si évident ou naturel de cultiver la compassion.

Se préoccuper d'autrui, vouloir le bien de l'autre, ça dépasse l'empathie. A tout le moins, c'est autre chose que de partager son émotion, comme l'expliquait la neuroscientifique Tania Singer lors d'une journée de septembre dernier dédiée à “prendre soin de soi, prendre soin des autres(2). La compassion ne se limite pas à souffrir avec autrui. Elle entraîne avec elle le désir de soulager la douleur. Autre caractéristique : elle s'accroche à une gymnastique de l'esprit qui prétend “comprendre avant de juger”. Le procédé n'est pas si évident. Quelle gageure parfois que porter un regard bienveillant et tolérant sur les “bizarreries, excès ou incohérences des autres humains(1) ! Quand on les aime, quand on les connaît, passe encore. Mais quand il s'agit d'inconnus, voire de personnages étranges…

Les autres nous feraient-ils peur? La théologienne Lytta Basset(3) le constate: nous craignons bien souvent de nous laisser approcher. Nous redoutons la proximité, le trop d'intimité. Nous avons peur aussi de nous faire avoir, d'être manipulés. Alors, nous suivons aveuglement un des leitmotivs de notre temps: nous protéger!

Pourtant, le talent, c'est d'avoir envie de faire quelque chose pour quelqu'un, rappelait tout récemment le professeur Walter Hesbeen(4) devant un parterre de professionnels des aides et soins à domicile, en parodiant une interview de Jacques Brel. “Etre au service sans s'asservir”: tel est le défi. Ses propos résonnent à l'envi chez tout un chacun, pas uniquement auprès des professionnels auxquels il s'adresse. Certes les soins – actes techniques de l'infirmier, de l'aide familiale, de l'aide ménagère – relèvent d'un métier, mais prendre soin, avoir le souci de l'autre, exprimer sa considération, ne se traduisent pas par un diplôme. Comme une disposition de l'humain, le soin est fruit d'un cheminement. Et “le défi de notre société se trouve dans notre capacité à mettre plus de soin dans les soins”. Peut-être le pari peut-il aller jusqu'à mettre plus de soin dans nos vies tout court?

Parlant des qualités des professionnels du “care”, Walter Hesbeen les décrit en des termes peu habituels. Il évoque la délicatesse, la finesse dans le rapport à l'autre; il parle de la sensibilité qui permet de se sentir concernés par ce qui arrive, de l'humilité aussi. Refusant l'arrogance, l'humilité vient comme un rappel : “Rien ne m'autorise à penser que je connais l'autre”. Chaque personne est singulière, chaque souffrance également. A ses yeux, il n'y a pas de petits maux versus de grandes maladies, pas de “bobologie” – traitement des égratignures – versus traitement des maladies sérieuses, pas de hiérarchie dans les soins entre une toilette et un acte particulièrement technique. Par contre, il est nécessaire de “détecter – parfois de décoder – ce qui est important pour l'autre dans la situation qui est la sienne”. En somme, il est nécessaire d'être à son écoute.

Facile? Le médecin Cécile Bolly(4) parle de l'écoute comme d'un travail aussi, comme d'une nécessité fondamentale, simple et difficile à la fois. Nos préjugés nous compliquent tant la vie. La réelle écoute pâtit de nos interprétations, de nos projections, de nos jugements à l'emporte-pièce, nos trop rapides “en tout cas, moi…”.

Un préalable semble s'imposer à l'écoute de l'autre: l'écoute de soi. Et la réflexion vaut pour la compassion: elle n'est pas étrangère à l'auto-compassion. “La compassion ne peut s'appuyer (…) que sur un minimum de bien-être personnel. (…) Si nous portons trop de tristesses en nous, il nous sera difficile de ressentir la joie et l'élan nécessaires à la compassion”, observe le psychiatre Christophe André.

Trop souvent, nous trouverons l'excuse de ne pas avoir le temps d'écouter l'autre, ni même de nous écouter nous-mêmes. “Prendre le temps d'être pris aux entrailles” est pourtant une question brûlante dans notre société aux impératifs d'urgence, dit Lytta Basset.

//CATHERINE DALOZE

(1) Christophe André, “Les états d'âme. Un apprentissage de la sérénité”, éd. Odile Jacob, 2009.

(2) Voir www.emergences-asbl.org

(3) “S'ouvrir à la compassion”, sous la dir. de Lytta Basset, 2d. Albin Michel, 2009.

(4) Intervenants lors du colloque “Cultivons nos valeurs pour implanter la qualité”, organisé par la Fédération de l'aide et des soins à domicile, le 27 avril 2012. Voir www.fasd.be

 


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