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A suivre... (16 avril 2012)

Les dieux du stade en question

Le foot italien est sous le choc, annonçaient les médias ce 14 avril. Sur le terrain de la division 2, un joueur meurt après un malaise cardiaque en plein match Livourne-Pescara. Et la presse de citer de récents précédents. Comme pour ce joueur d'Arquet (région namuroise), victime d'un accident cardiaque – auquel il survivra - durant un match provincial, un mois plus tôt. Drôle d'inventaire que celui de ces jeunes footballeurs touchés au cœur. Drôle d'impression que laissent ces morts et ces accidentés férus de sport, et a priori en pleine santé.

Dans les interviews données après ce type de drames, il sera question de l'équipement en défibrillateurs des bords des terrains. Pour une intervention rapide et le gain de minutes précieuses. Plus à la marge, il pourra aussi être question du syndrome de mort subite du sportif, cette défaillance cardiaque soudaine à l'effort. Une telle analyse est plus complexe à traiter car elle vient ébranler notre conviction que le sport, c'est d'office bon pour la santé! Elle nécessite de remettre en contexte et d'éviter la panique : “Cela reste un événement tout à fait exceptionnel, observe Gilles Goetghebuer, journaliste spécialisé dans le sport, sur www.dopage.be(1). Pour se faire une idée, on cite souvent la fréquence d'un décès pour environ dix mille sportifs par an (…). Dans un pays comme la Belgique, cela suffit tout de même pour que l'on évalue le nombre de victimes à un chiffre qui oscille entre 50 et 500 personnes par an. Tous ne sont pas des sportifs de l'élite, loin s'en faut. La plupart du temps, cela concerne des pratiquants occasionnels qu'une fragilité cardiaque condamnait tôt ou tard à subir ce genre de défaillance”.

Du spectre du dopage…

Parfois encore, ces drames ramèneront à l’avant-plan les terribles accusations qui collent à la peau du sport et de ses performances, celles de dopage. Dans les conseils aux sportifs pour éviter de venir grossir le rang des victimes, la dernière règle d'or – mentionnée sur le site évoqué plus haut – parle d'elle-même : “Enfin et surtout évitez toutes les substances qui risqueraient de vous entraîner au-delà de ce que votre organisme est capable de supporter. Rappelons que toute la lutte contre le dopage s'est organisée autour de ce risque bien réel de succomber soudainement, victime des effets conjugués de l'effort et de l'abus de médicaments.

… aux effets à long terme

D'autres morts précoces devraient, elles aussi, alerter les sportifs – de haut niveau surtout –, et les amateurs de leurs exploits. Celles des anciens, des retraités coureurs, joueurs… Les statistiques précises font défaut. Mais au regard des maigres chiffres existants pour le cyclisme par exemple, on perçoit une évolution à rebours du reste de la population. Si l'espérance de vie croit pour l'ensemble de la population, chez les cyclistes, elle diminue. Et si “rien ne permet d'accuser ouvertement le dopage (…), on est en droit de s'étonner de la prévalence étonnamment élevée d'une série de pathologies graves - cancers, AVC, infarctus - par rapport au reste de la population(1). Effets de produits dopants, de la surconsommation de médicaments? Fragilité particulière de l’organisme soumis à une sollicitation accrue?

La performance a ses limites

Le problème majeur du sport ne résiderait-il pas dans la performance qu’il vise coûte que coûte? Maintenir en forme comptant parmi les objectifs marginaux. Dans un magnifique ouvrage intitulé “Regards sur le sport(2), des philosophes, scientifiques, historiens invitent à la réflexion. “Le sport, auréolé hier de toutes les vertus, est aujourd’hui mis en question au même titre que l’idée de progrès. Laboratoire expérimental de la transformation du corps, de sa santé, le sport nous interpelle sur les limites que la société entend fixer ou non à la modification de notre identité humaine. Tout ce qui est techniquement possible doit-il se réaliser?” écrit d’entrée Benjamin Pichery, coordinateur de l’ouvrage. La devise olympique affirme : “plus vite, plus haut, plus fort”. Mais jusqu'où? A quel prix?

Le sport se mue trop souvent en spectacle dont la seule intrigue est de savoir qui va gagner. “Si on est envahi par cette question, la société ira au bout de la limite(…), nous laisserons des gens faire toutes sortes d'interventions sur le corps sportif”, avertit le philosophe Michel Serres. La voie est alors libre aux généticiens, aux chirurgiens pour implanter dans le corps les outils capables de battre les records. Et les appétits de vaincre sont voraces, pour être meilleur que l’adversaire, pour ne pas figurer parmi les anonymes du bas du classement.

Le sport, reflet de notre mode de vie

Ne soyons pas naïfs, la performance dans le sport entre en résonnance avec le modèle de société dominant. Certes, dans l'entreprise, ou l'école, certains ne manquent pas d’interroger le stress généré par cette recherche effrénée. Mais le modèle du champion a encore ses lettres de noblesse. Et le sport – où le culte de la performance n’est que très peu contesté – sert de modèle, observe la philosophe Isabelle Queval. “Certains veulent éradiquer la compétition de l’éducation : ça n’est pas ça l’idée, poursuit-elle, mais il s’agit de trouver et d’apprendre un sens de la mesure et du bienfait de l’exercice physique et de la pratique sportive (…)”. Elle parlera plus volontiers de l’accomplissement de soi, par rapport au dépassement de soi, de la recherche du bien-être préférable à celle du mieux-être.

Un de ses collègues, impliqué dans la Fondation du football, André Comte-Sponville, va dans le même sens: “Le sport bien compris ne doit pas servir à battre des records, à battre les autres, ni à se dépasser soi-même, mais il peut servir éventuellement à s’épanouir”. C’est l’acte lui-même, la pratique elle-même, sa qualité qui importe et rend heureux, pas le résultat. Il reprend les propos de Platini, fameux footballeur français et président de l’UEFA, à l’adresse de joueurs en herbe : “Ne rêve pas que tu seras footballeur professionnel ; ne rêve pas que tu participeras à la Coupe du monde de football… Prends plaisir à taper dans le ballon quand tu tapes dans le ballon”. Un conseil qui tient de la leçon de sagesse. Une recommandation utile à tous les coureurs du dimanche, les amoureux de l’effort, jusqu’aux “bigorexiques” (ceux qui souffrent d’une dépendance excessive à l’activité sportive).

// CATHERINE DALOZE

(1) Site mis en place par la Fédération Wallonie-Bruxelles.

(2) Regards sur le sport, sous la dir. de B.Pichery et F. L’Yvonnet, éd. Le Pommier, 2010, 255p. (ouvrage très judicieusement illustré), 15 EUR.

 


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