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A suivre... (5 avril 2012)

Circulez! Tout est à voir

Les avions décollent emportant sous des cieux plus ensoleillés nombre de vacanciers, en mal de dépaysement. Les carrières de coopérants, d’aventuriers du bout du monde font rêver les plus hardis d’entre nous. Mais, alors qu’un tiers de l’humanité peut circuler librement, deux tiers des gens sont prisonniers, chez eux. Quand un d’eux pointe le nez hors de chez lui, c’est attention danger. Drôle de planète!

Sur le terrain des décisions politiques, dans le petit bout de monde que nous occupons, l’heure est au durcissement de l’accueil des migrants, au découragement des candidats à l’asile. Les intentions sont claires: réduire le nombre de gens qui viennent en Belgique (en Europe plus largement). Et si la Secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration, Maggie De Block (OpenVLD), travaille à de meilleures conditions d’accueil, il s’agit là surtout de mesures à très court terme, prises face à l’inacceptable de certaines conditions d’hébergement. A plus long terme, sa feuille de route entend “doper les retours”, s’attaquer aux cohabitations dites de complaisance, officialiser la liste des pays dits sûrs pour lesquels les candidats à l’asile se verront objecter une fin de non-recevoir – comme l’Albanie, la Bosnie, le Kosovo, l’Inde, la Macédoine… Certes, la mention du Kosovo en tant que nouveau pays considéré comme sûr alors que le Conseil d’Etat français se prononce en sens contraire, laisse apparaître quelques incohérences. Mais globalement, le plan de la Secrétaire d’Etat – traduction fidèle de l’accord gouvernemental – s’inscrit pleinement dans le ton européen. Récemment avec ses collègues hollandais, français, allemand, autrichien, suédois et britannique, c’est une stratégie pour lutter contre la “pression migratoire” qu’elle défendait: des critères plus stricts dans la délivrance des visas, des contrôles renforcés, etc.

De l’utopie dans l’air ?

Dans le même temps, d’autres – défenseurs des droits de l’Homme – rament à contre courant. Ils s’inscrivent en faux contre la tendance à l’œuvre, celle de la fermeture des frontières. Et ils lancent un défi à ceux qui ne prêchent que par la restriction de l’accueil : “Envisageons la politique migratoire autrement”. Leur désir de libre circulation des personnes les amène à être taxés de doux rêveurs. N’est-ce pourtant pas utopique que de croire, à l’inverse, que l’on peut contrôler les migrations? Eux en sont convaincus. Car, ils le constatent, le durcissement de la législation ne réduit pas la migration. Que du contraire. Il augmente le recours à des circuits illégaux, rendant plus précaires encore les sans-titres de séjour, accroissant le nombre de sans droits. Les envies migratoires ne s’arrêtent pas aux frontières, si grillagées soient-elles. La fermeture des frontières modifie juste les routes. Quant aux stratégies “kleenex” qui tendraient à faire croire que l’on pourrait, dans nos pays développés et vieillissants, accueillir ceux qui sont utiles à nos vieux jours, elles ne tiennent la route que dans une vision théorique des choses. Bien insultante pour les hommes et les femmes qu’elles concernent.

Changer totalement de manière de voir

Aux barrières frontalières s’ajoutent des barrières mentales. Ces dernières, les défenseurs de la libre-circulation des humains entendent les lever. La tâche est d’ampleur car “il est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé”, rappelle l’économiste français Joël Oudinet – citant Einstein – lors d’un colloque sur la libre-circulation et son impact sur le marché du travail et la sécurité sociale(1).

D’abord face à ce poncif : “on ne peut accueillir toute la misère du monde”, rappelons encore et encore que la phrase complète de son auteur, Michel Rocard, alors Premier ministre français, se terminait par ceci : “mais nous devons savoir en prendre fidèlement notre part”. Nuance ! D’autant qu’il faut reconnaître le dynamisme, l’enthousiasme et la créativité de ceux qui parviennent jusque dans nos forteresses.

Ensuite, la thèse des étrangers qui prennent le travail des autochtones – déjà touchés largement par le chômage – ne résiste pas à l’analyse. “Il n’y a pas de partage d’un nombre d’emplois prédéfini”, indique Joël Oudinet. L’emploi est généré par la croissance de la population. Il évolue au gré des circonstances. “A moyen terme, le taux d’immigration n’a pas d’effet sur le taux de chômage, ni sur les salaires du pays d’accueil”, souligne David de la Croix, professeur de sciences économiques et sociales à l’UCL. Et d’user d’une image pour bien se faire comprendre: “Ce n’est pas comme les sièges dans un bus, où quand quelqu’un entre, un autre doit laisser sa place”.

Quant à l’impact coûteux de l’immigration sur le système de protection sociale, il est également démenti. “L’ensemble des études sérieuses de comptabilité des coûts et recettes des immigrés (nés à l’étranger) montre un impact plutôt positif”, relève le chercheur français, Antoine Math, spécialiste en protection sociale. Explication brève : la population immigrée est composée surtout de personnes d’âge actif : les frais éducatifs des jeunes arrivants ont déjà été contractés, et les migrants pèsent moins sur les retraites et la santé. L’impact est plutôt positif même s’il est minime, précise le chercheur à l’intention de ceux qui entendraient financer la protection sociale par l’immigration. Surtout, il rappelle qu’au regard du principe de protection sociale (répondre à des risques sociaux), isoler n’a pas de sens. “Quel sens, cela aurait-il de calculer le coût social des leucémiques, des femmes enceintes, des habitants d’une région…?”, lance-t-il en guise de critique du raisonnement même. Voilà bien des schémas de pensées secoués !

A y regarder de plus près, nos politiques ne sont-elles pas marquées par notre immobilité? Par nos présupposés de sédentaires? “Pour migrer de manière acceptable vers un pays d’accueil, le migrant doit, soit prouver qu’il est objectivement contraint de quitter son pays d’origine, soit prouver qu’il possède une plus-value pour le pays de destination”, constate la philosophe François De Smet(2). Et si la transhumance était une fin en soi, non un moyen? Si le nomadisme était tout aussi normal que la sédentarité? Si l’avenir était aux transmigrants, aux transnationaux? Nous avons assurément beaucoup à apprendre des gens mobiles.

// CATHERINE DALOZE

(1) Liberté de circulation : de l’exigence à la réalité. Impact sur le marché du travail et la sécurité sociale, colloque organisé par la Ligue des droits de l’Homme et Bruxelles Laïque, le 23 mars 2012. Voir www.liguedh.be

(2) “Le complexe du sédentaire”, article paru dans “Roms, Tsiganes, Gitans… les malentendus”, Migrations magazine, publication du Ciré, n°6, hiver 2012, p.65. Voir www.cire.be

 


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