Recherche :

Loading

La rédaction

Notre histoire

Newsletter

Nous contacter

Une erreur dans votre adresse postale ?
Signalez-le

Actualité

Culture

International

Mutualité Service

Santé

Société

Nos partenaires

Visitez le site de la Mutualité chrétienne

A suivre (18 février 2010)

Tolérance zéro, plus rassurant qu’efficace

Tolérance zéro. La formule – qui apparaît régulièrement – est à nouveau lancée. Pour «pacifier les quartiers difficiles» diront les autorités. Le vocable a des accents violents et combattifs. Agrémenté d’un zéro, le mot «tolérer» semble perdre ses fondements de vertu. Il dérange par ses sous-entendus radicaux. Il est de ces «mythes» peu enchanteurs…

© Fotolia

Ce qui a mis le feu aux poudres : des troubles et agressions (vitrine endommagées, vitres brisées, attaque à main armée…) le week-end du 23 et 24 janvier à Anderlecht. Mais surtout l’accumulation, le trop-plein, qui semble accabler les autorités. Elles déploient alors une communication qui ne mâche pas ses mots. Voilà certains recoins de la commune bruxelloise qualifiés de «Chicago sur Senne», de «Far West», s’apparentant à des zones de non-droit.

C’est de ce côté-là de l’Atlantique que la formule tolérance zéro a fait ses armes. Développée par des universitaires américains, la théorie s’appuie sur une image relativement parlante, celle de la «vitre brisée». Que raconte cette allégorie ? Que les petites détériorations de l’espace public entraînent nécessairement un délabrement plus général. Laisser la vitre brisée, ce serait permettre aux passants d’en déduire que le bâtiment est abandonné. Ce serait immanquablement amener à ce que toutes les vitres soient brisées à leur tour. 

Derrière la théorie, cette conviction : si le responsable d’une infraction n’est pas condamné immédiatement, il est incité à récidiver – sous couvert de ce fameux sentiment d’impunité – ;  également la conviction que s’il n’est pas condamné avec toute la sévérité que la loi autorise, il va progressivement glisser du petit délit au crime.

 

Boucher l’horizon…

D’aucuns s’élèvent contre la notion de tolérance zéro. Particulièrement dans son usage à l’égard des jeunes et de ce que l’on qualifie de violence urbaine. Le délégué général aux droits de l’enfant, Bernard De Vos traduit tolérance zéro en horizon zéro pour les jeunes des quartiers concernés. La tolérance zéro est une mauvaise réponse indique-t-il, lui préférant un investissement en amont, c’est-à-dire lutter contre le chômage, les problèmes de scolarité, pour de bonnes conditions de logement… Et de prôner un véritable travail de prévention. Angélisme !, lui opposent des contradicteurs.

Mais il est loin d’être le seul à porter un regard très critique sur la tolérance zéro. «Appliquer cette doctrine pose certains problèmes, souligne le journaliste Roland Planchar. Par exemple, cela peut s’accompagner d’une réduction des droits de la défense (le temps imparti à l’instruction du dossier est réduit). Et, si son application permet de faire tomber la fièvre, le malade n’est pas forcément guéri : les causes sociologiques de la criminalité persistent ». Ainsi les effets pervers de la tolérance zéro sont dénoncés. Ils tiennent par exemple au risque de voir passer au second plan la présomption d’innocence. Ils tiennent également au risque de voir assimiler à des truands de simples marginaux ou des gens hors normes. Ils tiennent enfin à la crainte d’un rétrécissement des libertés.

 

Faire croire à plus de sécurité

Certains y voient même un problème pour la démocratie. Ainsi Pascal Durand, professeur à l’Université de Liège et co-auteur des « nouveaux mots du pouvoir » (1) décèle derrière l’usage de ce vocable « le désengagement de l’Etat social au profit de l’Etat pénal », comme une manière de criminaliser la pauvreté qui dérange, de satisfaire au sentiment d’insécurité ambiant.

Il est certain que la rhétorique de la tolérance zéro et le plaidoyer sur la sécurité se conjuguent quasi-systématiquement ; la première étant une réponse au second. Une réponse univoque et – trop – facile face à un «embrouillamini de problèmes» ; une réponse qui participe du «mythe sécuritaire», estime la sociologue Nadia Fadil (2). Même si, rappelle-t-elle, il y a lieu de prendre au sérieux le sentiment d’insécurité éprouvé par certains citoyens. Même si, ajouterons-nous,il y a lieu de sanctionner les auteurs de violence.

 

Le slogan est décrit comme creux. Il relève de «gesticulations». Car, pour ces détracteurs, il est pragmatiquement illusoire. En effet, les moyens policiers seraient insuffisants. Le système judiciaire ne pourrait suivre. «Tout citoyen rêve évidemment d’une société paisible et sûre, où tout malfrat serait repéré à l’instant où il dérape, poursuivi et puni dans l’heure. Mais c’est une chose impraticable. On peut imaginer l’application d’une telle recette pendant une période courte dans un lieu donné, histoire de marquer le coup. Mais cela même ne ferait que déplacer le problème. La tolérance zéro, c’est un slogan, un effet d’annonce destiné à rassurer les gens, mais cela ne marche pas», déclarait l’avocat pénaliste Marc Preumont dans le journal La Libre du 6 février.

 

A force d’utilisation tous azimuts, certains mots ne résonnent plus à nos oreilles que comme des sentences banales, comme des incantations. Les décortiquer permet d’en rappeler le sens. Ainsi, à la tolérance zéro, d’aucuns préfèrent le zéro intolérance.

                                                      // Catherine Daloze

 

(1) « Les nouveaux mots du pouvoir. Abécédaire critique », sous la dir. de Pascal Durand, éd. Aden, 2007.

C’est à la lettre « z », que l’on trouvera la locution « tolérance zéro ».

(2) « La sécurité comme mythe sacré », texte paru dans Le Soir du 11 février 2010.

 

Réagir à cet article

Retour à l'index

Editoriaux 2010

Editoriaux 2009

Editoriaux 2008

Editoriaux 2007

haut de page