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A suivre... (7 mai 2009)

 

Temps de crises, temps des rêves?

En ces temps marqués par le mot “crise”, d’aucuns examinent le phénomène en profondeur. Ils vont au-delà de l’aspect financier. Ils nous enjoignent – sans nier les urgences sociales – à reconsidérer nos modes de fonctionnement, à les transformer. Comme une opportunité à concevoir un monde plus juste, moins inégalitaire.

La réalité de la crise se fait bien présente. Nous n’avons sans doute pas perçu que le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté est en augmentation constante. Oui, le phénomène souffre de l’intangibilité des chiffres. Mais, qui ne connaît pas, qui n’a pas entendu récemment dans son entourage immédiat une histoire dramatique de perte d’emploi, de réduction drastique de temps de travail? Qui n’a pas remarqué ces panneaux de vente immobilière qui s’éternisent inhabituellement aux devants des maisons? A tel point que le terme “crise” se fait récurrent, se répète inlassablement, s’ancre dans nos esprits.

“Le langage apocalyptique n’est pas porteur d’action. La recherche et la mise en œuvre d’alternatives sont possibles”

F. Houtart 

“Crises et sorties de crises”, le sujet n’a pas manqué de marquer le temps d’arrêt annuel du Mouvement ouvrier chrétien (MOC)(1) où sont discutées, étudiées, disséquées des questions d’actualité. Les crises y ont été mises au pluriel. Parce que, comme le pensent nombre d’orateurs invités à disserter du sujet, la crise financière, largement commentée, n’est qu’une partie du phénomène, qu’une “facette” comme le dira François Houtart (2). Nous ne pouvons, remarque le professeur émérite de l’UCL, nous contenter de parler de crise financière. Et, à la faveur d’un regard attentif sur le monde, celui-ci nous invite à examiner les autres dérèglements du moment, tels la crise alimentaire, la crise énergétique, la crise climatique, la crise sociale… Puis, une véritable “crise de sens”.

 

De l’utopie

«Certes, le langage apocalyptique n’est pas porteur d’action, poursuit cette cheville ouvrière du Forum social de Porto Alegre. Par contre, un constat de la réalité peut conduire à réagir. La recherche et la mise en œuvre d’alternatives sont possibles, mais pas sans conditions. Elles supposent d’abord une vision à long terme, l’utopie nécessaire; ensuite, des mesures concrètes échelonnées dans le temps et, enfin, des acteurs sociaux porteurs de projets (…)». La première strate est donc l’“utopie”, en tant qu’invitation à imaginer et à penser le meilleur, surtout à adopter une vision à long terme. Le Français Bernard Perret (3), autre orateur de la Semaine sociale du MOC, l’appelle également de ses vœux. Le socio-économiste invite à «retrouver le sens de l’utopie», dans notre société qui devrait – face au deuil de l’expansion – s’engager dans une conception renouvelée du bien-être et promouvoir un bonheur «qui ne soit plus indexé sur la consommation». «Il faudra bien, estime-t-il, inventer une société où les hommes pourraient aimer vivre, après avoir douloureusement mesuré les limites de leur pouvoir sur les choses». Etre moins obsédé par la quantité, accorder plus d’attention à la qualité de l’environnement, de l’habitat, du vivre ensemble…: autant de perspectives qu’entrevoit ce défenseur d’un développement durable, tout l’enjeu étant de produire du bien-être autrement.

 

Des lignes de forces

Pour être efficaces, les solutions alternatives nécessitent de la cohérence, remarque François Houtart. Il avance ainsi quelques principes afin de guider les mesures concrètes et les projets. En premier lieu, une autre philosophie par rapport à la nature. Sur l’exploitation sans limites devrait prévaloir un «usage renouvelable et rationnel des ressources naturelles». Second principe: une autre définition de l’économie. Sur la production de valeur ajoutée et la valeur d’échange, devraient prévaloir les activités qui assurent les bases de la vie et la valeur d’usage. Il s’agirait ainsi, selon François Houtart, de rétablir le statut de bien public de l’eau, de l’électricité, de la poste, des téléphones, de l’Internet, des transports collectifs, de la santé, de l’éducation… Il s’agirait aussi d’exiger, par exemple, une garantie de cinq ans sur tous les biens manufacturés pour allonger leur durée de vie. Troisième principe, celui de la démocratie participative généralisée aussi au sein du système économique. Enfin, dernier principe: la multi-culturalité. François Houtart l’exemplifie au travers des religions et de leurs apports respectifs. «(…) la sagesse de l’hindouisme dans le rapport à la nature, la compassion du bouddhisme dans les relations humaines, la soif de justice dans le courant prophétique de l’islam, la quête permanente de l’utopie dans le judaïsme, les forces émancipatrices d’une théologie de la libération dans le christianisme, le respect des sources de la vie dans le concept de la terre-mère des peuples autochtones de l’Amérique latine, le sens de la solidarité exprimé dans les religions de l’Afrique (…)».

 

Et agir collectivement

Entre le fatalisme qui nous amènerait à dire «on n’y peut rien» et l’optimisme technologique – comme le nomme Bernard Perret – qui nous amènerait à penser que les sciences ou les techniciens détiennent les solutions et qu’elles ne tarderont pas à arriver, il y a sans doute une autre voie. Une “alliance” diront certains, une “mobilisation” diront d’autres. Dans tous les cas: une ou plusieurs voie(s) collective(s), supplantant la culpabilisation qui pèse sur les citoyens au quotidien. Sans oublier pour autant nos responsabilités individuelles.

 

«La conscience collective peut l’emporter sur la course au profit et au sauve-qui-peut individuel», affirme avec conviction le président du MOC, Thierry Jacques, en clôture de la Semaine sociale. Il perçoit, au-delà des crises, l’ouverture vers d’autres possibles, pour «ré-enchanter le monde».

Catherine Daloze

 

(1) Les actes de la journée paraîtront dans la revue Politiques, dans le courant du mois de septembre.

(2) ‑Professeur émérite de l’UCL, François Houtart est également président de l’Ong CETRI (Centre tricontinental) – www.cetri.be.

(3) Auteur de “Une société en mal d’utopie”, éd. Desclée de Brouwer, 2009.

 


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