A suivre...
(6 août 2009)
Sans-papiers,
la fin du drame, vraiment?
L’été
2009 aura permis de quitter le miroir aux alouettes qui, depuis des mois,
était la seule réponse apportée aux migrants coincés dans l’illégalité en
Belgique. Enfin! Depuis des mois, les Sans-papiers s’attachaient à la
promesse contenue dans l’accord de gouvernement de mars 2008 et à la
perspective d’une régularisation. Mais la promesse semblait de plus en plus
vague. L’indécision du gouvernement était devenue insupportable. Nombreux
étaient ceux qui lui avaient rappelé ses engagements. Comme une vaine
litanie.
En
guise de rappel de cette situation déplorable, le badaud pouvait – et peut
toujours – observer des hébergements de fortune, puis remarquer des
attentions médiatiques ça et là, autour de grévistes de la faim surtout. Le
temps d’un instant, ces signaux rappellent aux Belges que leur pays est
parfois peu accueillant.
Persévérance des interpellations
Bien heureusement, les
mobilisations n’ont pas manqué. Elles ont même dépassé le cercle des
militants de la première heure. Il y a quatre mois une carte blanche des
universités et hautes écoles (1) fustigeait la
«non-décision politique». Les quelque 500 signataires se disaient
«écœurés des visées électoralistes» des politiciens qui, sous «prétexte
d’endiguer l’extrême droite», appliquent des politiques qu’ils
prétendent vouloir empêcher, plutôt que de montrer aux électeurs que l’on
peut «traiter des situations humainement complexes d’une façon juste et
sensible». Ils souhaitaient des mesures avant les élections de juin.
Au même moment, des
acteurs de la santé insistaient aussi pour que soit dégagée une solution
humaine, une «solution digne d’un Etat de droit». Les soignants
déploraient eux aussi l’absence de décision, le report répété de solutions
politiques.
Il aura fallu de la
ténacité. La trêve électorale, après juin, et l’approche des vacances
parlementaires ont été la période propice pour voir aboutir l’accord conclu
plus d’un an auparavant. Remaniement ministériel et changement dans
l’attribution des portefeuilles, selon certains, ont enfin permis d’aboutir.
Des conditions précises
Concrètement, l’accord
reconnaît plusieurs critères de régularisation: les trop longues procédures,
les situations dites «humanitaires urgentes», l’ancrage local en Belgique ou
le fait de détenir une offre de travail ferme. Et le CDH de détailler les
conditions (c’est en effet à lui que revient la mise en œuvre, au travers
du secrétariat d’Etat à la Politique d’asile et à la Migration, endossé par
M. Wathelet):
•
Pour être considérée
comme déraisonnablement longue, la procédure d’asile devra avoir atteint
quatre ans pour les familles avec enfants scolarisés, cinq ans pour les
isolés. La durée de la procédure devant le Conseil d’Etat sera désormais
incluse.
•
L’ancrage local pourra
être invoqué par les personnes présentes sur le territoire depuis cinq ans,
si elles fournissent la preuve qu’elles ont établi en Belgique le «centre
de leurs intérêts affectifs, sociaux et économiques». «La
scolarisation des enfants, l’aptitude à travailler, les liens sociaux, la
connaissance de la langue, ou la fréquentation de cours d’alphabétisation»
comptent parmi ces attestations d’ancrage local.
•
Quant à la
régularisation par le travail, elle concernera les personnes qui «peuvent
apporter la preuve qu’elles étaient présentes sur le territoire avant le 31
mars 2007, qui ont une offre ferme de contrat de travail et qui reçoivent
soit un avis positif des Régions quant à l’octroi d’un permis B, soit un
permis de travail B sur la base d’une attestation d’immatriculation délivrée
à cet effet».
On le voit: les
conditions relativement plurielles sont complexes et la logorrhée
administrative n’est pas des plus appréhendables par un non-averti. Mais les
délais – du 15 septembre au 15 décembre – devraient permettre aux personnes
concernées et aux associations de première ligne de préparer les dossiers
individuels. Avec moins d’appréhensions, semble-t-il, que lors de la
campagne précédente. Ce n’est qu’à l’analyse que le caractère ouvert ou
restrictif des critères pourra être précisé.
Des lendemains incertains
Mais tout n’est
assurément pas résolu. D’ici au 15 décembre et aux décisions individuelles,
nombre de questions ne pourront être évitées; à propos d’hébergement par
exemple, alors que certains accords avec les universités notamment arrivent
à leur terme et alors que l’on assiste à des délogements musclés… A propos
des preuves de présence sur le territoire: comment la démontrer alors que
l’on s’est attaché à passer inaperçu? A propos du critère «travail»: les
patrons qui emploient l’un ou l’autre au noir seront-ils prêt à les
déclarer? Fourniront-ils un contrat conforme aux réglementations? Le contrat
de travail est pourtant la seule porte d’entrée pour ceux qui ne comptent
pas cinq ans sur le territoire. Des choix cornéliens se profilent pour les
hors critères : poursuivre dans la clandestinité, partir ailleurs, rentrer
volontairement au pays…
Envisageons les choses
plus avant. A l’instar de l’opération menée en 2000, la politique de
régularisation après le 15 décembre 2009 n’est pas définie. L’accord
«offre de bonnes solutions pour le passé», remarque le Forum Asile et
Migrations (2), plate-forme à laquelle participe
notamment le MOC, mais il manque de clarté quant à la politique d’asile pour
le futur. Le «one shot» se transformera-t-il en dispositions structurelles?
Qu’en sera-t-il de la politique d’immigration? Les perspectives à long terme
– liées aux inégalités Nord/Sud, à la mondialisation, aux changements
climatiques… – ne vont certainement pas tarir le flux des demandes
d’accueil. Les situations d’urgence ne disparaitront pas comme par magie.
Evoquant les grèves de
la faim des Sans-papiers qu’elle a accompagnées, Marianne Prévost,
sociologue de la Fédération des maisons médicales, qualifiait la fin de
l’histoire «floue» et «incertaine» (3).
Elle regrettait que la fin de ce type d’actions soit rarement accompagnée
d’un «rituel partagé permettant de clôturer cet épisode douloureux».
Son constat peut être étendu plus largement à l’ensemble de la problématique
des Sans-papiers.
Catherine Daloze
(1)
http://csusc.agora.eu.org/
(2) FAM : 02/738.08.24 -
www.f-a-m.be/
(3) Lire: «Hors limite: sans-papiers en grève de la
faim», in «Santé conjuguée», n°48, avril 2009.
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