A suivre...
(18 juin 2009)
Résidence de vacances, habitat
permanent
Certains, cet été, s’offriront un repos proche de chez eux
et à moindre coût au lieu de destinées lointaines. La Belgique n’est-elle
pas une “merveilleuse terre de vacances, parsemée de bras de rivières où
rafraîchir l’apéro et taquiner la truite”(1)? Dans les
campings et les parcs résidentiels, ces estivants de proximité partageront
peut-être le quotidien des résidents permanents. Une belle occasion de
réflexion et de rencontre.
En 1999, on identifiait environ 8.500
personnes en Région wallonne ayant élu domicile sur une parcelle de camping,
dans une baraque de parc résidentiel ou dans un village dit de vacances.
L’estimation est délicate, car sujette à de nombreuses imprécisions. Parce
que, par exemple, tous les occupants ne se domicilient pas nécessairement à
cet endroit. Les chiffres pourraient être plus élevés: plus ou moins 12.000
personnes, avancent les auteurs de la brochure “Qualité de vie en camping ou
en parc résidentiel”(2).
Choix, fuite, rêve ou contrainte
Qui sont-ils?
Des vacanciers aux revenus peu élevés qui, vieillissant, trouvent
intéressant de terminer leur vie à l’endroit où ils passaient leurs étés;
des hommes et des femmes en proie à des conflits familiaux ou à des
problèmes financiers, qui cherchent à s’isoler, à avoir la paix; des
familles désireuses de posséder un bien, un “chez soi”, mais dans
l’incapacité de financer l’achat voire la location d’un autre type
d’habitat; des patients qui, sur le conseil de leur médecin, cherchent à
respirer un air meilleur; d’autres qui tentent de diminuer la charge de leur
logement pour assurer le coût de leurs soins de santé. Certains construisent
de la sorte une forme d’équilibre et de bien-être. D’autres souffrent,
portent la honte de ce choix contraint et traversent difficilement cet
emménagement. Les parcours de vie, les raisons de vivre en un tel endroit et
les possibilités de migrer vers d’autres lieux ne sont pas homogènes, résume
Christine Mahy du Miroir vagabond, association active dans la Province du
Luxembourg.
Encadrer voire éradiquer ce type d’habitat
Ces “campeurs”
sont-ils preneurs ou pas d’un déménagement vers un autre logement, plus
conventionnel? La question se pose avec acuité depuis 2002. A cette époque,
la Région wallonne adopte le plan HP – pour «Plan d’action pluriannuel
relatif à l’habitat permanent dans les équipement touristiques». L’objectif
du gouvernement: «réduire la précarité des personnes ayant ‘’choisi’
d’habiter dans un équipement touristique» et «maîtriser l’évolution des
zones de loisirs de façon à ce que, à long terme, l’habitat permanent dans
ces zones disparaisse.» Le plan s’appuie alors sur des règles en matière
d’aménagement du territoire et sur des principes de cohérence urbanistique.
Deux phases sont prévues: la première vise les campings et les autres
structures situées en zone inondable, la seconde concerne les domaines
installés en zone non-inondable. Aujourd’hui, il est difficile d’évaluer
l’impact de ces politiques qui, rappelons-le, soulignaient la nécessité de
respecter certains choix de vie et d’aider au relogement. «La réussite du
plan HP repose sur une dynamique qui implique l’adhésion de diverses
parties», constate d’ailleurs aujourd’hui le Service de lutte contre la
pauvreté (3). La Région, les communes, les partenaires
locaux, les exploitants et les résidents participent tous de la dynamique en
cours. Si l’un fait défaut, «tout le processus est mis à mal», risquant de
mener droit à des scénarios d’expulsions, de tensions entre résidents, de
relogements improvisés et ratés ou d’angoisses récurrentes de devoir partir
du jour au lendemain.
Des conceptions qui s’entrechoquent
Les résistances
attirent les regards. La vie sous ce type de toit intrigue. C’est qu’elles
mettent au jour des parcours de vie questionnants. D’une part, ceux-ci
dévoilent des réponses alternatives attirantes: vivre en pleine nature, être
propriétaire même avec des revenus bas, s’approprier un espace, donner sa
marque, profiter de l’entraide due à la proximité… De l’autre, ils révèlent
des réalités parfois sombres et précaires, marquées par l’exclusion où les
conditions matérielles peuvent aller du meilleur au pire. Y a-t-il un
éclairage public? Le gérant se comporte-t-il de manière adéquate? L’eau
est-elle accessible toute l’année? La gestion des compteurs est-elle assurée
d’une façon équitable?... Surtout, lorsqu’on tend un peu l’oreille, ces
choix de vie nous confrontent à nos différences à propos des manières de
concevoir l’espace, son esthétique, son aménagement, le partage du
territoire, la notion de salubrité ou de logement décent, de confort...
«Ordre et désordre, remue-ménage et sécurité, se débrouiller et paraître…»
sont autant de styles différents qui gagnent à entrer en dialogue. Or les
espaces de discussion font cruellement défaut sur les lieux d’habitat
permanent, estime Christine Mahy.
L’avenir à la créativité
La question de
l’habitat pour les revenus faibles est prégnante. «De multiples intervenants
font état d’une situation alarmante en termes d’accès au logement pour un
panel de plus en plus large de la population». Et ça cogite: les tentatives
d’ouverture vers des formes alternatives d’habitat se multiplient. Ainsi,
sur un terrain plus urbain, l’association L’Autre Lieu explore “l’habitat
solidaire”: le logement collectif, lieu de vie partagé (4).
Ainsi, d’autres acteurs plus ruraux plaident pour le développement d’un
“habitat social extérieur”, sans cautionner le “n’importe quoi, n’importe
où”. Plutôt que d’éradiquer l’habitat en camping, pourquoi ne pas en
conserver les éléments positifs? Pourquoi définir des zones en des termes
exclusifs: zones d’habitat ou zones de loisirs? Pourquoi ne pas tenter la
mixité? Réfléchie et encadrée, comme le précise le Service de lutte contre
la pauvreté.
Tout compte
fait, n’est ce pas une réalité commune à tous qui apparaît en filigranes:
celle du voisinage, peu importe les matériaux de l’habitat?
Catherine Daloze
(1) Chronique à Chevetogne de Paul Hermant. A lire sur
www.rtbf.be/info/matin-premiere (rubrique:
Chroniques
nomades)
(2) Qualité de vie en camping ou en parc résidentiel,
par Question Santé asbl, 2007. Voir
www.questionsante.be/exclusion_insertion.html
ou 02/512.41.74.
(3) Voir mémorandum à l’occasion des élections
régionales - www.luttepauvrete.be/
(4) L’habitat autrement. Une campagne d’information et
de sensibilisation de l’Autre Lieu - 02/230.62.60 -
www.autrelieu.be/
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