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A suivre... (19 novembre 2009)

 

Haro sur la mendicité

«Nous vous rappelons que la mendicité est interdite dans l’enceinte du métro. Ne l’encouragez pas, merci». Ce message diffusé par les hauts parleurs de la Stib en vue de rendre les stations de métro plus “confortables” a, au contraire, laissé une désagréable impression.

Pour l’administrateur général de la Stib, Alain Fausch, le transport collectif suppose des règles de vivre ensemble; il nécessite de se sentir “confortable”; et les personnes qui quémandent dans le métro peuvent se révéler les troublions de cette quiétude. Le personnel de terrain aurait constaté ces derniers mois  «une mendicité particulièrement agressive qui se concentre dans certaines stations à proximité des appareils de vente de titre de transport». Alors la Stib est partie en campagne. Dans un premier temps, à la mi-octobre, elle a diffusé dans les stations de métro un message incitant les voyageurs à ne pas donner. En prolongement de ce message, la Stib entendait raccompagner les mendiants vers la sortie. Mais changement de cap, elle «ne prévoit, à l’heure qu’il est, aucune action visant à éjecter systématiquement les mendiants de ses installations», selon ses termes. Alors qu’elle avait été annoncée pour la mi-novembre, la deuxième phase est annulée.

De plus en plus, le mendiant est perçu comme quelqu’un dont il faut se protéger.

C’est que la première étape de la campagne en a fait frémir plus d’un. Du simple voyageur, à quelques politiques en passant par le secteur associatif. La Ligue des droits de l’homme, le Collectif solidarité contre l’exclusion, le Forum bruxellois de lutte contre la pauvreté… ont rapidement dénoncé cette «chasse aux mendiants». Un mouvement de citoyens s’est même constitué pour réclamer une «vraie dénonciation sociale de la mendicité». Ironiquement, il invitait les badauds ce 16 novembre à «soutenir la Stib dans sa lutte contre la misère», à lui fournir les moyens d’une «lutte décente contre la pauvreté» (1).

 

Le malaise ne date pas d’hier

L’ambivalence semble avoir toujours caractérisé le traitement réservé aux mendiants: tantôt répressif, tantôt charitable… Et dans le métro, les signes de l’expulsion avaient déjà pointé leur nez en 2007: qu’il s’agisse de l’opération “Beethoven” en février 2007 en vue de soumettre à autorisation les musiciens pour jouer dans les stations et dans les véhicules ou qu’il s’agisse de l’ordonnance du Parlement bruxellois, prise en décembre 2007, qui interdit la mendicité à bord des rames et dans les installations exploitées par la Stib (2). De plus en plus, le mendiant est perçu comme quelqu’un dont il faut se protéger. La logique sécuritaire prend le pas sur la solidarité de proche en proche, sur l’aide sociale et l’assistance.

 

Parcours de combattant

Interpellée par la manière dont on considère la personne qui mendie, ATD Quart Monde rappelle que la mendicité fait partie des stratégies auxquelles nombre de personnes très pauvres sont contraintes de recourir pour survivre. «On ne mendie pas de gaieté de cœur». Ainsi Louis expliquait à Myriam Nutelet, travailleuse sociale de rue, la nécessaire «anesthésie permanente pour essayer d’oublier un peu». Et Richard, alors qu’elle s’étonnait de l’avoir vu ivre, d’ajouter: «Crois-tu que je serais capable de faire la manche sans avoir bu? J’aurais voulu que tu ne me voies jamais dans cet état-là.» (3) L’alcool donnerait-il le courage de faire la manche? Dans une étude récente sur la mendicité à Bruxelles, la chercheuse Ann Clé indique que 57% des personnes interrogées parmi les mendiants non Roms, déclarent être dépendantes à l’alcool ou à d’autres substances.

Son enquête menée pour le compte de la Fondation Roi Baudouin contient de nombreux autres constats et vient éclairer une réalité empreinte de jugements, de confusions, voire de mythes. Distinguant deux groupes majeurs – les familles d’origine Rom et les hommes qu’elle qualifie d’autochtones – elle décrit la succession de facteurs négatifs qui amène à mendier ou le parcours d’exil qui aboutit au même résultat. Battant en brèche quelques idées reçues, elle relève par exemple à propos des Roms qu’ils ne sont pas accompagnés d’enfants dans la perspective de revenus supplémentaires: «mendier avec un enfant ne rapporte pas plus d’argent que de mendier sans». C’est davantage la crainte permanente d’une expulsion qui explique leur présence continue auprès de leurs parents. Ann Clé indique également à leur égard que l’existence de réseaux organisés est loin d’être avérée, d’autant que les faibles sommes récoltées rendraient ces réseaux vains. Les gains sont aléatoires mais tous en sont dépendants pour vivre, même s’ils viennent compléter pour certains Belges une allocation d’invalidité, une pension, etc.

 

Alors donner, ou ne pas donner?

Suivons ici les digressions d’un travailleur social(4). «Si je donne, (…) de nouvelles questions se posent: que va-t-il faire de mon argent? Est-ce pour manger? Cela me soulagerait de savoir qu’il en fait un bon usage. Est-ce pour boire? De l’alcool? Mais qui suis-je pour décider de ce qu’il doit faire avec son argent? Est-ce possible de mendier ou de vivre dans la rue sans boire? N’est-il pas le seul à décider ce qui est bon pour lui? A moins que je ne pose des conditions à mon geste… Finalement, il vaut peut-être mieux que je ne donne rien. Evidemment cela signifie que je cautionne la situation du mendiant. Je le laisse à son destin alors qu’il a visiblement grand besoin d’aide. J’accepte l’injustice (…) Et si moi je devais un jour me retrouver dans sa situation? Que je donne ou pas je serai mal à l’aise. Je resterai avec mes questions sans réponse».

Et si nous nous trompions de question, conclut-il. «Et si la question était comment je donne? Ou comment je ne donne pas? Oh! J’en oublie une. A qui ai-je l’honneur de donner? Ou de ne pas donner?...» A ces “mancheurs” sur un fil ténu entre deux exigences: d’une part faire comprendre aux passants qu’ils sont dans le besoin, et d’autre part garder une image respectable d’eux-mêmes au travers de nos regards.

Catherine Daloze

 

(1) Voir: www.manifestement.be/2010/STIB.htm ou mendicite@gmail.com

(2) La mendicité a été dépénalisée en 1993.

(3) Lire «Un long fleuve tranquille!», in «La mendicité ne laisse personne indifférent!», revue L’observatoire, n°25, 1999. Plus d’infos: 04/237.27.60 ou www.revueobservatoire.be

(4) «Question de points de vue», in «La mendicité ne laisse personne indifférent!» voir ci-dessus, écrit par Bernard Horenbeek, à l’époque coordinateur de l’asbl Diogènes.

 


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