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A suivre... (15 octobre 2009)

 

Entendre les plus pauvres

Refuser la misère. Eradiquer la pauvreté en Belgique. Les mots sont forts. En ces temps de crise, on pourrait les croire exceptionnels. Ils sont pourtant récurrents pour ceux qui connaissent la crise perpétuellement, pour ceux qui se trouvent sur la rive opposée d’un fossé qui se creuse mais dont les voix semblent souvent inaudibles.

Cette année, comme depuis plus de vingt ans, le 17 octobre ne faillira pas à la prise de parole de certains parmi les plus pauvres. La crise financière et la mobilisation des Etats pour secourir les banques constituent un contexte d’autant plus opportun. Bien que la crise soit «permanente» aux yeux des plus pauvres. «Nous pensons que le terme “crise” sert essentiellement de repère chronologique dans l’histoire, car au regard de la pauvreté, la crise est permanente», écrivaient des militants de Luttes solidarité travail (LST) dans le Rapport général sur la pauvreté en 1994.

 

Une proportion non négligeable de travailleurs court un risque de pauvreté.

La crise est permanente et de tous les instants. «Que l’argent manque, c’est un souci du matin jusqu’au soir. Il faut tout le temps réfléchir: où vais-je trouver cet argent, où vais-je trouver à manger? Il nous faut réfléchir tout le temps, jusqu’à en attraper la migraine, expliquent des membres du Mouvement ATD Quart Monde quand ils témoignent de leur quotidien. Nous cherchons des solutions, et souvent nous n’en trouvons pas. Nous angoissons, nous stressons, c’est le ras-le-bol total.»

 

Soutien paradoxal

Si la journée du 17 octobre est un repère symbolique, c’est aussi un moment choisi pour mettre en évidence des dispositifs ou des mesures qui fragilisent plus encore les personnes précarisées. Les mouvements qui les regroupent et les soutiennent interpellent les pouvoirs publics, montrent leurs inquiétudes face à certaines politiques sociales. Un exemple: cette année, dans le volet «emploi», LST évoque les formations et stages recommandés plus que vivement par les plans d’accompagnement des chômeurs.

Cette activation par le biais de formations n’est-elle pas tout à fait vaine quand de réelles perspectives d’emploi ne sont pas ouvertes à la clé? «Pour les chanceux, les formations et stages ne se concrétisent qu’après plusieurs années par un contrat de travail, explique l’association, et pour la plupart, par un retour à la case départ, avec un échec de plus à gérer, des espoirs en moins, voire de nouvelles situations parfois catastrophiques: un contrat temporaire apporte une augmentation temporaire des revenus, une habitude à mieux vivre (dont il faudra après se passer) et aussi l’accès à certains prêts (qu’il sera souvent difficile de continuer à assumer)».

Dans le volet «emploi» toujours, on parle de plus en plus de travailleurs pauvres. En dépit du fait qu’en Belgique, le travail offre généralement une bonne protection de revenus, le Service de lutte contre la pauvreté constate qu’une proportion non négligeable de travailleurs (4%) court un risque de pauvreté. Les situations professionnelles sont parfois trop précaires et les salaires insuffisants par rapport aux besoins du ménage(1); tandis que les activités de débrouille, véritables moyens de survie pour certains, sont la plupart du temps sanctionnées.

 

Oser s’exprimer

«Souvent, nous n’osons pas dire nos difficultés de peur qu’on nous tombe dessus, qu’on nous fasse des misères en plus au lieu de nous aider», expliquent des membres d’ATD Quart Monde.  Ils dépeignent les jugements qu’ils perçoivent au travers de réflexions blessantes – «il ne doit pas payer, c’est un crève-la-faim», la surveillance rapprochée dont ils se sentent l’objet, les risques de placement des enfants, qui les tétanisent, et l’incompréhension qu’ils ressentent.

«Ne parlez pas de nous, parlez avec nous», «Nous avons besoin que vous soyez patient», disent-ils aux soignants des maisons médicales soucieuses de mieux agir avec les familles vivant dans la grande pauvreté(2). Il faut en effet du temps pour apprendre à se connaitre, à se faire confiance. Il y a du chemin à parcourir pour entrer en dialogue. LST et ATD Quart Monde, mouvements de rassemblement des plus pauvres, l’ont expérimenté avec des maisons médicales mais aussi avec les services d’aide à la jeunesse. Le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté l’a tenté avec les services sociaux de la Mutualité chrétienne, avec des CPAS… Et la confrontation des points de vue ne va pas sans mal, entre d’une part des “usagers” – les “personnes ressources” comme les requalifie la Fédération des maisons médicales et, de l’autre des professionnels qui ont pour mission de les accompagner.

«Il ne suffit pas de mettre les gens en présence pour qu’ils se parlent vraiment… Les capacités de verbalisation sont inégales, les mots ne veulent pas dire la même chose».

La parole des plus pauvres a pris l’habitude de ne représenter que peu de poids. Elle est aussi bouleversante, fort chargée d’émotion. Pour atteindre son objectif d’être entendue, elle aura tout un trajet à parcourir: elle dépassera d’abord le vécu personnel, elle se mettra à l’écoute des points communs avec les expériences des autres, elle dégagera les nœuds et les analysera de manière collective. Elle pourra alors être portée collectivement et, travaillée, se rendra plus audible.

Le 17 octobre vient comme un rappel que la pauvreté ne résulte pas d’une responsabilité individuelle, que l’ensemble de la société est concernée, que la pauvreté n’est pas une fatalité. Pour ces équilibristes, vivant sur le fil en permanence et risquant de tomber à la moindre fatigue, témoigner ne s’improvise pas. Surtout s’ils souhaitent être véritablement entendus. Parades de lanternes, draps blancs noués aux façades, dalles gravées ou autres symboles à l’appui.

Catherine Daloze

 

(1) www.luttepauvrete.be/

(2) Lire le dossier “La santé ensemble”, Santé conjuguée, juillet 2009. Infos: Fédération des maisons médicales - 02/514.40.14.

 

Plus d’info sur les mobilisations: www.17octobre.be ou auprès d’ATD Quart-Monde – 02/647.99.00, de LST – 081/22.15.12 ou du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté – 081/31.21.17.


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