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A suivre... (19 mars 2009)

 

La génétique n’est pas

qu’une affaire de scientifiques

Ce lundi 9 mars, le président des Etats-Unis, Barack Obama, signait un décret ré-autorisant le financement par l’Etat de la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines.  Ce 11 mars, une tuerie dans un collège allemand nous confrontait une nouvelle fois à l’incompréhension. Aucun lien, bien entendu, entre ces deux événements. Si ce n’est qu’ils m’ont replongé dans un roman lu récemment.

Il est de la plume de Raphaël Jacquerye, ce Wavrien docteur en sciences, et porte le titre allusif: “La faim des magiciens”(1). Son récit s’inspire des progrès de la science et, en particulier, de la génétique. Il nous amène à penser aux conséquences parfois inattendues de recherches a priori bien intentionnées.

Dès l’entame du livre, l’auteur conte une scène d’une violence inouïe entre deux bandes rivales. Des enfants de huit à treize ans, dont un psychologue dira qu’ils sont passionnés par les jeux violents, virtuels ou réels, finissent par s’identifier à leurs héros et confondent rêve et réalité… Les propos sont d’une actualité confondante. Quelle belle intention, alors, que de tenter d’identifier et de supprimer le gène de la violence. Des généticiens y travaillent, et mettent au point des projets pour améliorer le sort de l’humanité. Eradiquer la violence qui mine la société et lutter contre la surpopulation sont les intentions premières de ces scientifiques. On découvre aussi, dans cet ouvrage, les expérimentations menées pour décupler les capacités de mémoire ou l’allongement de l’espérance de vie. Certains personnages du livre atteignent d’ailleurs aisément les 140 voire 150 ans. Intégrant différentes avancées de la science, l’auteur nous raconte comment, lors de spectacles du type “combat de gladiateurs”, les vaincus se voient, selon la sentence du public, trancher un membre, sans que cela ne soit considéré comme extrêmement grave. Le membre repoussera. Ici également, l’actualité est de mise. Car les recherches sur la régénération des organes laissent penser qu’un jour, dans un avenir plus ou moins proche, ce sera possible. Sans dévoiler l’intrigue sous-jacente, on comprendra au fil du récit que de tels “progrès” peuvent conduire au pire. Plusieurs personnages se rebellent d’ailleurs contre les modifications génétiques dont ils ont été l’objet.

 

Une fiction aux contours

bien réels

Au travers de cette fiction, Raphaël Jacquerye entend «familiariser le lecteur avec les développements de la génétique, et lui faire découvrir que l’on s’oriente vers des bouleversements importants (…)». Il n’est pas le seul à le penser. Un article du New Scientist (magazine anglais d’information scientifique) (2) indiquait que «Les progrès de l’ingéniérie génétique et de la thérapie génique laissent entendre que nous pourrions bientôt réparer les gènes altérés, corriger les erreurs et même insérer de nouveaux gènes, et réécrire ainsi notre code génétique et celui des générations futures». Mettre fin à la maladie, abolir la douleur et la souffrance, nous doter de surcapacités physique et mentale, ralentir ou arrêter le vieillissement… «l’amélioration de l’homme promet peut-être une libération, mais elle aura ses propres difficultés, poursuit le journaliste Graham Lawton. C’est bien pour cela qu’il faut y réfléchir dès maintenant». Il conclut: «Il est temps de choisir notre avenir».

 

Des garde-fous?

Certes, il y existe des commissions d’éthique qui tentent de baliser le terrain, détaillant les frontières à ne pas dépasser. Certes, il existe des réglementations, en matière de recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines par exemple. Car, si ces investigations laissent entrevoir la possibilité d’avancées thérapeutiques sur le terrain de la maladie de Parkinson, du diabète…; si elles tracent des perspectives pour la médecine dite “régénératrice”, elles n’en demeurent pas moins basées sur l’obtention de cellules via la destruction d’embryons. En principe ces derniers sont des surnuméraires conçus dans le cadre de la procréation médicalement assistée.

Ainsi, en Belgique une loi de mai 2003 conditionne la recherche sur ces embryons in vitro (c’est-à-dire qui se situe en dehors du corps féminin). Il existe différentes conditions à son autorisation: l’objectif doit être thérapeutique; l’expérimentation doit être réalisée par un laboratoire agréé, être exécutée sur un embryon au cours des quatorze premiers jours du développement, n’être effectuée que s’il n’existe pas d’autre mode de recherche alternative avec une efficacité comparable… La constitution d’embryons à de seules fins de recherche est interdite; la création d’êtres hybrides, le clonage humain également, de même que la recherche à caractère eugénique (c’est-à-dire axée sur l’amplification ou la sélection de caractéristiques génétiques non-pathologiques).

 

Vers la démocratie de l’éthique

Autorisations conditionnées, interdictions spécifiques… nous amènent à plonger au cœur des questions épineuses de la science. Mais, comme le remarque le philosophe Michel Dupuis, directeur de l’unité d’éthique biomédicale de l’UCL, «la science avance plus vite que l’éthique et il faut reconnaître qu’elle n’est guère freinée par les questions éthiques.»(3) C’est tout l’équilibre des sociétés humaines qui est en jeu remarque le généticien Albert Jacquard dans une lettre à “celui qui n’est pas encore né”(4): «la question de la légitimité de telle ou telle manipulation n’est plus posée. Tout ce qui est possible est permis, or le champ des possibles s’agrandit sans limite». Et une fois que presque tout est possible, poursuit-il, «il est nécessaire de refuser certains pouvoirs; nous sommes contraints de choisir, donc de décider nous-mêmes collectivement du bien et du mal. Cela exigera la mise en place d’une démocratie de l’éthique beaucoup plus délicate que la mise en place d’une démocratie de la gestion».

Catherine Daloze

 

(1) Raphaël Jacquerye, “La faim des magiciens”, éd. Mols, 2007.

(2) “L’heure du corps parfait a-t-elle sonné?”, article publié dans Courrier international – hors-série: “A votre santé. Merveilles et dérives de la médecine au XXIème siècle”. Oct-nov-déc.2008.

(3) Lettre d’information des cliniques universitaires Saint-Luc - 11 octobre 2002.

(4) Albert Jacquard, “A toi qui n’es pas encore né(e). Lettre à mon arrière-petit-enfant”, éd. Calmann-Lévy, 2000.

 


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