A suivre...
(2 avril 2009)
Internet,
cette délicate source d’informations
médicales
En quête
d’informations sur la santé, il n’est pas rare que tel ou telle se connecte,
se lance sur un moteur de recherche comme Google, et tente d’en savoir plus.
Mais que trouvera le surfeur à la pêche aux données médicales? Pourra-t-il
s’y référer et interpeller son médecin sur cette base? Deviendrait-il un
patient plus autonome?
L’un
tente de s’informer à propos des symptômes qui l’accablent et qu’il voudrait
interpréter. L’autre sur la maladie qui lui a été diagnostiquée et qu’il
souhaite appréhender dans le détail. L’une est à la recherche d’une solution
alternative pour stopper la souffrance qui n’en finit plus. L’autre voudrait
trouver échos à ce qu’elle vit auprès d’autres personnes dans le même cas.
En Europe, ils seraient 20% parmi les patients à se muer en internaute pour
la cause; aux Etats-Unis, 50%.
C’est que l’information
médicale et de santé ne manque pas sur la Toile. Alors, «pour mieux
comprendre les informations données par les médecins ou pour en trouver
d’autres» (1), les patients se lancent dans la lecture
des documents, témoignages, conseils via le Net. Aux commandes de la souris,
il s’agirait surtout de femmes, remarque une étude de l’Institut français de
la santé et de la recherche médicale (Inserm). De celles qui ont une grande
expérience de l’Internet, un niveau d’éducation élevé et qui sont
confrontées à un problème de santé personnel ou de leur entourage proche.
Justesse des trouvailles?
Petit hic, ce qu’elles y
trouveront n’est pas toujours fiable. Si les sites universitaires
fournissent une grande qualité d’information – quoique pas toujours destinée
au commun des mortels -, 60% des sites se situeraient en dessous de la
«qualité moyenne»; «beaucoup d’informations qui circulent ne sont pas
très exactes», remarque Ségolène Aymé, généticienne, directrice de
recherche à l’Inserm. Elle a conçu, avec d’autres, le site Orphanet: un
portail dédié aux maladies rares. Forte de douze années d’expérience sur la
Toile, elle avance quelques leçons à tirer. Sur un site en libre accès, les
profils des destinataires du message sont forts divers. Rédiger cette
information nécessite alors beaucoup de soins, de précisions et de
précautions. D’autant qu’une des spécificités de l’Internet, c’est de
distiller l’info à tout moment, sans filtres a priori. Ainsi à l’annonce
d’un diagnostic ou face à une maladie devenue familière, les besoins de
l’internaute ne seront assurément pas identiques. Tout comme ils diffèrent
de ceux du médecin qui cherche quel traitement mettre en œuvre. Des
questions se posent aux éditeurs virtuels: comment délivrer une information
juste sur une maladie sévère sans choquer? Comment évoquer des pronostics
parfois sombres? Comment communiquer également l’incertitude, la variabilité
des données? L’internaute en chasse d’information ne se rend assurément pas
toujours compte qu’il s’expose à une certaine violence. Violence aussi quand
on habite l’autre bout de la planète, que l’on prend connaissance de
traitements auxquels on n’aura accès qu’au prix d’une expatriation.
Alors que seulement 40% des
internautes déclarent vérifier l’origine des informations qu’ils obtiennent,
c’est bien pourtant le premier conseil que leur donne Ségolène Aymé. Qui a
écrit? Quelles sont ses compétences? Ses motivations? Trois questions qui
devraient nous accompagner lors de toute consultation sur le Net. «On y
trouvera des auteurs, en fait vendeurs de produits ou de services, d’autres
enclins à nous extorquer, à nous ficher, met en garde le professeur
François-André Allaert. Car le meilleur côtoie le pire», constate-t-il.
Adopter un regard critique
Pour protéger en quelque
sorte le consommateur d’information de santé sur la Toile, des initiatives
de labellisation ont fleuri. Le leader en Europe est l’œuvre de la Fondation
La santé sur Internet, une ong suisse créée en 1995. Son objectif:
«protéger le citoyen de l’information de santé trompeuse». Sous la forme
d’un code de conduire, le HONcode (2), la Fondation
certifie des milliers de sites. Ses critères: la précision sur les sites
certifiés HON que l’information vient en complément et non en remplacement
de la relation avec un médecin, la mention des sources quand sont avancés
les bienfaits ou les inconvénients d’un traitement par exemple, la
transparence au niveau des sources de financement, la séparation claire
entre éléments publicitaires et contenu rédactionnel, le respect de la
confidentialité des informations personnelles transmises par les visiteurs…
Mais attention, remarque la Fondation elle-même, le code de conduite
n’évalue pas la qualité de l’information, il veille uniquement à la
«transparence opérationnelle». De même, il ne prétend pas couvrir
l’ensemble des sites fiables. Le système actuel fonctionne sur la base
volontaire de l’éditeur. Si l’apparition du petit rectangle HON, symbole de
la certification, apporte un certain gage de sérieux, la prudence du citoyen
et son regard critique restent le meilleur garant.
Car les dérives existent.
D’aucuns allant jusqu’à parler de «cybercondrie» pour qualifier les
hypocondriaques s’attribuant, au gré des surfs, tous les symptômes d’une
maladie imaginaire. Les forums de discussions et les blogs personnels
peuvent provoquer les pires dégâts distillant des fausses vérités sans
modération, ou des informations bien réelles mais qui dévoilent des éléments
personnels que l’on ne voudrait pas toujours porter à la connaissance de
n’importe quel quidam, d’un futur employeur par exemple. Pour autant les
blogs et les forums peuvent fournir des témoignages éclairants, et drainer
une solidarité impensable sans ce médium.
Voilà les
médecins face à des patients plus informés – mieux informés? En tout cas,
constate avec satisfaction le professeur Rudi Van de Velde, l’asymétrie de
la relation patient-médecin se mue en symétrie autour un partage plus égal
des informations. Reste que les médecins sont peu préparés à ce nouveau
dialogue avec le patient, au cœur duquel sont amenées des sources
d’informations bien moins accessibles dans le passé. Reste que les patients
devraient apprendre à utiliser avec parcimonie et éveil critique cette masse
de connaissances à portée de clics.
Catherine
Daloze
(1) Voir étude réalisée par l’Inserm, en 2007 :
www.inserm.fr/fr/questionsdesante/ (rubrique: rapports)
(2) www.hon.ch
Tant
S.Aymé, que F-A. Allaert et R. Van de Velde ont participé ce 25 mars à une
conférence sur le thème “Ma santé dans un monde informatisé”, organisée par
le Comité consultatif de bioéthique de Belgique –
www.health.fgov.be/bioeth -
Monique Bosson, responsable de l’information : 02/525.09.07.
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