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A suivre... (5 mars 2009)

 

Droits de l’Homme:

entre révoltes et vigilances

Sous nos latitudes, les droits de l’Homme apparaîtront davantage comme un propos didactique réservé aux écoliers ou comme une dénonciation de faits d’une dictature bien lointaine. Sous la craie des enseignants, il leur arrive d’être décortiqués, pensés et illustrés avec les enfants plus ou moins grands. Sous la plume d’ONG, leur non-respect à l’autre bout du monde est régulièrement condamné. Plus rarement, ils semblent concerner notre vie quotidienne de citoyens (1).

Et pourtant. La Ligue des Droits de l’Homme l’affirme: «En Belgique aussi, bien du travail reste à faire». Comme Amnesty international, la Ligue qui compte parmi les incontournables es-droits humains, invite à la vigilance sur notre macadam également. Avec la publication tout récemment d’un “Etat des droits de l’Homme en Belgique” (2) pour l’année 2008, la Ligue se fait interpellante.

 

Rappeler n’est pas inutile

Parcourons quelques-uns des sujets qu’elle débusque. Il y en a qui apparaissent sans surprise. Peut-être parce que la violence intrinsèque qu’ils recèlent, ici comme ailleurs, a déjà été largement dénoncée. Ils n’en restent pas moins révoltants. On pense à la surpopulation carcérale qui met les prisons en “crise permanente”. «(…) il est fréquent que trois à quatre détenus partagent des cellules de moins de 10m2, initialement conçues pour un emprisonnement monocellulaire», rappelle Marie-Sophie Devresse, professeur à l’Ecole de criminologie de l’UCL. On pense également à l’enfermement de demandeurs d’asile, aux témoignages qui disent les violences lors des expulsions de migrants. On pense à la question - non résolue - de la présence de familles avec des enfants au sein des centres fermés pour demandeurs d’asile déboutés. On pense à l’“insécurité juridique” qui persiste pour les sans-papiers, et que viennent d’incriminer l’ensemble des cultes et mouvements philosophiques du pays… On pense à l’enfermement “comme mode de gestion des flux migratoires”, tel que le qualifient Michel Kaiser et Pierre-Arnaud Perrouty, respectivement avocat et conseiller juridique à la Ligue.

 

Des débats relativement inédits

Mais il y a, dans le tour d’horizon de la Ligue, quelques sujets moins prévisibles. «Des dispositifs de contrôle et de répression moins tangibles, aux effets plus diffus», explique le livre. C’est le cas de la multiplication des caméras de surveillance, du recours accru aux technologies d’identification et des atteintes à la vie privée qu’il peut engendrer. C’est le cas également sur le terrain des droits dits de seconde génération (droits économiques, sociaux et culturels).

La vidéosurveillance connaît des heures de gloire. Les fabricants “rivalisent d’ingéniosité” et le gouvernement fédéral décide d’octroyer une ristourne fiscale aux propriétaires ou locataires qui installeraient une caméra de surveillance en vue de sécuriser leur habitation. Mais attention à leurs usages, avertit la Ligue. L’image est parfois trompeuse: «Nous projetons ce que nous voulons y voir». Puis sous couvert de sécurisation, la vidéosurveillance peut faire office d’exclusion: dans les centres commerciaux par exemple, «la caméra ne poursuit pas immédiatement un objectif de lutte contre le vol, elle vise à identifier – et à exclure – les personnes manifestement ne correspondant pas au profil des consommateurs souhaités par les gestionnaires du centre». Pour Julien Pieret, assistant au Centre de droit public de l’ULB, «être surveillé à notre insu constitue un grave danger pesant sur l’égalité des chances et sur l’accès à certains services».

Contrôlés, nous pouvons l’être aussi sans notre aval via l’usage de technologies d’identification par radiofréquences, par exemple. Au travers de puces électroniques qui stockent des données, la technologie permet de livrer des informations sur le porteur, sans pour autant avoir son accord, et de le tracer. Potentiellement, nous pouvons être privés du droit de choisir l’information que nous voulons bien dévoiler à notre sujet, de choisir à qui nous donnons cette possibilité et en quelles circonstances. Passeport, titre de transport, job pass, badge électronique fixé sur le cartable des élèves: les applications sont plurielles et soulèvent des questions quant à de la protection de la vie privée. Celle-ci représente pourtant le droit fondamental parmi les droits fondamentaux, aux yeux de certains. Et la Ligue de déplorer l’ampleur que semble prendre le fichage policier, fichage «sans nécessairement d’infraction commise ou sur le point de l’être», compilant une série de renseignements: état civil, opinions politiques, santé physique et psychique, comportements considérés comme déviants… Au risque de créer des amalgames entre militance et délinquance, entre orientation sexuelle et délinquance, entre état de santé et délinquance…, souligne Benoît Van der Meerschen, président de la Ligue des Droits de l’Homme, dans l’attente d’un débat parlementaire à ce propos.

Plus largement, évoquer les droits de l’Homme amène à entrer aussi dans la sphère des “droits créances”, des “droits sociaux”. Aux côtés des “droits liberté”, ces droits dits de deuxième génération concernent le travail, le logement, la santé et l’aide sociale, médicale ou juridique... et supposent de l’Etat “une action positive”. Parmi ceux que détaille Edgar Szoc, secrétaire général de la Ligue, épinglons un droit fragilisé dans l’actualité toute proche: le droit de grève. Un flou législatif entourerait l’exercice de ce droit en Belgique. Les poursuites juridiques pour interdire certaines activités liées à des grèves et le recours aux licenciements de travailleurs qui y auraient participé en seraient la traduction.

 

Fragiles respects

«Malgré les carences pointées tout au long de ces pages, conclut Edgar Szoc, le modèle social belge reste exemplaire à une série d’égards (…). Ce modèle demeure cependant fragile (…)».

 

Les énoncés fort généraux de la Déclaration des droits de l’Homme, vieille de soixante ans, prennent au fil des réflexions de ces défenseurs des accents plus concrets, se rapprochent de notre ordinaire et se reflètent dans notre vécu. Les scruter, dénoncer les écarts et inviter à agir en leur faveur, voilà ce que le rapport 2008 de la Ligue des droits de l’Homme tend à faire. Un véritable projet politique s’en dégage.

Catherine Daloze

 

(1) Un comble pour des principes considérés par certains comme occidentalo-centrés.

(2) Publié aux éditions Aden, janvier 2009. Il peut être commandé auprès de la Ligue des droits de l’Homme - 02/209 62 80 - ldh@liguedh.be . Prix: 15 EUR.

 


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