A suivre...
(20 mars 2008)
Vieillir
chez soi
grâce aux technologies?
Aides
robotisées, visiophonie, télé-assistance, habitats auto-gérés… Les progrès
technologiques et les logements de demain rendront-ils les personnes âgées
moins dépendantes et moins solitaires?
Vieillir
chez soi, au cœur d’un environnement familier, c’est ce que souhaite la
majorité des aînés. Mais cela suppose bien souvent, pour les personnes
fragilisées et en perte d’autonomie, d’être secondées par des aidants,
souvent la famille proche, ou par des services professionnels. Dans
l’avenir, le maintien à domicile des personnes dépendantes exigera une
multiplication des services d’aides et de soins à domicile. Si ces services
peuvent théoriquement être considérés comme d’importants “gisements
d’emplois”, encore faut-il que des candidats qualifiés soient disponibles en
nombre suffisant et que le montant des pensions permette de rémunérer ce
personnel.
Récemment, le journal
français Le Monde publiait un article de Michaëla Borasch: “Vieillir chez
soi en 2030”(1). Celui-ci rapporte que pour les
participants au colloque “Science et démocratie”, organisé en décembre
dernier à Grenoble, la “gérontechnologie” serait la seule façon de venir en
aide aux familles à un coût raisonnable. Beaucoup de ces techniques,
constatent-ils, sont déjà en cours d’évaluation.
Des robots aidants
Des appartements, dits
intelligents, sont équipés de lampes qui s’allument dès que le soir tombe,
protégeant ainsi la personne seule d’angoisses nocturnes. Un visiophone
permet à la personne âgée d’entrer directement en contact avec un centre de
télé-assistance à la moindre alerte. Cela n’apparaît pas comme vraiment
neuf. Mais,
Le seul moyen de
rendre le vieillissement acceptable est de garantir aux plus âgés
une vie solidaire. |
Michaëla Borasch poursuit
: “Verra-t-on à l’avenir se multiplier des aides plus sophistiquées? Un
déambulateur intelligent, muni de poignées qui vont au-devant des mains de
l'utilisateur, l'aide à se lever, détecte et compense ses pertes
d'équilibre? Un distributeur de médicaments, plateau pivotant préalablement
garni et programmé par l'infirmière pour une semaine, qui se déverrouille et
dispense la dose adéquate au jour et à l'heure prévue? Des "capteurs de
soif" pourraient aussi mesurer le degré d'hydratation du corps, et émettre
un signal pour rappeler à la personne âgée qu'il est temps de boire. Tous
ces prototypes existent déjà en Europe. Reste à trouver les moyens de leur
développement industriel.”
Ces capteurs devraient
révolutionner la télé-assistance telle que nous la connaissons déjà. Des
détecteurs, suscitant un signal en cas de chute, portés sous forme d'un
bracelet électronique ou dans les vêtements, analyseront aussi des
paramètres vitaux comme le taux d'oxygénation du sang, la pression sanguine,
le rythme cardiaque, et les transmettront au centre de soins. Ils peuvent
également permettre de retrouver rapidement une personne fugueuse ou errante
grâce à un dispositif de géolocalisation par GPS.
Promesses et dangers des “gérontechnologies”
Destinées avant tout "à
améliorer la qualité de vie des personnes âgées à domicile et à faciliter le
quotidien de leur entourage", les gérontechnologies contribueront sans doute
à limiter les inconvénients, voire les dangers de la perte d’autonomie, mais
seront-elles pour autant un remède à la solitude, à la perte du goût de
vivre, voire à la dépression trop souvent observée chez les personnes
seules? La solitude est sans doute, après le manque de moyens financiers, le
problème que de nombreux seniors s’attendent à affronter.
Si les gérontechnologies
ne conduisent qu’à une sorte de “mise en lotissement” des lieux
d’habitations des personnes âgées, à l'américaine, excentrée et placée sous
surveillance électronique, dont des études dénoncent déjà les effets
néfastes du fait de l’isolement et d’une vie en vase clos, ces moyens
technologiques, aussi sophistiqués et aussi adaptés soient-ils aux besoins
immédiats des personnes dépendantes, ne suffiront pas à rendre le
vieillissement acceptable. Dans la course aux brevets qui se développe
autour de ces technologies, il nous faut donc garder un œil critique sur les
questions éthiques.
Si les technologies
d’assistance pour personnes handicapées (fauteuils roulants motorisés,
domotique, logiciels pour mal-voyants…) sont considérées comme
indispensables à la vie quotidienne, les gérontechnologies posent question.
Bien souvent, en premier lieu, constate le rapport de M. Vincent Rialle
remis (en mai 2007) au Ministre français de la Santé et de la Solidarité
(2), “on leur demande de ne pas remplacer des humains par
des machines”. Evidemment, il y a de quoi se poser des questions lorsque des
entreprises évoquent “des essaims de robots intelligents capables de
nettoyer, de ranger et même de s’occuper à distance des patients(…)” Et
puis, quelles seront les conséquences de cette “hyper surveillance” de la
santé, des mouvements des personnes et de la conformité de leurs
comportements, comme l’évoque Jacques Attali dans son dernier essai “Une
brève histoire de l’avenir”?(3)
L’appel à une forte
réflexion éthique sur le développement des gérontechnologies devrait porter
évidemment sur le respect du secret médical, tout particulièrement à
l’occasion du transfert de données vitales captées à domicile, l’obtention
du consentement des personnes lors de l’installation de certaines
technologies, la non-intrusion dans la vie privée, la fiabilité de ces
techniques qui doivent garantir la sécurité des personnes, leur
accessibilité à toutes les personnes concernées et, en fin de compte, le
maintien indispensable d’une vie sociale, le seul moyen de rendre le
vieillissement acceptable étant de garantir une vie solidaire et non une
situation solitaire dans un appartement entouré de robots communicants, dits
intelligents.
N’est-il pas étrange qu’il suffit que ces machines soient
sophistiquées pour qu’on les dise intelligentes, comme si on voulait
les rendre plus humaines. Ne dira-t-on pas un jour qu’elles ont “du
cœur” tant les robots auront envahi notre quotidien le plus
familier?
Christian Van Rompaey |
(1) “Vieillir chez soi” Le Monde des 9/10 mars 2008.
(2) Technologies nouvelles susceptibles d’améliorer les
pratiques gérontologiques et la vie quotidienne des malades et de leur
famille.
http://www.cgti.org/rapports/rapports-2007/rapport-Rialle.pdf.
(3) Une brève histoire de l’avenir Jacques Attali. Editions
Fayard (20 EUR).
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