A suivre...
(17 janvier 2008)
L’éducation du point de
vue des enfants
En
matière d’éducation, parents et enseignants s’accordent: ils veulent qu’elle
soit la meilleure possible. Qu’en pensent les enfants? Que disent-ils de
l’école? De l’entreprise éducative de leurs parents?
En
1989, des chercheurs de l’Université de Liège se lançaient dans une vaste
enquête qui durera vingt ans : “Grandir en l’an 2000”. L’étude longitudinale
du parcours de vie de 400 nourrissons aboutira en 2009, alors qu’ils auront
vingt ans. Tout au long de ces vingt années, seront recueillies à leurs
propos, des informations auprès des écoles et des familles, auprès des
enfants eux-mêmes. C’est là une des particularités de la recherche, outre sa
durée : s’intéresser au point de vue des enfants, des jeunes, principaux
intéressés.
A la demande de
l’Observatoire de l’enfance, de la jeunesse et de l’aide à la jeunesse (1),
des chercheurs ont déjà extrait de la manne de données quelques éléments qui
détaillent ce que les enfants ressentent à propos de leur éducation, le
regard qu’ils portent sur l’école, sur les enseignants, sur leurs parents.
“Car si le meilleur médecin ne peut guérir un malade sans sa
collaboration, le meilleur éducateur ne peut atteindre son objectif sans la
participation de l’intéressé”, estime-t-on du côté de l’Observatoire.
Et que disent-ils ces enfants grandissants?
Tout d’abord, ils
aiment généralement l’école. “Entre la 3ème maternelle et
la 1ère primaire, presque 8 enfants sur 10 disent apprécier
l’école. Ils sont encore 7 sur 10 en 3ème primaire à porter le
même jugement”. Ce constat globalement positif n’empêche pas les
chercheurs de déduire a contrario qu’un enfant sur quatre qui aimait l’école
en 1ère primaire, ne l’apprécie plus ou plus trop en 3ème. Les
causes de ce désamour énoncées par les enfants vont de l’ennui, aux efforts
à fournir en passant par l’attitude de l’enseignant : “c’est la dame, je
ne l’aime pas, elle me fait des remarques”. Quoiqu’il en soit pour la
grande majorité d’entre eux, aller l’école, c’est important.
Pour correspondre au
mythique “bon élève”, les enfants pensent que la recette, c’est la
discipline, la réflexion étant reléguée au second plan. “Quelle est la
place laissée alors à l’esprit critique, aux capacités d’observation et de
résolution des problèmes, credo des socles de compétences?, réagissent
les chercheurs. Dans le milieu scolaire comme dans le milieu familial, le
développement d’un enfant s’adaptant aux contraintes du monde extérieur
semble primer sur sa capacité à créer des solutions alternatives aux
problèmes rencontrés dans la vie quotidienne.”
Se tromper à l’école,
faire des fautes dans une dictée par exemple, c’est grave. Les
erreurs, les enfants les considèrent comme des actes répréhensibles. On perd
des points, on reçoit des “gommettes rouges”, ou des “mauvaises images”, on
a du travail supplémentaire, voire on est puni. “Ces résultats tendent à
montrer que l’erreur est loin d’être envisagée comme un levier
d’apprentissage”, remarquent les chercheurs qui estiment que la sanction
scolaire est trop souvent considérée comme le bâton censé amener les élèves
à la performance. De fait, commettre des erreurs semble loin d’être
considéré par les enfants comme un élément de l’apprentissage. De quoi
interroger les éducateurs qui savent le développement des enfants rythmé par
les essais et erreurs, par l’expérimentation.
Les parents, quant à
eux, disent viser l’épanouissement de leurs enfants et plébiscitent une
dimension de sensibilité : “être détendu, être sensible aux belles
choses, imaginer, inventer”. Un léger décalage avec la perception de
leurs enfants quant aux objectifs de l’entreprise éducative des
parents. En effet, à leurs yeux, les parents apprennent à “bien
travailler, à apprendre des choses utiles pour l’avenir”. Un avenir,
relativement ouvert apparemment. Les enfants ressentent une grande liberté
quant aux choix futurs qu’ils émettront en ce qui concerne leur métier et ne
savent pas nécessairement vers quoi l’orienter : pratiquement 6 enfants sur
10 ne savent pas ce que leurs parents souhaiteraient les voir exercer comme
profession.
Les enfants parlent
aussi du contrôle que les parents exercent, un contrôle qualifié de
spatio-temporel par les chercheurs: “Les parents sembleraient plus
enclins à faire respecter des horaires et à surveiller les déplacements qu’à
veiller aux vêtements, aux pratiques religieuses ou à l’utilisation du
frigo, même si ranger sa chambre est incontournable”. Le contrôle mais
aussi le réconfort seraient souvent, d’après les enfants, assurés par le
duo papa-maman. Même si maman reste plus présente comme
consolatrice, compagne de jeux et de loisirs, aide pour les tâches
scolaires. A une interdiction des parents, les enfants disent se conformer,
rares étant ceux qui contournent les interdits, bien que quelques-uns disent
adopter des stratégies d’usure (insister jusqu’à obtenir l’assentiment des
parents), du vaincu (montrer ostensiblement leur désaccord).
Pour les chercheurs, on
est loin du profil de l’“enfant-roi”, ou de celui du parent démissionnaire.
Catherine Daloze
(1) OEJAJ, bd Léopold II, 44 à 1080 Bruxelles – 02/413.37.65
– www.oejaj.cfwb.be. La synthèse de l’étude “Des enfants qui ont beaucoup à
dire” est téléchargeable sur le site de l’Observatoire, dans la rubrique
publications – enfance.
Paroles
d’enfants
qui
explorent le temps |
Ecouter
les enfants, recueillir leurs témoignages, susciter leurs
réflexions… est au cœur du travail de Jacques Duez. Professeur de
morale dans des classes de primaire de la région du Borinage, il est
connu pour le dispositif particulier qu’il a créé au sein de ses
cours.
Plusieurs
éléments le caractérisent: l’usage d’une caméra fixe au sein de ses
cours d’une part, et d’autre part, un questionnement approfondi, le
recueil sans jugement du point de vue des élèves, de leurs pensées
en train de se construire.
Ces séquences
constituent une véritable mine d’or où “le professeur rend
manifeste le fait que les enfants ont la capacité de développer une
conscience réflexive, et même critique parfois, de ce qu’ils vivent
et de la façon dont ils le vivent”(1). C’est leur intelligence
du monde que l’on découvre dans ces séquences filmées; les
ressources au fond insoupçonnées que recèle la parole des enfants. A
condition d’ouvrir un espace pour l’entendre, un espace de
neutralité où le professeur se fait agitateur de questionnements.
Ce réservoir
constituait une belle source pour l’Observatoire de l’enfance, de la
jeunesse et de |
l’aide à la
jeunesse, soucieux d’explorer plus avant la thématique du temps
auprès des enfants. Après quelques sélections parmi les années de
bandes filmées, s’ensuit la sortie d’un dvd à l’attention de tout un
chacun intéressé par la thématique.
On y découvre de
la lenteur difficile à vivre pour cette petite écolière que l’on dit
paresseuse; de l’ennui... à l’école, comme à la maison; des réponses
plurielles à la question “s’il ne me restait que quelques jours à
vivre”; et puis surtout, une séquence merveilleuse où un jeune
homme de vingt ans voit et entend l’enfant qu’il était grâce aux
vidéos du professeur de morale. Cet enfant, son ancêtre, témoigne de
ses potentialités oubliées et lui redonne vitalité, confiance en
lui.
CD
Le
dvd est disponible gratuitement auprès de l’Observatoire –
02/413.37.65 ou 02/413.36.27
observatoire.enfance-jeunesse@cfwb.be
Le livret est téléchargeable sur le site
www.oejaj.cfwb.be (rubrique :
“publications” - puis “enfance”). |
(1) “Les temps des enfants. Une analyse”, par Gentile Manni,
Patricia Palermini et Jacques Duez.
Voir www.oejaj.cfwb.be
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