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A suivre... (7 février 2008)

 

 

Tous solidaires?

Roulons solidaire, mangeons solidaire, marchons solidaire... Le mot d’ordre est partout. “Attention!” nous dit la philosophe Marie-Claude Blais: “Derrière le rayonnement actuel de la notion de solidarité se dissimule l’héritage de deux siècles de réflexion sur les rapports entre l’individuel et le social.” Alors, prévient-elle: “Pas de banalisation consensuelle!”

Doù vient le succès d’une notion qui semble si évidente et qui cache un nœud de questions? La notion de solidarité exprime-t-elle simplement l’expérience quotidienne de la dépendance mutuelle? S’agit-il de compassion? Parle-t-elle de l’attention que nous portons aux autres, tout particulièrement quand ils sont dans la difficulté? S’agit-il du sentiment de reconnaissance (et de dette) à l’égard des générations qui nous ont précédées ou du sens du devoir que nous devrions avoir à l'égard des générations qui nous suivent? S’agit-il d’une norme de droit, celle qui impose des devoirs et des obligations à l’égard des autres? Sans doute est-ce tout cela à la fois, ce qui expliquerait l’usage intensif de la notion de solidarité… et la confusion qui tourne autour.

 

Un peu d’histoire

1896. Léon Bourgeois, l’une des grandes figures du Parti Radical (France) de la fin du XIXe – début du XXe siècle, publie un petit livre sobrement  intitulé Solidarité. Certes, la notion de solidarité était déjà définie dans le Code Civil français (1804) comme “un engagement par lequel les personnes s’obligent les unes pour les autres et chacune pour tous”. Et c’est le pré-socialiste Pierre Leroux qui va l’introduire (1841) dans le vocabulaire philosophique, social et politique. A son tour,  Léon Bourgeois développe une théorie du “solidarisme” s’appuyant sur le fait que chacun est redevable de sa situation à l’ensemble de la société: “Dès sa naissance, écrit-il, l’homme est un obligé. Il naît débiteur…”

La solidarité porte un impératif de justice sociale qui a pris diverses formes dans tous les pays industrialisés. 

Cette idée de “dette sociale” est la pierre angulaire du “solidarisme” au nom de laquelle il revendique l’enseignement gratuit pour tous, le droit à un minimum d’existence garanti (un dividende universel), une assurance contre tous les risques de la vie sur une base mutualiste.

La République française affronte alors la question sociale. Avec la poussée de l’industrialisation - quand aux gains des uns on voit grandir parallèlement les malheurs des autres - la problématique du “lien social” se pose de manière cruciale. C’est dans ce contexte particulièrement dur, entre l’individualisme libéral et le socialisme collectiviste, que la notion de solidarité apparaitra comme la seule capable de réconcilier la défense des libertés personnelles et l’obligation sociale des uns envers les autres. La notion de solidarité, au XIXe siècle, donne désormais un nom à la nature du lien qui relie des hommes et des femmes déclarés libres et autonomes – en principe – par la Révolution française. Le “solidarisme” suscitera de grands débats jusqu’en 1914, mais il ne survivra pas à la mort de son fondateur.

 

Un impératif de justice sociale

Le “solidarisme”  pourrait n’être qu’un épisode limité de l’histoire sociale. Mais, dans les années 80, la “solidarité” retrouve une nouvelle jeunesse. Et depuis, elle ne cesse d’être invoquée dans des espaces de plus en plus larges. La solidarité se voit à nouveau plébiscitée constate Marie-Claude Blais dans un ouvrage qui vient de paraître(1) : “Sous la poussée de l’individualisme juridique et la résurgence offensive du libéralisme économique, nous renouons (…) avec la matrice intellectuelle qui avait imposé la catégorie de solidarité comme la seule à même d’accorder la liberté et le lien, l’indépendance des êtres et leur interdépendance, la responsabilité de chacun et la protection de tous…  La solidarité  pourrait bien être le nom que prend l’obligation sociale à l’heure du droit des individus.” 

En un seul mot, la solidarité rassemble différentes manières d’être en société. La sociologie nous dit que les individus en société sont comme les rouages d’une horloge, comme les membres d’un même corps, ou comme des gens qui se sont volontairement associés. Mais ce n’est pas tout!

La solidarité ne dit pas seulement que le lien social est nécessaire. Elle porte en outre un impératif de justice sociale qui a pris diverses formes - juridique, politique et institutionnelle – dans tous les pays industrialisés: “L’idée de solidarité semble pouvoir fournir un contre-feu efficace à l’expansion de l’idéologie du laisser-faire et de la libre concurrence. Elle apparaît dès l’origine comme le moyen de dépasser une antinomie apparemment insurmontable entre l’intérêt individuel et l’intérêt général…”

Mais attention, prévient un journaliste du quotidien français Le Monde (2): “Solidaire, le mot est magique, il sonne chaleureusement, satisfait toutes les consciences et masque toutes les douleurs. Mais sa définition est confuse.” Aujourd’hui, la solidarité revêt tellement d’habits différents qu’elle risque bien d’y perdre son efficacité politique. Ainsi, on ne peut confondre une solidarité “humanitaire” et une solidarité politique, créatrice d’institutions justes et accessibles à tous. Certes, “quel individu, quel peuple n’acquiesceraient à l’impératif d’entraide en cas de désastre, affirme Marie-Claude Bais, (…) mais autre chose est de faire jouer à la solidarité le rôle d’une source de droit.” La solidarité ne peut être seulement une “incantation destinée à colmater les brèches et à évacuer les incertitudes plutôt qu’à les affronter.” Ou encore, en cette période de privatisation forcenée des services publics (3), la solidarité ne peut être "la clé d’une version maximale de l’Etat minimal!"

 

Les risques pour la solidarité aujourd’hui? “C’est celui des petites pièces ou des vaines paroles qui expriment le triomphe de la compassion aux dépens de la justice et de l’efficacité.”

Christian Van Rompaey

 

(1)  La solidarité. Histoire d’une idée. Marie-Claude Blais. Editions Gallimard 2007 (22,50 euros).

(2)  Ni compassion ni socialisme. Yves-Marc Ajchenbaum (Le Monde 4/01/2008).

(3)  Lire: Comment le capitalisme nous infantilise. Benjamin Barber. Editions Fayard 2007 (25,80 euros).

 


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