A suivre...
(1er mars 2007)
L’assurance
santé,
une priorité… aux Etats-Unis!
Le 21 février dernier, face à l’insupportable montée des dépenses de santé
aux Etats-Unis, le président George W. Bush encourageait le Congrès à
prendre sérieusement en considération le fait que plus de 46 millions
d’Américains, soit 7 millions de plus qu’en l’an 2.000, ne bénéficient pas
de couverture santé (1).
Avec le projet d’assurance maladie universelle défendu par le gouverneur de
Californie, Arnold Schwarzenegger et la lettre adressée au Président par une
dizaine de sénateurs (républicains et démocrates) ayant élaboré un projet
commun de couverture santé pour ceux qui en sont dépourvus, on peut dire que
le débat sur l’assurance maladie revient au premier plan Outre-Atlantique…
plus de dix ans après que les responsables politiques aient rejeté (en 1994)
un projet de sécurité sociale défendu par Hilary Clinton.
George W. Bush annonce également que les Américains qui souscriront de leur
propre initiative une assurance santé - l’assurance maladie n’étant pas
obligatoire aux Etats-Unis - bénéficieront d’une déduction fiscale pouvant
monter jusqu’à 7.500 dollars (5.700 euros). Et, selon le journal français
Les Echos, la proposition d’Arnold Schwarzenegger visant à mieux répartir
les efforts de financement entre les entreprises, l’Etat et les ménages
californiens ferait des émules, dans au moins onze autres Etats américains.
Peut mieux faire…
De plus en plus d'analystes estiment qu'il faut
revoir le système de santé américain à dominante privée et à
l'architecture fractionnée, en instaurant un système de couverture
universel public. |
Si les tendances à la hausse des dépenses de santé sont assez proches l’une
de l’autre dans l'ensemble des pays industrialisés, les Etats-Unis
atteignent des montants records représentant 15,3% du PIB en 2004 contre une
moyenne de 8,9% pour les pays de l'OCDE, sans pour autant atteindre de
meilleures performances. Les indicateurs d'espérance de vie et de mortalité
infantile ne sont pas brillants. Le taux d'encadrement (médecins et
infirmières) et le nombre d'hôpitaux ne sont pas plus élevés qu'ailleurs. Et
plus d'un Américain sur sept n'a pas de couverture santé.
Pourquoi les dépenses de santé aux Etats-Unis augmentent-elles donc plus
vite que dans d’autres pays industrialisés, se demande Jean-Marc Lucas,
économiste à la BNP Paribas dans la revue Conjoncture (2)? Sans aucun doute,
dit-il, pour les mêmes raisons que celles que nous connaissons en Europe,
comme le vieillissement de la population et l’augmentation du nombre de
malades chroniques… mais, par ailleurs, les Etats-Unis ont fait des sciences
de la vie un enjeu de compétitivité économique qui fait que, selon Jean-Marc
Lucas, les innovations technologiques seraient “le principal facteur de la
hausse du coût de la santé, loin devant la démographie: à âge et pathologie
donnés, on dépense davantage que par le passé”, les surcoûts l’emportant sur
les économies. Cela dit, au-delà du problème posé par le volume record des
dépenses d’un système qui manque d’efficience, le système de santé américain
présente également une architecture particulière, “fragmentée et à dominante
privée”.
Un système fragmenté
L'assurance publique se limite aux populations les plus fragiles (personnes
âgées ou handicapées) couvertes par le programme Medicare tandis que les
ménages à bas revenus bénéficient du programme Medicaid. Les Etats-Unis sont
une exception au sein de l'OCDE (avec le Mexique et la Corée) en présentant
une contribution du secteur public inférieure à 50% contre 73% en moyenne
dans l'OCDE.
Les ménages qui veulent bénéficier d'une couverture santé doivent contracter
une assurance privée, soit directement, soit par le biais de l'entreprise où
ils travaillent, ce qui est le cas le plus fréquent (neuf fois sur dix). Les
employeurs ne sont pas obligés d'assurer cette couverture, mais ils y sont
fiscalement encouragés.
Mais voilà, la montée des dépenses de santé se répercute sur les primes
d'assurance et met sous pression les finances des entreprises et les revenus
des salariés. Les primes d'assurance ont progressé de 7,7% en 2006 alors que
l'inflation tourne autour des 3,3%.
En novembre dernier, par exemple, quand les dirigeants des trois principaux
constructeurs américains de l’industrie automobile se sont rendus à la
Maison-Blanche pour évoquer les difficultés de leur secteur, ils ont cité le
coût de la santé parmi les premiers facteurs pénalisants à côté de la parité
yen-dollar, du coût de l’acier, et du manque d’incitations fiscales en
faveur des moteurs “propres”. Il ne faut donc pas s’étonner que de plus en
plus d’entreprises se désengagent de la couverture santé. Ainsi, la baisse
de la couverture santé des retraités est spectaculaire: “35% des
entreprises de plus de 200 salariés offrent une couverture santé à leurs
retraités contre 66% en 1998.” (2).
Ménages et finances publiques subissent également cette hausse. De plus en
plus de personnes s’inscrivent dans les programmes publics parce qu’ils ne
peuvent souscrire une assurance privée beaucoup trop coûteuse. Ce ne sont
pourtant pas les tentatives de réformes qui manquent ni les incitations pour
modifier le comportement des patients ou des médecins. Mais de plus en plus
d’observateurs pensent que c'est l'architecture du système qu'il faut revoir
et suggèrent que “l'instauration d'un système de couverture universel public
serait plus avantageuse”.
Pour les Etats-Unis, il s’agirait d’une véritable refondation et d’une
profonde révision philosophique. Autant en prendre bonne note alors que
d’aucuns lorgnent ici vers un modèle anglo-saxon en difficulté, qui ne
propose qu’une assurance publique minimale et tolère d’importantes
inégalités.
Christian Van Rompaey
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(1) “Chiffres clés sur les Américains sans assurance santé”. Selon le
rapport Kaiser (en anglais) :
http://hesa.etui-rehs.org/uk/newsevents/
(2) Janvier 2007:
Système de santé américain: pronostic vital réservé (sans
intervention)
Lire sur le site:
www.bnpparibas.com (Rubrique Etudes économiques,
ensuite
cliquer en bas de page sur Site des Etudes économiques pour accéder aux
anciennes publications).
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