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A suivre... (21 juin 2007)


 

 

La TVA peut-elle être sociale?

 

La TVA “sociale”, invitée-surprise des élections législatives françaises, contribua à redonner de la voix (et des voix) à la gauche française. Mais qu'en est-il exactement d'une proposition qui s'inscrit dans une fiscalisation toujours plus poussée du financement de la sécurité sociale?

 

La proposition française d’instaurer une TVA dite "sociale" est, tout simplement, une nouvelle manière de financer partiellement la Sécurité sociale. Elle consiste à compenser une réduction du montant des cotisations sociales versées par les employeurs, par une hausse de la taxe sur la valeur ajoutée, qui passerait de 19,6% à 24,6% et dont le produit serait partiellement affecté, dans un premier temps, au financement de l’assurance maladie et des allocations familiales.

Selon ses partisans, cette proposition réunirait dans un cercle vertueux patrons, travailleurs et consommateurs permettant, dans un enchaînement (théorique), de réduire le coût du travail, de renforcer la compétitivité des entreprises sans pour autant renchérir les prix des biens de consommation… ce qui est particulièrement douteux.

Une telle mesure aurait également les mêmes effets qu'une dévaluation classique, dès lors qu’elle permettrait de lutter contre la délocalisation des entreprises en offrant sur les marchés extérieurs des biens exportés moins chers (grâce à la baisse des cotisations patronales et alors que non soumis à la TVA, les bien exportés n’en subissent pas la hausse). Sur le marché intérieur les biens importés de l’étranger, seraient plus chers, supportant la hausse de TVA tout comme les produits français vendus en France, mais ne bénéficiant pas des réductions de cotisations patronales. La TVA “sociale” est donc aussi présentée comme une taxe sur les importations et devient la TVA “antidélocalisation.”

 

Le recours à la TVA est-il une panacée pour les Finances publiques et l’emploi? La recette apparaît moins magique qu'il n'y paraît.

 

Adapter la TVA ne peut se réduire à transférer unilatéralement des charges sociales sur les consommateurs.

La première crainte des Français, auxquels on avait fait miroiter des mesures fiscales avantageuses, est que la TVA “sociale” ne pourra que rogner leur pouvoir d’achat, et tout particulièrement celui des ménages contraints de consacrer l’essentiel de leurs revenus à la consommation. Cette mesure pourrait même aboutir à une réduction de la consommation, avec un effet négatif sur l’emploi.

La mesure, telle quelle, est donc inégalitaire… sauf à ne pas augmenter la TVA de manière uniforme mais en distinguant les produits de base des produits dits de luxe. C’est que proposait David de la Croix (UCL) dans une carte blanche publiée dans LE SOIR (16 juin): “Remplacer les cotisations sociales par la TVA revient à distribuer des ressources des plus pauvres vers les plus riches (…) Ce caractère antiredistributif de la TVA reste vrai aussi longtemps que celle-ci porte de façon uniforme sur tous les biens de consommation. Si, au contraire, il y avait moyen de n’accroître la taxation que sur les biens consommés par les plus riches, la TVA sociale pourrait s’avérer finalement plus redistributive…” Mais peut-on moduler la TVA d’une manière suffisamment fine?

 

Certes, une baisse du coût du travail devrait entraîner une baisse des prix hors-taxe. Mais l’expérience apprend que les entreprises ne répercutent généralement pas, sinon partiellement, les exonérations de charges salariales qu’on leur accorde, ni en baisses de prix (sauf à se retrouver face à une situation de forte concurrence), ni en créations d’emplois….

On cite l’Allemagne où le gouvernement d’Angela Merkel a fait passer le taux de TVA de 16% à 19% afin de financer une partie de la protection sociale, en échange d’une baisse des cotisations sociales. L’expérience est trop récente pour en tirer des conclusions fiables. S'il est vrai que l’Allemagne n’a pas dû affronter un choc inflationniste, il reste que les prix des produits de base ont bel et bien augmenté. En revanche, l’exportation se porte bien. On parle aussi du Danemark où la TVA (avec un taux de 25%) finance depuis 1987, une part non négligeable de la Sécurité sociale. Mais le recours à la TVA ne fait que s’ajouter à des prélèvements obligatoires très importants qui représentent près de 53% du PIB. Et le coût du travail au Danemark est particulièrement élevé.

 

Le risque de la TVA dite “sociale” est de renforcer une tendance à la fiscalisation de la protection sociale qui ne reposerait que sur les ménages, et cela sans distinction de revenus. La mesure est donc une TVA vraiment “antisociale.” Adapter la TVA ne peut se réduire à transférer unilatéralement des charges sociales sur les consommateurs.

Par ailleurs la poursuite de la fiscalisation de la Sécurité sociale ne pourra que renforcer le rôle de l’Etat, avec le danger de réduction de prise en charge de certaines situations sociales, variant au gré des pouvoirs politiques en place, avec le risque de voir se réduire la responsabilité des partenaires sociaux, patrons et syndicats.

En Belgique, les charges de la Sécurité sociale ne sont pas non plus supportées par les seuls employeurs et travailleurs salariés. En plus des cotisations et d’un subside, l'Etat fédéral verse annuellement un montant forfaitaire à l'ONSS. Ce financement alternatif de la Sécurité sociale est également constitué d’un pourcentage de recettes de TVA. Mais la TVA n’a pas été augmentée pour autant. Cette règle de financement remplace de fait de multiples recettes qui avaient été instaurées et étaient auparavant versées à la sécurité sociale.

 

Quant au Mouvement Ouvrier Chrétien, il a toujours marqué sa préférence pour l’instauration d’une Cotisation Sociale généralisée (CSG), plus égalitaire, parce qu’elle fait intervenir l'ensemble des revenus, du capital et du travail, dans le financement de la protection sociale. Pour un faible taux, elle pourrait mieux financer la sécurité sociale de tous, car elle porterait sur une assiette très large de revenus.

 

Christian Van Rompaey

avec Patrick Feltesse

Chercheur à la Fondation

Travail-Université (FTU)

 


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