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A suivre... (6 septembre 2007)

 

Un mauvais procès contre

les médicaments génériques

 

Le 6 août dernier, la Haute Cour de Justice de Chenai (Madras) dans l’Etat indien du Tamil Nadu, rejetait une plainte déposée par la firme pharmaceutique suisse, Novartis. Celle-ci mettait en cause le droit du gouvernement indien à s’opposer au brevetage d’un médicament contre une forme de cancer ainsi que la législation qui fonde ce refus.

 

L'Inde est l'un des rares pays capables de produire des médicaments génériques en très grande quantité et à des prix accessibles aux pays en développement. Ce pays a en effet intégré dans sa législation la marge de manœuvre

légitime dont disposent les Etats membres de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) afin de pouvoir répondre à leurs besoins de santé publique selon l'état de leur développement.

Réagissant au rejet d’une demande de brevet pour l’Imatinib, un médicament connu sous le nom de marque Glivec® contre une forme rare de cancer, l’entreprise pharmaceutique Novartis avait attaqué en justice une disposition essentielle de la loi indienne sur les brevets stipulant que la simple modification d’une substance déjà connue ne pouvait être brevetée si elle n’apportait pas de véritable modification thérapeutique. A ce jour, font remarquer les associations suisses ayant contresigné la Déclaration de Berne (1), aucun Etat membre de l'OMC n'a jamais porté plainte contre ces dispositions. Cela n'a pourtant pas empêché la firme de Bâle de contester – en vain – devant les tribunaux indiens le droit de l’Etat indien à refuser d’accorder ce brevet.

 

L’enjeu : l’accès aux génériques

C’est une organisation indienne d'aide aux patients atteints de cancer, la Cancer Patient Aid Association (CPAA), qui avait fait opposition à cette demande de brevet auprès du Bureau des brevets de Chennai (Madras), pour le compte de

patients cancéreux, comme le permet le droit indien. Le Bureau des brevets a rejeté la demande de Novartis car celle-ci portait seulement sur une nouvelle forme de substance déjà connue. Cette décision évitait une situation de monopole qui aurait été accordée au brevet jusqu’en 2018 et annulait automatiquement les droits de commercialisation.

Est-il légitime de faire dépendre la recherche pharmaceutique de prix exorbitants pratiqués par les multinationales du médicament dans les pays pauvres?

Novartis a donc porté l’affaire en justice. Sa plainte était double : elle portait contre la décision du Bureau indien des brevets, mais aussi contre la loi indienne qui avait permis cette décision – que Novartis estimait non constitutionnelle. L'action de l’industriel suisse allait donc bien au-delà du cas du Glivec®. Elle visait tous les médicaments pouvant tomber dans le champ d'action de cette loi. “Ce faisant, affirme la revue française Prescrire (2), la firme pharmaceutique mettait en question l’accès aux médicaments essentiels récents des populations pauvres dans un grand nombre de pays démunis.”

Les initiatives de Novartis suscitaient en effet la crainte parmi les patients cancéreux de ne plus pouvoir disposer de leurs médicaments à bas prix. Novartis avait décidé de vendre son médicament à un prix élevé dans tous les pays du monde, y compris dans les pays pauvres, les prix variant de 25.000 dollars US à plus de 50.000 dollars US par patient et par an. En Inde le Glivec® se vend au prix de 26.000 dollars US par patient par an alors que les versions génériques du médicament coûtent en Inde environ 2.100 dollars US par patient par an!

Le jugement rendu a donné tort à Novartis qui ne désire apparemment pas faire appel de cette décision. Mais la firme de Bâle a annoncé qu'elle annulerait ses investissements en Inde pour des pays où les industries sont mieux protégées !

 

Sortir de l’impasse actuelle

La décision de la Cour indienne de Chennai rendu le 6 août dernier, est une victoire pour la santé publique dans les pays en développement affirme Céline Charvériat d'Oxfam: "Les multinationales ne peuvent malmener les pays en développement et les forcer à se défendre en justice lorsqu'elles recourent aux garde-fous mis à leurs dispositions par l’OMC et destinés à défendre la santé publique."

Certes, il arrive que des multinationales comme Novartis fassent des dons par le biais de fondations ou en accordant des prix très bas à l'OMS. Mais cela ne règle pas des problèmes de fond comme les prix élevés des médicaments dans les pays en développement. Les stratégies de dons ne suffisent pas à faire face à l'ampleur des problèmes de santé publique et ne peuvent constituer une solution pour les traitements au long cours.

Une politique de prix élevé est-elle acceptable pour un médicament aussi vital? Est-il légitime de faire dépendre la recherche pharmaceutique de prix exorbitants pratiqués par les multinationales du médicament dans des pays où les pauvres représentent une majorité de la population et qui cherchent à protéger la santé de leur population? N'y a t-il pas à trouver d'autres modèles d'affaires conciliant innovation et accès aux soins?

Il existe pourtant des propositions de solutions qui font l'objet de discussions au sein de l'OMS, rappelle le CNCD (Opération 11.11.11). Celles-ci vont dans le sens de la constitution d'un nouveau fonds mondial alimenté par les pays membres de l'OMS en fonction de leur développement économique. Ce fonds récompenserait les entreprises ayant mis au point des produits novateurs permettant de lutter contre les maladies négligées et celles qui affectent de manière disproportionnée les pays pauvres. Ces différents médicaments seraient ensuite distribués à prix coûtant aux populations des pays pauvres, sous forme générique. Ce type de mécanismes permettrait de sortir de l'impasse actuelle dans la mesure où il serait en mesure de financer la recherche et le développement de nouveaux médicaments sans les faire dépendre d'un niveau de prix inabordable pour la plupart de l'humanité.

Christian Van Rompaey

 

(1) La Déclaration de Berne est une association de citoyens et de citoyennes suisses décidés à agir ici pour un monde plus juste (http://www.evb.ch/fr )

(2) Inde : le mauvais procès de la firme Novartis. (Revue Prescrire, juin 2007 : http://www.prescrire.org/ ).


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