A suivre...
(6 décembre 2007)
Et
maintenant, que faire
pour plus d’équité à l’école?
Le 30
novembre 2007 a fini par arriver: il s’agissait de la date officielle de
l’ouverture des inscriptions en première année de secondaire, comme
l’imposait le nouveau décret “inscriptions” en Communauté française. Et, ce
fut, comme prévu, la ruée vers plusieurs établissements secondaires libres
et officiels très prisés…
Au
soir du 30 novembre, Marie Arena, ministre de l’Enseignement obligatoire en
Communauté française, a rappelé que seules 40 écoles étaient concernées sur
les 750 écoles secondaires de Wallonie et de Bruxelles. C’est peut-être
vrai, mais toutes les écoles ont directement ou indirectement subi des
“effets collatéraux” de cette situation: ainsi, certains établissements qui
n’ont jamais connu de problèmes d’inscription ont vu les parents affluer dès
le premier jour. D’autres écoles, au contraire, n’ont pas connu de problèmes
particuliers et, là-bas, le soulagement et la déception étaient sans doute
étroitement mêlés. En effet, il est sans doute valorisant d’enseigner –et de
s’inscrire- dans une école où l’on se bat pour entrer… Pourtant, certaines
écoles où il n’y avait pas de files n’en sont pas moins de bonnes écoles où
l’enseignement est sérieux et d’où les élèves sortent avec une tête bien
faite. Cette publicité indirecte faite à certaines écoles qui n’en avaient
d’ailleurs nul besoin est l’un des effets pervers du décret. Et ceux-ci sont
nombreux.
Dualité de l’enseignement
Marie Arena l’a
d’ailleurs reconnu et, dès le 30 novembre, elle a souligné la nécessité
d’évaluer le processus des inscriptions pour l’améliorer. C’est aussi
l’avis, notamment, du Secrétariat général de l’enseignement catholique (SEGEC),
de la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement officiel (FAPEO) et
du Mouvement ouvrier chrétien (MOC). Mais si les partisans et les
adversaires du décret sont d’accord sur l’existence d’effets pervers et la
nécessité de l’évaluer, ils tirent du même constat des conclusions opposées!
Toutes les écoles ont directement ou indirectement subi des “effets
collatéraux” du décret “inscriptions”. |
L’ambition du décret
“inscriptions” est d’assurer plus d’équité dans l’enseignement de la
Communauté française, souvent pointé comme particulièrement inégalitaire.
C’est ce qui résulte notamment des études Pisa menées par l’OCDE: les
résultats médiocres de notre enseignement s’expliqueraient, en partie, par
la dualité des écoles. Et là où certains établissements seraient au-dessus
de la moyenne, d’autres seraient nettement en-dessous, surtout pour les
élèves de 15 ans. Il serait pourtant injuste de pointer ces écoles et de les
déconsidérer – comme l’ont fait certaines personnes dans les files - parce
que notre Communauté fait passer l’épreuve PISA à tous les élèves de 15 ans,
quelle que soit la filière choisie. D’autres pays n’y incluent pas les
élèves de l’enseignement professionnel parce qu’ils dépendent du ministère
de l’Emploi alors que, chez nous, ils dépendent du ministère de l’Education.
Reste que si la Communauté française a l’ambition d’assurer un “socle
commun” de qualité à tous les élèves, elle est bien loin d’y parvenir.
Mixité sociale
La grande majorité de la
Communauté éducative ne conteste pas l’objectif d’équité de la Communauté
française. Celui-ci est d’ailleurs l’un des piliers du “Contrat pour
l’école”, largement négocié. En revanche, sur les moyens à mettre en œuvre
pour atteindre cet objectif, les avis divergent radicalement. La question
d’ailleurs n’est pas simple et, en Europe, plusieurs pays tâtonnent sur la
manière de faire. Depuis quelques années, la Flandre connaît, elle aussi, un
processus d’inscriptions analogue à celui qui vient d’être mis en place,
avec le même phénomène de “grand camping” devant certaines institutions…
Selon Marie Arena, rendre les demandes d’inscriptions plus transparentes et
plus objectives (principe du “premier arrivé, premier servi”) serait un
premier pas pour garantir à tous les parents une réelle liberté de choix
pour leurs enfants. Cela n’a pas été le cas. La composition sociologique des
écoles restera à peu près la même. Les familles les plus informées, celles
qui disposent de temps ou de bons réseaux sociaux ont été les premières dans
les files. Dans certains établissements où la direction avait déjà la
volonté d’ouvrir l’école, la mixité sociale sera même moins grande !
Agir sur l’offre
Alors, que faire à
l’avenir? Dans certaines régions, comme le Brabant wallon, il faudra sans
doute élargir l’offre et créer de nouvelles écoles. La ministre l’a
d’ailleurs reconnu. Selon la FAPEO, il faut aussi revoir les modalités
d’application du décret sur base des remarques des directions et des
parents. Pour le SEGEC, il faut “agir sur l’offre en dotant les écoles
des moyens qui garantissent un enseignement de qualité pour tous”. Quant
au MOC, il plaide pour des réformes plus judicieuses et propose une formule
de gestion plus collective des inscriptions dans les bassins scolaires.
Bref, on n’a pas fini de
parler de ce décret, d’autant que le syndicat libéral va introduire un
recours en annulation contre lui devant la Cour constitutionnelle en
plaidant la violation de la liberté d’enseignement (article 24 de la
Constitution) et du principe d’égalité (articles 10 et 11). L’action ne vise
cependant pas à remettre en question les inscriptions acceptées cette année.
Tout à l’opposé, au nom du principe d’égalité, les centrales de
l’enseignement de la CSC et de la FGTB soutiennent le décret sans
modération, estimant qu’il s’agit “d’un premier pas dans la bonne
direction”.
Le décret reviendra immanquablement à l’avant-plan avec
l’interdiction faite aux élèves de changer d’établissement en cours
de cycle. Là aussi, les intentions sont excellentes, notamment pour
lutter contre le “consumérisme scolaire”, mais les effets pervers
risquent aussi d’être lourds: certains établissements qualifiants
inscrivent un nombre important d’élèves en cours d’année, au plus
grand bénéfice de ces derniers. Il faut donc accompagner cette
décision de manière active et efficace pour que le décrochage
n’augmente pas au lieu de diminuer…
Anne-Marie Pirard |
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