A suivre...
(20 septembre 2007)
La
Grande-Bretagne autorise
la
production d'embryons hybrides
Depuis le 5
septembre dernier, la Grande-Bretagne est le premier pays à autoriser
officiellement la création "in vitro" (c'est-à-dire en dehors de l'organisme
vivant) d'embryons destinés à la recherche scientifique, et constitués d'un
patrimoine génétique humain intégré dans une enveloppe cellulaire d'origine
animale.
La production d'un embryon hybride
en recourant à la technique du clonage (ou transfert de noyau) consiste à
introduire le noyau d’une cellule humaine dans un ovocyte (1)
animal (une vache, une brebis, une lapine) vidé de son ADN
(2). Si la manipulation réussit, on obtient en quelque sorte une
chimère, un embryon possédant des cellules contenant des gènes humains dans
leur noyau – les plus importants fonctionnellement – et des gènes animaux
dans leur cytoplasme, héritage direct de l’ovocyte animal.
Il n'y a pas de risque pour
autant – en principe - de voir un jour des chimères dans les rues de nos
villes, comme l'ont suggéré certains titres de presse ! Il ne s'agit pas de
produire des hommes-singes. Ainsi, il est interdit d'implanter ces embryons
dans un utérus. Ils ne peuvent par ailleurs être conservés au-delà de 14
jours, limite au-delà de laquelle une grande partie des chercheurs
anglo-saxons estiment que l'embryon n'est pas encore un être humain et qu'il
peut être manipulé sans que l'on puisse porter atteinte, selon eux, à la
dignité humaine.
Le principe de créer
des embryons hybrides
homme-animal
a de quoi secouer les esprits,
et pas seulement
pour des raisons juridiques. |
L'autorisation accordée par
l’agence britannique chargée d’encadrer l’utilisation scientifique et
médicale d’embryons humains, la HFEA (3), vise à répondre
à la demande de groupes de chercheurs étudiant les cellules souches,
c'est-à-dire ces cellules indifférenciées, capables de s'auto-renouveler,
de se différencier en d'autres types cellulaires (globules sanguins,
cellules nerveuses, musculaires ou osseuses) et de proliférer en culture.
Les chercheurs placent de grands espoirs dans ces cellules souches qui
devraient contribuer à la guérison de maladies comme le Parkinson,
l'Alzheimer, la régénération du muscle cardiaque ou la réparation de
tissus dégénérés.
Malheureusement, la technique
de clonage a un très mauvais rendement chez l’homme. Confrontés à une
pénurie d'ovocytes féminins, sans lesquelles on ne peut produire des
embryons par la technique du clonage, les biologistes britanniques ont eu
l'idée de remplacer les ovocytes humains par des ovocytes d'origine animale.
Pour obtenir un embryon, il faut en effet utiliser des centaines d’ovocytes,
ce qui revient à demander à des dizaines de femmes de se soumettre à un
traitement hormonal lourd pour alimenter la recherche en cette précieuse
matière première. De longues discussions se sont tenues au sein du
gouvernement britannique qui s'est finalement laissé convaincre par la
création d’embryons-chimères à des fins scientifiques, à la stricte
condition que ceux-ci soient détruits au bout de quatorze jours.
Le gouvernement britannique est
ainsi le premier pays à autoriser formellement cette manipulation. La
production d'embryons hybrides a déjà été tentée dans d'autres pays,
notamment aux Etats-Unis, dans des sociétés travaillant sur fonds privés
(notamment Advanced cell technology depuis 2001), ou en Chine.
Toujours
plus…
Bien sûr, sans même évoquer des
scénarios catastrophe de science-fiction, le principe de créer des embryons
hybrides homme-animal a de quoi secouer les esprits, et pas seulement pour
des raisons juridiques. Les lois bioéthiques, sur le Continent, interdisent
clairement cette pratique. En Belgique, si la recherche sur les embryons in
vitro est autorisée (depuis 2003) dans des limites bien précises (pour
rencontrer des objectifs thérapeutiques ou scientifiques qu'il est
impossible de rencontrer autrement, sur un embryon de 14 jours au plus, et
en principe sur des embryons surnuméraires), elle interdit par contre le
commerce d'embryons, le clonage humain et … les chimères. Mais jusqu'à quand
? Les projets des scientifiques semblent ne pouvoir s'arrêter en chemin et
la législation semble ne pouvoir contenir leur volonté de maîtrise du
vivant. L’opinion publique britannique était en quelque sorte préparée à
franchir un pas supplémentaire. La Grande-Bretagne n'est-elle pas le pays où
est né le premier bébé FIV (né par fécondation in vitro) qui apparaissait
alors comme une transgression, ainsi que la brebis Dolly, premier mammifère
cloné de l'histoire à partir d'un noyau de cellule adulte. N'est-ce pas
encore la Grande-Bretagne qui autorise de longue date la recherche sur des
embryons fécondés in vitro?
Le Vatican n'a pas manqué de
réagir avec véhémence par la voix de Monseigneur Elio Sgreccia, président de
l'Académie pontificale pour la vie, craignant que l'on passe malgré tout à
un stade ultérieur. Celui-ci affirmait (Le Monde, 23 mai 2007): "La création
d'un hybride homme-animal est une frontière qui avait été interdite, jusqu'à
aujourd'hui, et par tous, dans le domaine des biotechnologies parce que la
dignité humaine est compromise, offensée, et qu'on peut ensuite créer des
monstruosités à travers ces fécondations."
En
l'état actuel des discussions, aucun compromis ne semble possible
entre l'avancement des connaissances scientifiques, l'espoir d'un
meilleur avenir thérapeutique et les convictions morales de l'Eglise
catholique, qui défend par ailleurs d'autres pistes pour la production
de cellules souches à partir de tissus adultes, évitant ainsi de
recourir aux manipulations hasardeuses d'embryons.
Christian van Rompaey |
(1) Cellule
femelle de reproduction destinée à être fécondée par le spermatozoïde.
(2) Molécule
supportant l'information génétique héréditaire.
(3) Human
fertilisation and embryology authority.
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