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A suivre... (17 mai 2007)


 

Cancers professionnels

D’après les dernières estimations du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), il y a eu dans l’Union européenne 2,3 millions de nouveaux cas de cancer en 2006 ainsi que plus d’un million de décès dus au cancer.

Une partie de ceux-ci sont directement imputables aux conditions de travail.

 

"Même en se tenant à une estimation conservatrice de 8% des cancers attribuables aux conditions de travail, l’on peut constater que la mortalité par cancer liée au travail dépasse très largement la mortalité par accidents du travail et constitue vraisemblablement la première cause de mortalité dues aux conditions de travail en Europe”, affirme Mar Sapir, directeur du département Santé et Sécurité de l’Institut syndical européen pour la recherche, la formation et la santé-sécurité (1). Certes, d’autres cancers résultent d’expositions environnementales, mais, dans bien des cas, celles-ci sont elles-mêmes attribuables aux conditions de travail. Ces dizaines de milliers de décès n’ont rien d’accidentel et sont évitables. Ils ne résultent pas de dysfonctionnements dans le processus de production: “Ils sont causés, dit-il, par les choix techniques de substances et de procédés et par l’organisation du travail.”

 

Une maladie inégalitaire

Dans les pays développés, le cancer est la principale cause de mortalité, après les maladies cardio-vasculaires. Il est responsable d’un quart des décès dans les 25 pays de l’Union Européenne.

 

Malgré les nombreuses études démontrant la surmortalité par cancers des travailleurs exposés à certaines substances, la prise de conscience de ces cancers n’est toujours pas satisfaisante.

 Il grimpe à 41% dans la tranche d’âge des 45-64 ans, ce qui en fait la première cause de mortalité parmi la classe d’âge moyenne, selon Eurostat. “Au-delà de ces généralités, constate la journaliste Anne-Marie Mangeot, les atlas de mortalité permettent de constater que la mort, la maladie, le cancer frappent différemment selon la région où l’on habite”, ce qui permet d’expliquer les causes de ces différences. Ainsi, un excès des cancers de la bouche dans les Etats du Sud-Ouest des Etats-Unis a été lié à l’habitude de chiquer du tabac dans ces régions. Un taux élevé de cancers pulmonaires, observé le long des côtes américaines, a pu être attribué à l’activité des chantiers navals durant la seconde guerre mondiale. Les taux de mortalité des hommes par cancers du poumon, dans certaines régions d’Espagne, sont de 20% plus élevés que la moyenne nationale (et le double par rapport à la Navarre) en Estrémadure, Asturies ou dans le Sud-ouest de l’Andalousie. Ces régions connaissent aussi le taux de travailleurs manuels le plus élevé de ce pays.

 

“Ces inégalités territoriales devant la maladie et la mort, poursuit aussi Anne-Marie Mangeot, sont généralement le reflet d’inégalités socioprofessionnelles.” A Séville, on a établi que les quartiers à plus fort taux de chômage présentent une surmortalité de 15% pour les hommes et de 8% pour les femmes. La région du Nord Pas-de-Calais, qui présente la proportion la plus importante en France de gens en situation de précarité, enregistre les taux d’incidence des cancers les plus élevés.

 

Mais “Si le chômage peut être un facteur d’inégalité sociale devant la maladie et la mort, le travail l’est tout autant.” Ainsi, le CIRC constate que dans tous les pays européens l’incidence des cancers et de la mortalité par cancers est la plus élevée dans les groupes socio-économiques à faibles revenus. Par exemple, “au cours des cinquante dernières années, l’incidence de cancer du poumon a diminué dans les tranches les plus aisées de la population, mais il a continué à progresser dans les groupes aux revenus les plus faibles.” Il est à noter que cette différence n’est pas seulement due à des habitudes de tabagisme différentes suivant les groupes sociaux, comme beaucoup pourraient le penser: ”Si les disparités de consommation tabagique entre groupes sociaux existent bien, elles sont sans commune mesure avec l’inégalité observée concernant les cancers. Chez les hommes, l’écart concernant la proportion de fumeurs est de l’ordre de 20% entre cadres et ouvriers, mais l’excès de mortalité précoce par cancer chez les ouvriers par rapport aux cadres est de l’ordre de 200%.” (2)

 

Longtemps, on a cru que l’augmentation du nombre des cancers n’était qu’une résultante de l’allongement de la vie. Dans les années 60, on a apporté la preuve épidémiologique de l’implication du tabac dans les cancers du poumon. Depuis, l’attention s’est surtout portée sur les mauvaises habitudes individuelles comme le tabagisme, la consommation exagérée d’alcool ou une alimentation déséquilibrée. S’il est important de corriger ces comportements, “… ces explications avaient un avantage politique, elles reportaient sur les personnes elles-mêmes la responsabilité de l’origine de la maladie. Pourtant, si l’on y réfléchit bien, l’augmentation du nombre de cancers est concomitante au développement industriel…” Après le charbon, la carbochimie a banalisé l’exposition des populations des pays industrialisés aux cancérogènes ; la chimie du chlore et la pétrochimie entraînent à leur tour la création de milliers de produits dont on sait que certains sont mutagènes et cancérigènes. “Au-delà de la querelle sur les pourcentages, les cancers professionnels sont une réalité que personne ne peut plus nier” conclut Anne-Marie Mangeot.

 

Or, malgré les nombreuses études démontrant la surmortalité par cancers des travailleurs exposés à certaines substances, la prise de conscience de ces cancers n’est toujours pas satisfaisante et, à part l’amiante, elle n’a toujours pas suscité de mobilisations à la mesure de tant d’autres inégalités bénéficiant d’une plus grande médiatisation. Avec la nouvelle règlementation REACH, il y a des opportunités à saisir tant du côté de la mobilisation des travailleurs que de côté d’une stratégie de prévention au niveau européen.

Christian Van Rompaey

 

(1) ETUI-REHS – http://www.etui-rehs.org/fr/

Plus d’informations: lire Les cancers professionnels. Une plaie trop souvent ignorée. Marie-Anne Mangeot, journaliste. Avec la collaboration de Tony Musu et Laurent Vogel (ETUI-REHS).

Commander: ETUI-REHS, 5, bd du Roi Albert II, bte 5 – 1210 Bruxelles. Tél. 02/224.05.60.

(2) Actes de la Recherche en Sciences sociales (n°163 – juin 2006), Histoire professionnelles et cancers. Annie Thébaud-Mony. Lire dans En marche : Cancer et travail. Un couple méconnu (octobre 2006). (www.enmarche.be/Social/Cancer_ettravail.htm).


 

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