A suivre...
(5 juillet 2007)
A quoi
sert le G8?
Début juin
2007 se tenait le sommet annuel du G8 à Heiligendam, station balnéaire de la
Baltique. Ce "forum" des nations les plus industrialisées du monde, présenté
comme un lieu d'échange informel, n'en trace pas moins des lignes
directrices pour les grandes institutions internationales.
A ses débuts, le G8 devait
débattre en priorité des sujets économiques et financiers. Au fil des ans,
les questions politiques et les questions de société y ont pris de plus en
plus d’importance. Cette année, les thèmes centraux du sommet d’Heiligendam,
présidé par la chancelière allemande Angela Merkel, ont abordé entre autres
les problèmes de l'OMC, les droits de propriété intellectuelle, les
questions énergétiques et climatiques. On y a parlé aussi (une fois de plus,
dira-t-on) du combat contre la pauvreté dans le monde.
Fondé en 1975 afin de coordonner
la montée de la mondialisation, le G8 n'a d'autre légitimité que celle qu'il
s'est attribué, partant du constat qu'il représente plus de 60% de la
richesse mondiale! Chaque année de nombreuses organisations sociales, mais
aussi des experts économiques, expriment de vives critiques à son égard,
considérant que ces discussions n'ont aucune légitimité démocratique. Une
poignée de responsables politiques, certes issus des pays les plus riches de
la planète, ne représentent toutefois qu'une minorité (14%) de la population
mondiale!
Un bilan
mitigé
Le
G8 ne s’est absolument pas replacé sur la voie menant à la réalisation
de ses promesses en matière d’aide à l’Afrique. |
“…Au lieu de réaliser ses
promesses, le G8 a essayé de défrayer le plus possible la chronique avec la
plus faible augmentation de l’aide possible. Les 60 milliards de dollars
pour le VIH/Sida, la santé, la tuberculose et le paludisme représentent,
tout au plus, une augmentation de l’aide de 3 milliards en 2010. Elle est la
bienvenue, mais elle est de 27 milliards de dollars en deçà de
l’augmentation promise par le G8 en 2005 (au sommet tenu en Angleterre)”
déclarait Max Lawson, expert politique d’Oxfam.
Médecins sans frontières parle de
bilan mitigé. L'accord des dirigeants du G8 pour demander un renforcement de
la protection des droits de propriété intellectuelle dans les économies
émergentes va à l'encontre de la promotion de la santé dans les régions qui
en ont le plus besoin.
Des pays à revenus moyens,
comme l'Inde et le Brésil, sont des producteurs-clés de médicaments
essentiels à prix abordables, utilisés aussi bien à l'échelon local que dans
les pays en développement. Ainsi, les médicaments génériques fabriqués en
Inde représentent plus de 80% des antirétroviraux (ARV) utilisés par MSF
dans ses projets sida, mis en œuvre dans plus de 30 pays et dont bénéficient
plus de 80.000 patients: "Un nouveau renforcement de la protection des
brevets, décidé par le G8 aura pour effet de maintenir à un niveau élevé le
prix des nouveaux médicaments en Afrique, en Asie et en Amérique latine et
ne fera rien pour stimuler l'innovation dans les régions qui en ont le plus
à gagner", explique un directeur de MSF. "Nous avons besoin
d'antirétroviraux moins coûteux, et il est tout aussi urgent que nous
disposions de nouveaux tests et médicaments de meilleure qualité pour le
traitement de la tuberculose et des maladies tropicales."
Certes, le G8 a réaffirmé son
engagement à permettre aux pays en développement de se soustraire à un
ensemble restreint de règles internationales relatives à la propriété
intellectuelle en matière de santé publique, mais il a proposé parallèlement
un nouveau cadre qui prévoit la négociation de règles plus strictes pour les
grandes économies émergentes, reprenant ainsi d'une main ce qu'il donne de
l'autre.
Oxfam ajoute encore que le G8
aurait dû engager des fonds spécifiques pour les 4,25 millions de
travailleurs de la santé dans le monde, et convenir d’un mécanisme de
coordination international pour financer les régimes de soins médicaux qui
assureraient la santé pour tous.
La contrefaçon de médicaments qui
met en danger la vie des patients, a, par contre, bénéficié de toute
l'attention du G8. Les pays les plus riches auraient pourtant été bien
inspirés de s'intéresser tout autant aux besoins des pays pauvres, à savoir
l'accès à des médicaments génériques de qualité et abordables.
Loin de
réaliser ses promesses…
Bien qu’il ait annoncé des fonds
pour le VIH/Sida et d’autres maladies, le G8 ne s’est absolument pas replacé
sur la voie menant à la réalisation de ses promesses en matière d’aide à
l’Afrique et demeure loin du compte dans certains domaines, dont la santé et
l’éducation.
Pour ce qui est de l’aide
officielle au développement, Oxfam indique que l’augmentation de 60
milliards de dollars annoncée pour le VIH/Sida inclut une bonne part des
niveaux de dépenses existants et est largement insuffisante pour remettre le
G8 sur les rails en matière d’aide globale.
Selon les calculs d’Oxfam, qui
tient pour acquis que l’argent sera versé sur 5 ans, l’augmentation de
l’aide globale n’aura atteint que 23 milliards de dollars en 2010, alors que
le G8 avait promis une augmentation de 50 milliards à Gleneagles
(Angleterre) en 2005.
Dans le domaine des changements
climatiques, Oxfam est satisfait de la déclaration du G8 visant son adhésion
à un processus de négociation des Nations unies pour l’après-2012, et son
engagement à réaliser des réductions marquées des émissions. Oxfam prévient
toutefois que les mesures prévues dans le texte sur les changements
climatiques sont nettement insuffisantes pour protéger les populations les
plus pauvres et vulnérables de la planète qui souffrent déjà des effets des
changements climatiques, et que les objectifs numériques brillent par leur
absence.
A quoi
sert donc le G8 qui, depuis plus de trente ans, pratique une
diplomatie discrète, bien loin de la bonne gouvernance démocratique
qu'il prétend défendre? Bien qu'informel, le G8 a le pouvoir
d'orienter les politiques des grandes organisations internationales
dans un sens qui ne répond pas toujours aux intérêts des citoyens du
monde mais à des considérations géopolitiques. A quoi servent de tels
échanges qui, par ailleurs, n’aboutissent qu’à des promesses sans
contraintes ?
Christian Van Rompaey |
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