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Vie Quotidienne (20 mai 2010)


 

 

Un peu de SEL dans votre vie?

Annick fait du pain pour Marie. Marie garde les enfants de Jean-Christophe. Jean-Christophe donne des cours d'anglais à Philippe. Philippe tond la pelouse de Nathalie. Echanger des biens et services au niveau local sans faire intervenir l'argent séduit de plus en plus de personnes. Le système d’échanges locaux (SEL) ambitionne de redonner une dimension solidaire et conviviale à la vie de nos villages et quartiers.

© Bouts de fiSEL

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une douce après-midi “contes” pour les enfants,

proposée par Katheline au sein du SEL d’Ath.

 

 

Ce soir, Jean-Christophe se rend à la réunion du SEL. Il a hâte de parler de son jardin et de ses plantations. C’est sur les conseils avisés d’un autre membre du SEL, Thomas, fleuriste, et donc source intarissable sur les fleurs et les plantes, qu’il a aménagé son jardin. Comme une quarantaine d’autres familles ou personnes, Jean-Christophe fait partie de “Bouts de fiSEL”, le SEL athois en plein essor. Ce réseau est né il y a un an à peine à l'initiative de quatre amis désireux de se lancer dans l’aventure. Le fait de rendre service aux autres et d'en recevoir sans qu’il ne soit question d’argent, les a séduits immédiatement.

“Ce qui est génial, c’est qu’on n’a pas peur de demander un service à une personne car on ne se sent pas d’office redevable envers elle, lance avec enthousiasme Jean-Christophe. On sait juste qu’un jour, à notre tour, on pourra aider quelqu’un d’autre grâce à notre savoir, notre savoir-faire ou nos biens”. D’ailleurs, Jean-Christophe n’a pas encore rendu de service à Thomas, mais la semaine passée il est allé chaque jour chez Marianne et Philippe, partis en vacances, pour arroser les plantes et nourrir le chat. Et le week-end prochain, il recevra l’aide de Christophe pour installer les clôtures de son jardin. “Pourquoi acheter un nettoyeur vapeur à 150 euros si on peut l’emprunter pour une journée?”, lance à son tour Annick.

Pour elle, le SEL replace l’argent à sa juste place. “Dans notre société, l'argent est devenu une fin en soi. C'est celui que l'on accumule et autour duquel on spécule. Le SEL offre une alternative concrète pour réapprendre le don, le contre-don, la solidarité, et redonner à la monnaie d'échange son sens premier: un moyen d'obtenir des biens et services qui répondent à de réels besoins”. Nathalie renchérit: “Le SEL favorise la rencontre de personnes venant d'horizons variés et de tous âges. Il contribue à un monde moins individualiste, plus convivial”.

 

Une “banque” d'offres
et de demandes

“Chacun exprime ses offres et demandes, explique Jean-Christophe. Par exemple, j’ai besoin d’un coup de main pour préparer une fête, peindre les châssis de ma maison, faire le repassage. Ou, à l'inverse, je propose des remédiations en math, des petits travaux d'électricité, des massages relaxants… Je peux aussi prêter ma remorque, livrer les croissants le dimanche matin, lire des contes aux enfants…”

Le comité de coordination du SEL (que Bouts de fiSEL a baptisé COCO) centralise toutes les offres et demandes, coordonne les activités, comptabilise les échanges de chaque membre et veille au respect de la charte du SEL (voir plus loin).

Comme la plupart des SEL, Bouts de fiSEL a créé un site internet sur lequel sont répertoriées les offres et demandes(1). Les coordonnées des membres y sont accessibles dans une zone qui leur est réservée. “Si je trouve l’offre (la demande) qui me convient, je prends directement contact avec la personne concernée, précise Jean-Christophe. Dans le cas inverse, je peux introduire ma demande ou mon offre. Je peux aussi contacter les membres du comité car ils connaissent bien toutes les ressources du SEL. Il est important de ne pas se décourager devant le refus de l’un ou l’autre membre. Chacun reste libre de refuser de rendre un service, sans avoir à se justifier. Bien sûr, tout se passe beaucoup mieux si chacun reste courtois et attentionné”.

Bouts de FiSEL organise régulièrement des activités et animations pour permettre aux membres de faire connaissance et renforcer la dynamique des échanges. Jean-Christophe explique: “Lors de nos ‘auberges espagnoles’, nous partageons tous ensemble les plats apportés par chacun. Notre prochaine rencontre festive aura lieu le 20 juin prochain. L'invitation est lancée à tous!”

 

Des nœuds

Dans les SEL, l'argent est remplacé par une unité d'échange non monétaire, sorte de monnaie locale, basée sur le temps passé à rendre service. Au SEL d'Ath, cette unité a été baptisée “nœud”. Ainsi, une heure prestée donne droit à un nœud. Le prêt et le don de biens sont également évalués en nœuds. Lors de la transaction, des bons d’échanges sont complétés et remis au COCO pour comptabilisation. Les totaux sont mis à jour régulièrement et communiqués à chacun. “Globalement, on est attentif à ce qu'un membre n’offre pas plus de biens que de services. Et chacun ne peut être débiteur ou créditeur de plus de 40 nœuds. Si tel est le cas, le COCO demandera de faire en sorte de revenir à une situation d’équilibre”, explique Jean-Christophe qui précise qu'aucun intérêt n’est perçu sur les comptes négatifs, ni offert sur les comptes positifs.

 

Des conditions, une charte

Chez Bouts de FiSEL, un “membre” est une personne, une famille, voire un groupe ou une association qui se choisit un surnom. L'adhérent signe la charte du SEL, paie une modique cotisation annuelle et s'engage à réaliser au moins un échange dans les trois mois qui suivent son inscription.

Le respect de la charte du SEL est fondamental. Celle-ci précise les valeurs qui guident les échanges, les conditions et limites dans lesquelles ils doivent s'opérer: la confiance, le respect de la liberté de chacun, l'égalité... Un principe de base à respecter est de ne pas échanger des services exercés dans le cadre de sa profession. Par contre, tous les conseils sont bienvenus et l'on peut échanger des savoirs et des savoir-faire. On peut aussi donner ou prêter des biens.

 

De multiples motivations

On peut adhérer à un SEL pour de multiples raisons. Certains y verront une alternative à la société marchande, un acte de militantisme contre la mondialisation, d’autres un véritable réseau d'entraide où l’aspect relationnel et la rencontre priment, d’autres encore un moyen de s'épanouir, de se sentir utile et de valoriser ses compétences, d'autres enfin, une manière de recevoir facilement un “coup d'pouce” et d'avoir accès à une multitude de talents sans débourser d'argent. Le SEL, en vérité, c’est tout cela à la fois. Et bien plus encore !

// Cristelle Dupont

et Joëlle Delvaux

>> Pour en savoir plus sur le SEL d'Ath: http://boutsdefisel.jimdo.com

(1) La liste est aussi envoyée par courrier à ceux qui le désirent.

 

 

De la monnaie locale aux réseaux sociaux

C'est dans la région de Vancouver au Canada, en 1983, qu'est né véritablement le premier système appelé LETS (Local Exchange and Trading System). Michael Linton, Ecossais, voulait tirer parti des nombreux savoir-faire sous-employés dans une région qu'avaient désertée les principales entreprises productrices d'emploi. La population manquait d'argent et l'idée fut de créer un système basé sur le troc multilatéral.

Inscrite dans la filiation des économies alternatives, cette expérience (qui s'éteignit quelques années après, faute de régulation des échanges), s'est propagée dès la fin des années 80 en Angleterre dans des zones où le chômage atteignait des taux records. Grâce à la monnaie locale, les LETS permettaient en effet de redynamiser l'économie locale et d'y redéployer l'emploi.

Quelques années après, rebaptisés SEL (systèmes d'échanges locaux), les LETS ont traversé la Manche pour séduire la France (l'Ariège d'abord) puis la Belgique, la Suisse, etc.

Dans les années 90, les LETS et SEL se sont multipliés à côté des réseaux d'échanges de savoirs et des systèmes de troc bilatéral (comme l'échange de maisons, le troc de biens…), donnant soudainement une ampleur mondiale aux échanges non monétaires et ouvrant largement le débat à leur propos. En Belgique, celui-ci a été porté, notamment, par les clubs de réflexion “Démocratie et Créativité” impulsés par le ministre des Finances de l'époque, Philippe Maystadt. “Dans les milieux politiques et économiques, d'aucuns se demandaient si toute une série d'activités potentiellement rentables réalisées via les SEL n'allaient pas échapper au circuit économique et donc au fisc et aux cotisations sociales, se souvient un des membres actifs du groupe de réflexion. Certains parlaient aussi de concurrence déloyale par rapport aux PME. Pourtant, les échanges professionnels sont exclus. Et la plupart des adhérents n'auraient de toute façon pas fait appel au circuit économique traditionnel”, poursuit-il, estimant que les risques de fraude fiscale via les SEL ne sont en rien comparables à la fraude fiscale qui prospère à grande échelle dans notre pays.

Par ailleurs, s'est posée très clairement la question de savoir si les allocataires sociaux (les chômeurs en particulier) peuvent participer à un SEL et réaliser des échanges de services sans risquer de perdre leurs allocations sociales. “A l'instar de l'Australie, des Pays-Bas et de l'Irlande qui avaient clairement autorisé les chômeurs à participer aux SEL dans des limites précises, nous demandions qu'une réglementation similaire soit prise en Belgique, indique notre interlocuteur qui constate que le flou reste bel et bien de mise à l'heure actuelle. Pourtant, les SEL offrent aux victimes de la crise la possibilité de retrouver leur dignité, de mettre en valeur leurs compétences et de maintenir les liens sociaux”.

Aujourd'hui, il existe des SEL/LETS un peu partout dans le monde. Initiatives locales portées par leurs membres ou émanations d'associations diverses, certains disparaissent très vite, d'autres au contraire s'étendent et essaiment.

“En Belgique, la plupart des nouveaux SEL se proclament d'abord et avant tout comme des réseaux sociaux”, explique Joaquim de Susa sur le forum Intersel. Il ajoute: “Beaucoup tentent de voir dans les SEL un système économique alternatif et veulent nous convaincre que le développement de monnaies locales serait la solution à la crise économique mondiale. Mais cela créerait un désordre total au niveau macro-économique et ne réglerait en aucun cas la corruption financière”. Laissons donc aux SEL leur véritable place: celle d'initiatives citoyennes solidaires et locales basant les échanges sur la coopération plutôt que la compétition, le lien relationnel plutôt que le bien matériel, l'être plutôt que l'avoir…

 

Rejoindre ou créer un SEL?

Vous trouverez la liste des SEL à Bruxelles et en Wallonie sur www.intersel.be, le forum des systèmes d'échanges locaux, ou sur d'autres sites à découvrir via votre moteur de recherche.

Il n’y a pas de SEL dans votre région? Pourquoi ne pas créer le vôtre? N'hésitez pas à participer à une réunion d'information d'un SEL existant et à demander conseil à ses membres. Consultez aussi le site http://sel.be, qui met à disposition des SEL des outils pour gérer les tâches les plus courantes de manière sécurisée sur internet. Le site français www.selidaire.org est également une mine d'informations utiles.

 


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