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Vie Quotidienne (6 janvier 2005)


 

La passion de la collection

 

Qui peut dire ne jamais avoir réalisé une collection étant enfant ou ne pas collectionner aujourd’hui l’un ou l’autre objet? Qu’y a-t-il derrière ce besoin de collection? Jusqu’où la passion peut-elle mener? Petits détours par la psychologie du collectionneur.

 

Lire également ci-dessous :

Au bonheur des boîtes

 

“Je suis fasciné par ces objets qui ont une âme. J’aime retrouver à travers eux les parfums d’hier, l’histoire d’un métier, d’un matériel, d’un objet créé pour le plaisir des yeux, pour la mode du moment, pour être utile ou pour plaire”, témoigne un multi collectionneur passionné par les objets du passé. “Avoir une collection, c’est comme vivre sans cesse une chasse aux trésors. Et en avoir plusieurs, c’est multiplier les chances de trouver des trésors. Bref, je ne cacherai pas que je m’éclate comme un fou à me lever le dimanche à 5h pour chiner sur les brocantes puis rentrer à midi le coffre de la voiture plein...”

Ce témoignage parmi d’autres illustre un des traits communs à tous les collectionneurs: l’appétit insatiable d’acquisitions. Les collectionneurs peuvent eux-mêmes difficilement expliquer ce besoin fondamental, comparable à la faim, qui peut être assouvi mais jamais gommé, la collection ayant rarement une fin. Les véritables passionnés vivent alors en alternance des phases d’euphorie et d’allégresse et des phases de tension, de détresse, de doute, de culpabilité, aussi.

 

Qui collectionne et quoi ?

A notre connaissance, il n’existe pas de statistiques belges sur le phénomène de collection. Selon une enquête réalisée en France en 1990, un quart des Français de plus de 15 ans déclare réaliser une collection, dont environ la moitié s’en occupe au moins une fois par mois. Les collectionneurs sont généralement assez jeunes mais cette pratique est de moins en moins caractéristique du monde des jeunes. Elle serait aussi beaucoup plus fréquente chez les hommes que chez les femmes.

Et que collectionne-t-on? De tout. Si les timbres, cartes postales et pièces de monnaie gardent la cote, l’activité de collectionner s’est fortement diversifiée en s’appliquant à de nouveaux domaines ou objets jusqu’aux plus incongrus: les jokers des cartes à jouer, les pièces d’avions militaires, le papier, les objets liés aux menstruations des femmes (sic!). En fait, tout peut se collectionner, des objets les plus anodins du quotidien (comme les coquetiers, les boîtes) aux biens les plus prestigieux et coûteux (les vins millésimés, les voitures anciennes, les œuvres d’art…).

Comment et pourquoi le collectionneur se tourne-t-il vers tel ou tel type de collection? Dans un ouvrage passionnant, Werner Muensterbergen, psychanalyste américain, apporte une réponse: “Si la motivation de la collection trouve sa source dans l’histoire de l’individu (la collection est forcément un reflet de la personnalité, des goûts, des aspirations ou de l’histoire familiale – ndlr), le choix de la spécialisation de la collection est guidé par le modèle culturel prédominant, les valeurs du moment, la mode, même si ce qui a été apprécié par une génération peut ne pas simplement disparaître à la suivante” (1).

 

Un lien avec l’enfance

Tous les collectionneurs n’ont pas la même histoire et donc la même passion, le même engouement. Il n’y a donc pas de collectionneur moyen. Cependant, d’après W. Muensterberger, “les collectionneurs ont tous le sentiment d’être à part, de ne pas avoir reçu assez d’amour et d’attention durant leur enfance. A travers leurs objets, ils se sentent rassurés, enrichis et dignes d’intérêt. Les objets deviennent alors la garantie suprême contre le désespoir et la solitude. Le collectionneur, comme le croyant, attribue un pouvoir et une valeur aux objets parce que leur présence et leur possession ont une fonction réparatrice, palliative, protectrice face à l’anxiété et l’incertitude”. Il s’agit ici d’une théorie psychanalytique, et tout le monde n’y adhérera pas. Mais W. Muensterberger l’a élaborée sur base des récits de vie, écrits et confidences de collectionneurs. A partir de l’observation des enfants, il explique par ailleurs que les tout-petits cherchent des solutions pour faire face à la peur de la solitude ou au sentiment de manque lié à l’absence de la mère. Ils prennent souvent un objet tangible comme substitut: une tétine, un doudou, une peluche… pour trouver une consolation, une protection magique. Selon le psychanalyste, le collectionneur retrouverait, dans chacune de ses acquisitions, le pouvoir de l’objet transitionnel de la petite enfance.

Si l’on y réfléchit bien, les collectionneurs ne disent-ils pas eux-mêmes qu’il faut avoir une âme d’enfant pour collectionner ? C’est en effet entre 7 et 12 ans qu’apparaissent les premiers désirs de collection. Ils correspondent au besoin de rationaliser et de classer les éléments du monde extérieur pour en prendre intellectuellement possession. C’est aussi le premier moyen de se mesurer au monde des adultes. En principe, à la puberté, ces tendances disparaissent. Mais si elles continuent de se manifester à l’âge adulte, c’est avec un élément supplémentaire: la passion. De nombreux adultes collectionneurs ont d’ailleurs commencé leur collection quand ils étaient jeunes.

 

Du traitement à la pathologie

“Le “collectionnisme” n’est ni un comportement pathologique ni une maladie. On peut même dire que c’est un traitement en soi ! La preuve en est que bien des collectionneurs sont déprimés lorsqu’ils ont terminé une collection. Mais il leur suffit d’en commencer une nouvelle, et la dépression disparaît…”, explique le psychiatre Robert Neuburger (2).

“Très rares sont les collectionneurs qui s’estiment enfermés dans un carcan d’objets divers qui se multiplient à l’infini. La grande majorité d’entre eux se sent libre et heureuse”, assure l’ethnologue Claude Frère-Michelat, cité par le journaliste Erik Pigani, qui a consacré un article aux collectionneurs dans la revue Psychologies (3). “Ils sont fiers de leur passion, de connaître à fond leur sujet, de faire œuvre de protection d’un patrimoine culturel”. Ce qui confirmerait l’hypothèse de la valorisation narcissique. Mais que penser de ceux qui rendent la vie de leurs proches insupportable, s’endettent ou consacrent tout leur temps à leur collection ? “Leur comportement devient dangereux lorsque la collection-traitement a dépassé son but, poursuit Robert Neuburger. L’aspect passionnel prend le dessus, et ils perdent toute notion de réalité. Ce sont des cas rares, bien sûr. Quant aux collectionneurs “normaux”, même s’ils ne souffrent pas d’une maladie, ils ne guérissent pas du “collectionnisme”. C’est une véritable dépendance. Un peu comme l’alcoolisme ou le jeu. A la différence que cette assuétude est plutôt sympathique”.

Joëlle Delvaux

 

(1) “Le Collectionneur, anatomie d’une passion” - Werner Muensterberger - Ed. Payot, 1996.

(2) “Les Nouveaux Couples” - Robert Neuburger - Ed. Odile Jacob - 1997.

(3) “Les collectionneurs sont-ils névrosés?” - Psychologies - juillet 1998. www.psychologies.com  - rubrique articles.

 


 

Au bonheur des boîtes

 

Avec ses 47.000 boîtes en fer blanc lithographiées qui envahissent sa maison à Grand Hallet, près d’Hannut, Yvette Dardenne a pu faire inscrire son nom dans le Guiness Book des records. 300 de ses jolies boîtes sont présentées dans un ouvrage tout en couleurs (1).

Même quand on sait à quoi s’attendre, il faut bien dire que la collection de boîtes d’Yvette Dardenne est inimaginable. Comment, en effet, donner la mesure de cette démesure qui a conduit cette dame à empiler des boîtes de toutes sortes jusque dans les moindres recoins de sa maison campagnarde, au point qu’il est difficile de trouver un fauteuil pour s’y asseoir ou de passer d’une pièce à l’autre sans risquer de faire tomber une pile de boîtes ? Même la table de la salle à manger n’est plus faite pour manger.

Il y a tellement de boîtes qu’on ne sait plus où regarder. On voudrait faire tourner l’aiguille d’une boîte-loterie ou utiliser le jeu de l’oie qui est imprimé sur cette autre. On aimerait voir les boîtes que l’on a connues, mais il y en a tant qu’on ne les retrouve que par hasard. Pourtant, elles sont rangées. Il y a le petit coin magasin qui contient tout ce qu’on pouvait trouver dans une épicerie de village ou encore les piles de boîtes illustrées par la famille royale de Belgique. Il y a aussi des étagères réservées aux boîtes religieuses avec quantité de Notre Dame de Lourdes et d’ailleurs.

En sortant de la maison, on croit en avoir fini. Mais on découvre avec stupéfaction que la collection a envahi une grange et un magnifique moulin à eau. On y trouve des boîtes à cigares et celles à cirage, des pots de sirop de Liège et des bouteilles de Sidol, des boîtes à thé et à café dont certaines sont très anciennes. Boîtes à biscuits, petites musettes-boîtes-à-tartines en métal rouge du temps jadis… On reconnaît aussi le noir bonhomme hilare de Banania et les cubes jaunes de Solo.

Yvette Dardenne connaît ses plumiers, ses bonbonnières, mallettes, étuis, trousses, coffrets, cassettes, nous dirions presque par leur petit nom, avec leur marque, leur origine, leur contenu passé… Chaque objet est répertorié, étiqueté, numéroté.

 

Une passion envahissante

Tout a commencé il y a dix-huit ans, lorsqu’une tante a offert à Yvette une boîte avec une petite fille au chapeau bleu. Puis elle en a trouvé une autre, semblable à celle que sa mère utilisait pour ranger du fil. Et quelqu’un lui a dit: “Tiens, tu collectionnes des boîtes, j’en ai une pour toi”. Et voilà, c’était parti. Elle en a acheté, reçu et maintenant, ses boîtes grimpent à l’assaut des murs… Ce qui ne fait pas nécessairement le bonheur de Monsieur Dardenne qui parle de s’installer dans la quatrième maison en voie d’achèvement et dont il interdit l’accès à tout ce qui ressemble à une boîte. Mais c’est trop tard : il y en a déjà plein…

Tout chez Yvette Dardenne est extraordinaire, excessif et touchant à la fois. Sa collection n’a pas de fin. Elle a même décidé d’ouvrir les portes de sa maison pour faire découvrir le fruit de sa passion aux personnes intéressées (2). Pour la remercier de sa gracieuse visite, pourquoi ne lui offririez-vous pas… cette jolie boîte qui se morfond toute seule dans un coin de votre maison ?

 

Monique Vrins

 

(1) Yvette Dardenne a publié “Au bonheur des boîtes”, un ouvrage de 150 p. illustrant 300 belles boîtes en fer de différents usages, dont beaucoup portent des marques connues. Les textes sont courts et la présentation des nombreuses photos est soignée. Editions Ouest-France - 15 EUR.

(2) On peut contacter Y. Dardenne au 019/63.43.92 ou 0478/832.739.  collection.yd.tins@kynet.be 

 

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