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Vie Quotidienne (2 juin 2011)


 

Psychologie

Durant l’enfance comme à l’âge adulte, nos amis partagent nos moments les plus intimes de joie comme de peine. Des liens uniques à cultiver pour l’apaisement, le bonheur qu’ils nous procurent. Mais comme l’amour, l’amitié peut nous faire souffrir, nous décevoir, et même se briser.

 

Les amitiés, saveurs de la vie

“Un ami, c’est quelqu’un à qui l’on peut se confier, parler sans tabous, rigoler, se changer les idées, partager des activités, des passions, des valeurs”. “C’est une personne sur laquelle on peut compter en toutes circonstances, même dans les coups durs”. “Mon amie, c’est la seule personne avec laquelle je peux vraiment être moi, qui m’accepte comme je suis”. “Entre amis, les échanges sont riches, intenses, vrais”.

© Philippe Turpin -BELPRESS

Ces quelques paroles mettent en relief des dimensions importantes de l’amitié : l’entraide, la confiance réciproque, la complicité, le partage, la présence, la constance, la sincérité… D’une manière plus formelle, Jean Maisonneuve, auteur de “Psychologie de l’amitié”(1), décrit l’amitié comme “un lien de bienveillance et d’intimité entre deux (ou plusieurs) personnes, ne se fondant ni sur la parenté ni sur l’attrait sexuel, ni sur l’intérêt ou les convenances sociales”.

 

Une valeur en hausse

L’amitié est certainement l’un des domaines auxquels nous attachons le plus d’importance, à côté de l’amour, de la famille et du travail. Sa valeur serait même en hausse dans notre société, une sorte de refuge lorsque se déchaînent les tempêtes de l’amour, que s’effilochent les liens familiaux ou que disparaissent les repères professionnels. Un front contre la solitude aussi.

L’amitié ne se vit apparemment pas de la même manière quand on est homme ou femme. “L’amitié des femmes repose surtout sur l’échange de confidences et le soutien émotionnel. C’est en quelque sorte une amitié face à face”, avance Jacques Lecomte, auteur de l’ouvrage “Donner un sens à sa vie”(2). En revanche, l’amitié des hommes est surtout basée sur des activités en commun. Beaucoup d’hommes n’ont pas de véritables amis intimes, mais de nombreuses “connaissances” liées au travail et des copains dans leurs activités de loisirs. C’est ce que Jacques Lecomte appelle une amitié côte à côte. D’ailleurs, dit-il, lorsqu’un homme se révèle émotionnellement, c’est généralement avec une femme, y compris dans l’amitié.

Il y a des avantages et des inconvénients dans chacune de ces attitudes. L’orientation des femmes vers l’intimité émotionnelle leur permet de bénéficier d’un meilleur soutien social que les hommes. Ainsi, en cas de rupture sentimentale ou de divorce, elles peuvent généralement davantage compter sur l’aide et l’oreille attentive de leurs amies que les hommes sur leurs amis. Mais inversement, cet engagement intime peut générer plus de souffrance chez elles en raison d’une plus grande sensibilité aux difficultés d’autrui. Sans parler des blessures engendrées par les ruptures et trahisons dont ne sont pas exempts, loin s’en faut, les liens d’amitié, même profonds. Dans “Nos chères amies” (3), Denise Bombardier passe au peigne fin l’amitié au féminin qu’elle estime bien plus complexe que celle vécue au masculin. “Les amitiés féminines se vivent dans l’intensité, le plaisir, l’attachement, l’intimité, mais aussi dans la jalousie, la compétition, la méchanceté, voire la trahison. On éprouve un malaise à admettre les blessures que nous causent les amies”, observe la journaliste canadienne qui invite les femmes à réfléchir et à ne pas tomber dans cette tendance à utiliser ses amis comme des kleenex.

 

Au fil du temps

L’amitié ne se vit pas non plus de la même manière à tous les âges. “Les jeunes voient assidûment leurs amis et font plein d’activités ensemble”, observe la psychologue Isabelle Saillot(4). Le nombre de relations amicales est alors à son apogée (nous ne parlons pas ici des centaines de soi-disant amis connectés sur les réseaux sociaux). Les déménagements, l’installation en couple et l’entrée dans le monde du travail changent déjà la donne. Mais c’est surtout durant la période de concentration sur la famille et l’éducation des enfants (entre 30 et 50 ans) que les relations d’amitié semblent le plus souffrir, retrouvant une nouvelle vivacité à partir de la cinquantaine. Ce serait davantage vrai chez les femmes, les hommes paraissant vivre l’amitié d’une manière plus linéaire, comme le fait remarquer la sociologue Claire Bidart, auteure de “L’amitié, un lien social”(5).

Cela signifierait-il que l’amitié pâtirait d’une vie familiale et professionnelle intense, accaparante? Beaucoup s’en défendent, évoquant notamment les rendez-vous réguliers avec leurs groupes d’amis. Il n’empêche, le manque de temps, les jours qui filent à toute allure sont souvent invoqués par celles et ceux qui regrettent de ne plus voir souvent leurs amis ou se sentent coupables de ne pas suffisamment nourrir l’amitié. Isabelle Saillot propose, quant à elle, une vision plus optimiste en reprenant cette distinction importante entre ‘actions d’amitié’ et ‘sentiment d’amitié’, introduite par son confrère Pierre Janet. Tous deux rompent avec cette vision réductrice de l’amitié comme ‘union des âmes’. “A partir d’un certain âge, le cercle des fréquentations s’élargit et l’on voit bien plus souvent des collègues, voisins, autres parents, clients ou commerçants que des amis”, constate la psychologue. C’est ainsi que l’on peut être amené à effectuer envers ou avec eux beaucoup d’ ‘actions d’amitié’ sans les considérer pour autant comme des amis. Par contre, on peut éprouver un sentiment profond d’amitié à l’égard de personnes que l’on ne voit pas très souvent, ou avec lesquelles on partage peu d’ ‘actions d’amitié’, notamment en raison d’un éloignement géographique. Voilà qui nuance les choses.

 

Quand l’amitié devient toxique

“Nous avons tendance à concevoir nos relations d’amitié comme éternelles, à l’abri du temps qui passe, à l’inverse des relations amoureuses que nous savons fragiles et redoutons de perdre”, assure Denise Bombardier. “Le mythe de l’amitié éternelle est accompagné d’un autre, celui de l’amitié totale, avance de son côté Mireille Bourret, auteure de “Les Amitiés toxiques -Comment garder des liens d’amitié sains et authentiques”(6). C’est croire qu’un ami peut combler tous nos besoins relationnels. Deux croyances qui conduisent au manque d’analyse critique de nos relations amicales, jusqu’à conduire, parfois, au point de non-retour quand la tension, la frustration auront été trop grands”.

Conseils à l’appui, Mireille Bourret nous invite à déceler les ‘amitiés toxiques’. Quand on a l’impression d’être utilisé, pris en défaut, infériorisé, qu’on se rend compte que c’est toujours soi qui appelle, que l’autre vous inonde de ses bavardages et ne vous écoute pas, quand on est irrité par certains mots ou certaines attitudes…, on peut être en présence d’une amitié souffrante, commente-t-elle. Et de faire remarquer que les amitiés toxiques ont souvent un lien avec des relations antérieures, ancrées dans un passé lointain, qui resurgissent douloureusement. Que faire? “Il ne s’agit surtout pas, répond Mireille Bourret, de signaler à quelqu’un qu’il est toxique pour nous. Mais bien de cesser de rester dans le non-dit, de signifier un malaise et d’aborder la qualité de la relation avec l’ami ou l’amie”.

Si Mireille Bourret invite à questionner nos amitiés, c’est moins pour y mettre un terme, ce qui peut être parfois une option salvatrice, que pour les vivre de manière saine et authentique. “Peu d’amitiés sont permanentes et à temps plein. Le besoin de les faire durer ne doit pas être une obsession. Dès qu’il y a obsession, quelque chose de malsain et de faux s’insère dans le lien. Ne pas se mettre la pression pour réussir ses histoires d’amitié serait une sage décision, tout comme celle de ne pas les vivre en roue libre, mais de prendre régulièrement le temps de les considérer avec une distance critique. Nos amitiés sont suffisamment précieuses pour que cet investissement soit consenti”, conclut-elle.

//Joëlle Delvaux

avec Véronique Janzyk

 

(1) Ed. PUF – collection “Que sais-je?” – 2004.

(2) Ed. Odile Jacob – 2007. Voir aussi www.psychologie-positive.net 

(3) Ed. Albin Michel – 2008.

(4) Sur www.pasbanal.com 

(5) Ed. La Découverte – 1997.

(6) Ixelles Editions – 2011.

 

L’amitié homme/femme est-elle possible?

Cette question soulève encore et toujours les passions. Certains, comme Denise Bombardier, auteure de “Nos chères amies”, croient très peu aux relations strictement amicales entre une femme et un homme, à moins que l’un des deux ne soit homosexuel. “Entre amis, on se fait des confidences et la confidence est le premier pas vers la séduction. Et l’attirance sexuelle ne peut jamais être totalement évacuée”, dit-elle. D’autres soutiennent le contraire, pour vivre eux-mêmes de telles relations sans ambigüité aucune. Mais ils regrettent que le regard d’autrui posé sur eux reste incrédule, voire désobligeant ou suspicieux.

Comme le fait remarquer Bernadette Costa-Prades dans un article paru dans la revue Psychologies (janvier 2011), l’amitié mixte fut longtemps inconcevable, les deux sexes vivant dans des univers séparés, sans vraiment se connaître hors des liens du couple. La généralisation du travail des femmes puis la mixité à l’école ont bousculé ces rapports distants. Par ailleurs, les périodes de célibat, bien plus nombreuses au cours de la vie qu’autrefois, laissent le champ libre à la naissance d’amitiés solides entre hommes et femmes.

Pour Sophie Cadalen, psychanalyste(1), la génération qui a vécu la mixité comme une évidence ne se pose pas la question du désir sexuel dans l’amitié entre homme et femme. “Car le désir sexuel naît de la différence tandis que l’amitié se nourrit de similitudes, souligne-t-elle. Du reste, de nombreux amis ne soulignent-ils pas le lien fraternel, quasi familial, qui les unit, érigeant entre eux cette barrière d’un inceste symbolique?”

Le désir est-il absent pour autant? “Un jeu de séduction peut s’installer entre un homme et une femme amis, sans que cela ait pour autant des conséquences sur leur relation”, constate Sophie Cadalen. Il n’empêche. L’amitié mixte ne comporte pas les mêmes enjeux entre deux célibataires qui peuvent jouer des charmes de la séduction, qu’entre deux personnes dont une des deux au moins est en couple de son côté. Comme l’écrit Bernadette Costa-Prades, citant le psychiatre et psychanalyste Serge Hefez, “ce n’est pas la tromperie qui est la plus redoutée dans ces amitiés, mais le danger d’une trop grande intimité. On sait combien il est compliqué au quotidien de maintenir un fort degré de complicité dans le couple. C’est un peu comme si l’ami profitait de nos meilleurs côtés: l’humour, la légèreté, sans souffrir des désagréments”.

En définitive, il appartient à chacun de faire son chemin. D’aucuns ne veulent pas prendre le risque d’une intimité trop grande dans l’amitié mixte. D’autres au contraire s’y sentent bien voire mieux que dans toute autre relation. Parfois l’amitié se transforme en amour. Parfois c’est l’inverse. A chacun de vivre son aventure humaine en accord avec soi et dans le respect de l’autre…

// JD

(1) Auteure avec Sophie Guillou de “Tout pour plaire… et toujours célibataire” - Ed. Albin Michel - 2009.

 


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