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Vie Quotidienne (18 décembre 2008)


 

 

 

Dis-moi

comment tu reçois?

La valse des invitations pour les fêtes bat son plein. Vous recevez votre famille à Noël et paniquez à l’idée de devoir mitonner des petits plats? Vos amis s’invitent chez vous au Nouvel An autour de mets simples apportés par chacun? Vous adorez improviser des repas et y accueillir les amis de vos amis? Quoi qu’il en soit, vous recevez comme vous êtes…

Apéritif, cocktail dinatoire, raclette, buffet froid, diner gastronomique, goûter crêpes… toutes les invitations ne se ressemblent pas. Elles en disent long en tout cas sur notre personnalité, l’image aussi que nous nous faisons de nos invités et sur nos intentions à leur égard. “Nos invitations sont le reflet de ce que nous sommes, de ce que nous désirons montrer à l’autre car à chaque fois, nous nous exposons”, expliquent Jean-Pierre Corbeau et Jean-Pierre Poulain, sociologues de l’alimentation et auteurs de “Penser l’alimentation” (1). “Partager un repas, inviter quelqu’un chez soi, c’est lui donner à voir une part de son intimité”. La personne invitée risque, quant à elle, de se trouver engagée à l’égard de son hôte car il est d’usage, dans notre culture, de rendre l’invitation.

 

Déclinaison d’invitations

Les deux sociologues ont décrypté cinq catégories d’invitation (2). L’apéritif tout d’abord. De tout temps, partager un verre a constitué les prémices d’une dynamique d’échange, le moyen d’observer l’autre, de s’en approcher. Inviter à un apéritif ou un “cocktail dinatoire” (très à la mode) est idéal pour une première rencontre ou un événement auquel on convie des personnes que l’on connaît peu. Le rituel d’invitation à l’apéritif raccourcit le temps et répond au goût pour la rapidité. A l’inverse, le temps de l’apéro peut se déployer entre amis rencontrés à l’improviste ou pendant les vacances par exemple. A la différence du thé ou du café, l’apéritif ouvre une possible continuation. Si la qualité des échanges autour d’un verre et de douceurs salées et sucrées est jugée suffisante, on acceptera ensuite l’intimité d’un repas complet...

Les barbecues en été, les raclettes, pierrades et fondues en hiver ont un peu la même signification que les apéros improvisés entre amis. Ce n’est pas le plaisir de manger que l’on recherche avant tout, mais celui d’être ensemble. En proposant un repas conçu autour d’un mode de cuisson invitant chacun à mettre la main à la pâte, on s’assure des moments de détente et de convivialité. Ce repas, qui peut être préparé rapidement à l’avance, offre l’occasion de faire la fête “à la bonne franquette”.

Les repas du terroir, quant à eux, jouent un rôle identitaire. En dégustant les plats traditionnels, on perpétue la mémoire et les habitudes familiales. Dans toutes les cultures, les plats mijotés ou uniques (types carbonnades flamandes, salade liégeoise ou potées chez nous) sont réservés à la famille car leur cuisson privilégie l’homogénéité des goûts, l’osmose, tandis que le traditionnel trio “viandes-féculents-légumes” est davantage préparé pour ceux qui n’appartiennent pas à la “tribu”. Les repas régionaux sont aussi l’occasion de parler de sa culture à ses amis et de mieux se faire connaître. Ils peuvent représenter une épreuve initiatique: l’acceptation dans le clan passe par l’adhésion à la cuisine…

Toute autre sera la symbolique des menus raffinés et dîners gastronomiques. L’enjeu est de mettre en avant son bon goût et son savoir-faire. La qualité des mets et des boissons devient le support de conversation et joue le rôle de créateur de lien. Afin d’affirmer leur statut, les classes sociales aisées pratiquent souvent une cuisine gastronomique ou à la mode comme la cuisine exotique ou la fusion food qui mêle des cuisines venues d’ailleurs. On veut ainsi signifier son ouverture au monde et montrer qu’on est “tendance”.

Enfin, il y a ceux qui invitent au restaurant ou reçoivent chez eux avec les services d’un traiteur ou d’un chef à la maison. Ces hôtes vous diront qu’ainsi ils ne doivent donc pas se soucier de la cuisine et restent pleinement disponibles pour la conversation. Bien entendu, on ne pourra pas apprécier leur cuisine mais plutôt le choix de l’endroit où ils nous emmènent ou le professionnalisme du traiteur. Quant à l’intimité, elle est nettement moindre à la maison qu’au restaurant qui ne se prête qu’aux comportements convenus…

 

Recevoir, c’est donner

Comme le fait remarquer très justement Alain Etchegoyen, philosophe, dans “Nourrir”, le mot recevoir est d’une ambigüité étonnante (3). Il signifie à la fois que l’on reçoit quelqu’un et que l’on reçoit de quelqu’un. Chacun prend et donne en même temps. Recevoir, c’est être attentif à l’autre, et son plaisir nous fait plaisir. Nourrir, c’est donner de l’amour, prendre du temps pour l’autre, imprimer la mémoire de ceux qu’on nourrit de souvenirs et de saveurs…

D’aucuns estiment qu’aujourd’hui pourtant, recevoir est davantage source de stress que de plaisir, en particulier lorsqu’il s’agit de repas de fête. “Avant, il y avait des traditions, des coutumes coulées dans le ciment”, avance la sociologue Diane Pacom, de l’Université d’Ottawa (4). “Maintenant, le monde est sans référence réelle, si ce n’est l’obsession de la santé, et l’on doit désormais plaire à tout le monde, ce qui est loin d’être évident”.

Par ailleurs, recevoir est devenu une science, un étalage de prouesses et de connaissances qui tétanisent plus d’une cuisinière. Sans parler du temps passé aux préparatifs de la table et de la maison qui trouvent de plus en plus difficilement place dans nos vies trépidantes.

Pourquoi invite-t-on, en définitive? Pour en mettre plein la vue aux gens ou pour passer un bon moment ensemble? Quelle que soit la formule choisie, ne passons pas à côté de l’essentiel: être bien avec ceux qu’on invite et leur offrir le meilleur de soi.

Joëlle Delvaux

 

(1) “Penser l’alimentation” - JP Poulain et JP Corbeau – Privat – 2002.

(2) “Dis-moi comment tu invites” - Christine Delmar-Honen – Psychologies – sept . 2002 - www.psychologies.com

(3) “Nourrir” - Alain Etchegoyen - Anne Carrière - 2002

(4) Citée par Silvia Galipeau dans “Recevoir, quel cauchemar” paru dans “La Presse” du 3 novembre 2008 - www.cyberpresse.ca 

 


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