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Bien sûr, il est plus que nécessaire de rappeler le passé nazi auquel se réfère de manière explicite l'extrême droite ainsi que les amitiés troubles qui unissent leurs dirigeants à travers toute l'Europe. Mais, explique Richard Lorent, l'extrême droite "a un socle dont sa croissance dépend: les gens qui votent pour elle. Il est par conséquent temps de se demander de quoi se nourrit l'expansion de la droite extrême. Aborder la question de l'extrême droite par celle de son électorat le vide de sa fatalité..." Cela nous conduit à distinguer le parti de ses électeurs et à retrouver des liens qui ont été détruits, nombre d’entre eux s’étant détournés du vote qu’ils émettaient pourtant depuis plusieurs générations. La technique du cordon sanitaire a montré ses limites en Flandre: "en encerclant un parti honni, on n'en coupe pas pour autant le circuit social qui le nourrit et il ne tarit pas la source de sa jouvence électorale…" Les propos entendus au soir des scrutins expliquent le plus souvent le vote d'extrême droite par le manque de proximité des élus avec les gens, le mécontentement populaire (le vote de protestation), l'incompétence politique des électeurs ou leur marginalité sociale et économique. Combien d'hommes et de femmes politiques se rendent-ils compte qu’en tenant de tels propos, ils passent aux aveux, à moins de penser que ces propos ne les concernent pas! Que n'ont-ils donc pas fait entre deux élections pour être plus proches, plus écoutants, plus actifs, plus sociaux? Ces explications post-électorales sur le vote d'extrême droite "visent ni plus ni moins à botter en touche, à disqualifier un acte électoral embarrassant, à défigurer une question politique pour ne pas avoir à regarder en face la question sociale et les significations dont elle se nourrit." Il existe en Wallonie une fraction suffisamment importante de la population en proie à de grandes difficultés pour nourrir un ressentiment qui la pousse à se détourner de son vote traditionnel. Ne pensons pas seulement à ceux qui sont déjà dans la précarité. Sont aussi concernés ceux qui craignent d’y tomber. La classe politique, qui analyse ce phénomène à partir d'observatoires confortables et de positions protégées, prend-elle assez la mesure d'un phénomène qui alimente les avancées de l'extrême droite? Des enquêtes menées à La Louvière et Farciennes montrent que le vote en faveur de l'extrême droite est favorisé quand une partie de la population se sent mise de côté, quand la fonction politique se voit décrédibilisée, quand le jeu politique est coupé des réalités sociales et fermé, quand le suffrage traditionnel n'a plus de véritable influence…
L’extrême droite, ce n’est pas seulement l’expression de la haine de l’étranger. Ce ne sont pas seulement les questions de sécurité. Ce ne sont pas seulement le chômage et la peur de l'avenir… Il faut aller un pas plus loin. C'est une sanction de la classe politique. Avec Patrick Moreau et Pierre Blaise du CRISP (2), il faut se demander “comment les leaders de cette extrême droite populiste parviennent à concilier leur fonction autoproclamée d’avocats des défavorisés, travailleurs et classes moyennes avec des principes économiques portant atteinte aux acquis du passé (retraites, protection sociale…). La recette miracle proposée est celle de la préférence nationale dans le cadre de la région ou de la nation…" Parlons-en de l’extrême droite, parce que celle-ci n’est pas un épiphénomène - qui va et qui vient (voir encadré). L'appareil politique de l'extrême droite est efficace par son idéologie simpliste qui joue sur les failles de la démocratie, en assurant la primauté du groupe national, en faisant confiance aux instincts du chef. Son attractivité repose sur l'impression qu'elle présente une plus grande cohésion en reliant insatisfactions et promesses (abusives) d'initiatives de grande envergure: "Ce qu'elle permet de faire et la manière dont elle le promet ont plus d'importance que ce qu'elle est réellement capable de faire" écrivent Christian Boucq et Patrick Moreau dans leur livre: “Déminons l’extrême droite” (3). Christian Van Rompaey
(1) "Extrême droite : le suffrage détourné", Richard Lorent, Couleur livres 2006 (2) “Extrême droite et National-populisme en Europe de l’Ouest. Centre de Recherche et d’information socio-politique. Analyse par pays et approches tranversales.” Ouvrage collectif sous la direction de Pierre Blaise et Patrick Moreau - CRISP - mai 2004 - 584 pages - 34,90 EUR. (3) “Déminons l'extrême droite”, Christian Boucq et Marc Maesschalk. Couleurs Livres - 14,80 EUR. www.couleurlivres.be
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