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Vie Quotidienne (17 mai 2007)


 

La démocratie détournée

Faut-il parler de l’extrême droite? En parler, n’est-ce pas entrer dans son jeu, la faire exister?
Mais peut-on rester indifférent?

"Survient un moment où nommer vaut mieux que taire…, écrit Richard Lorent dans son livre: "Extrême droite: le suffrage détourné" (1). Dans plusieurs pays de vieille souche européenne dont le nôtre, il y a aujourd'hui une crise de la représentation politique." Cette crise, qui n'est pas mince, s'exprime de manières diverses, mais reproduit à chaque fois la même logique: la divergence entre les élus et des fractions importantes de la population qui, dans le secret de l’isoloir, disent leur désaccord. Ces choix, qui ne plaisent pas aux élites, sont trop vite disqualifiés comme étant partiels et partiaux.

 

S’informer

On trouvera sur le site Internet de RésistanceS (www.resistances.be), une foule d’informations et de nombreuses analyses sur l’extrême droite. En 10 ans, RésistanceS est devenu une référence incontournable accessible à un large public. Proposant des informations inédites, des enquêtes d'investigation et des dossiers d'analyse rigoureux, RésistanceS est un utile Observatoire belge de l'extrême droite.

 

Bien sûr, il est plus que nécessaire de rappeler le passé nazi auquel se réfère de manière explicite l'extrême droite ainsi que les amitiés troubles qui unissent leurs dirigeants à travers toute l'Europe.

Mais, explique Richard Lorent, l'extrême droite "a un socle dont sa croissance dépend: les gens qui votent pour elle. Il est par conséquent temps de se demander de quoi se nourrit l'expansion de la droite extrême. Aborder la question de l'extrême droite par celle de son électorat le vide de sa fatalité..." Cela nous conduit à distinguer le parti de ses électeurs et à retrouver des liens qui ont été détruits, nombre d’entre eux s’étant détournés du vote qu’ils émettaient pourtant depuis plusieurs générations.

La technique du cordon sanitaire a montré ses limites en Flandre: "en encerclant un parti honni, on n'en coupe pas pour autant le circuit social qui le nourrit et il ne tarit pas la source de sa jouvence électorale…"

Les propos entendus au soir des scrutins expliquent le plus souvent le vote d'extrême droite par le manque de proximité des élus avec les gens, le mécontentement populaire (le vote de protestation), l'incompétence politique des électeurs ou leur marginalité sociale et économique. Combien d'hommes et de femmes politiques se rendent-ils compte qu’en tenant de tels propos, ils passent aux aveux, à moins de penser que ces propos ne les concernent pas! Que n'ont-ils donc pas fait entre deux élections pour être plus proches, plus écoutants, plus actifs, plus sociaux? Ces explications post-électorales sur le vote d'extrême droite "visent ni plus ni moins à botter en touche, à disqualifier un acte électoral embarrassant, à défigurer une question politique pour ne pas avoir à regarder en face la question sociale et les significations dont elle se nourrit."

Il existe en Wallonie une fraction suffisamment importante de la population en proie à de grandes difficultés pour nourrir un ressentiment qui la pousse à se détourner de son vote traditionnel. Ne pensons pas seulement à ceux qui sont déjà dans la précarité. Sont aussi concernés ceux qui craignent d’y tomber. La classe politique, qui analyse ce phénomène à partir d'observatoires confortables et de positions protégées, prend-elle assez la mesure d'un phénomène qui alimente les avancées de l'extrême droite? Des enquêtes menées à La Louvière et Farciennes montrent que le vote en faveur de l'extrême droite est favorisé quand une partie de la population se sent mise de côté, quand la fonction politique se voit décrédibilisée, quand le jeu politique est coupé des réalités sociales et fermé, quand le suffrage traditionnel n'a plus de véritable influence…

 

L’extrême droite aux dernières élections communales

L’un des engagements de Guy Verhofstadt en 2003 était de combattre l’extrême droite. Depuis 2003, les élections et les sondages n’ont jamais cessé de donner l’extrême droite au-dessus de son score de 2003. Le nombre de ses mandataires communaux est passé de 439 à près de 800!

Si l’on se reporte aux dernières élections communales, il faut bien constater que l’extrême droit a encore connu quelques beaux succès, surtout en Flandre, même si elle a pu être mise en échec à Anvers (où elle prend tout de même la 2ème place), Gand et Schaerbeek.

“Le 8 octobre 2006, le Vlaams Belang (VB) a confirmé qu’il était un parti de masse”, constate Manuel Abramowicz, coordinateur de la rédaction de la revue RésistanceS (www.resistances.be). “Son meilleur résultat: Schoten, avec près de 35 %. Dans d’autres villes, il se retrouve avec des scores au-dessus des 25-33 %. Pour les élections de districts, à Anvers, le VB peut crier ’’bingo’’, avec des gains affolant, comme à Merksem (41 %) et Deurne (43 %). Cependant, grâce à la constitution de ’’majorités patchwork’’, il restera dans l’opposition…”

Du côté francophone, bien que l’extrême droite est plus divisée que jamais, le FN a engrangé quelques succès. Il dispose aujourd’hui de 27 sièges contre 6 par rapport à l’année 2000 en faisant des scores non négligeables dans des villes comme Mons (8%), Quaregnon (11%), Pont-à-Celles (13%), ou Charleroi (près de 10%). Dans la région bruxelloise, l’extrême droite, tous partis confondus, atteint 9% à Bruxelles-Ville, 11% à Molenbeek et pas loin de 12% à Anderlecht.

Toutefois, les dernières élections communales auront montré que le Vlaams Belang n’a pu obtenir nulle part un résultat qui lui aurait permis de devenir un partenaire incontournable, alors que l’idée d’accepter l’un ou l’autre des ses membres pour assurer une majorité politique avait effleuré certains membres du CD&V et du VLD. Il y a bien sûr une explication à cet arrêt. Le Vlaams Belang a été stoppé dans des communes ayant renoncé au clientélisme archaïque et à des gestions féodales, et pratiquant une politique plus transparente, plus proche du quotidien des gens en prenant au sérieux les problèmes de sécurité, de précarité et de chômage.

 

L’extrême droite, ce n’est pas seulement l’expression de la haine de l’étranger. Ce ne sont pas seulement les questions de sécurité. Ce ne sont pas seulement le chômage et la peur de l'avenir… Il faut aller un pas plus loin. C'est une sanction de la classe politique.

Avec Patrick Moreau et Pierre Blaise du CRISP (2), il faut se demander “comment les leaders de cette extrême droite populiste parviennent à concilier leur fonction autoproclamée d’avocats des défavorisés, travailleurs et classes moyennes avec des principes économiques portant atteinte aux acquis du passé (retraites, protection sociale…). La recette miracle proposée est celle de la préférence nationale dans le cadre de la région ou de la nation…"

Parlons-en de l’extrême droite, parce que celle-ci n’est pas un épiphénomène - qui va et qui vient (voir encadré). L'appareil politique de l'extrême droite est efficace par son idéologie simpliste qui joue sur les failles de la démocratie, en assurant la primauté du groupe national, en faisant confiance aux instincts du chef. Son attractivité repose sur l'impression qu'elle présente une plus grande cohésion en reliant insatisfactions et promesses (abusives) d'initiatives de grande envergure: "Ce qu'elle permet de faire et la manière dont elle le promet ont plus d'importance que ce qu'elle est réellement capable de faire" écrivent Christian Boucq et Patrick Moreau dans leur livre: “Déminons l’extrême droite” (3).

Christian Van Rompaey

 

 

 

 

 

 

(1) "Extrême droite : le suffrage détourné", Richard Lorent, Couleur livres 2006

(2) “Extrême droite et National-populisme en Europe de l’Ouest. Centre de Recherche et d’information socio-politique. Analyse par pays et approches tranversales.” Ouvrage collectif sous la direction de Pierre Blaise et Patrick Moreau - CRISP - mai 2004 - 584 pages - 34,90 EUR.

(3) “Déminons l'extrême droite”, Christian Boucq et Marc Maesschalk. Couleurs Livres - 14,80 EUR. www.couleurlivres.be


 

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