Recherche :

Loading

La rédaction

Notre histoire

Newsletter

Nous contacter

Une erreur dans votre adresse postale ?
Signalez-le

Actualité

Culture

International

Mutualité Service

Santé

Société

Nos partenaires

Visitez le site de la Mutualité chrétienne

Vie Quotidienne (21 octobre 2010)


 

Bonsaï : l’art de faire des petits

Botanique, art et philosophie, ces trois disciplines sont requises par la pratique du bonsaï (miniaturisation d’arbres en pot). De nombreux clubs accueillent profanes et initiés. Si l’art du bonsaï fait son chemin, sans doute est-ce parce qu’il véhicule des valeurs fondamentales comme la patience ou le respect de la nature…

 

© Saga/Photo Reporters

“Bonsaï”, le terme d’origine japonaise (mais dérivé du chinois), signifie “arbre dans un pot”. Les bonsaï ne sont pas des variétés naines mais bien des miniatures réalisées de main humaine. Les plus petits ne dépassent pas vingt centimètres et les plus grands un mètre vingt.

On date les débuts de la pratique au premier siècle de notre ère en Chine. Deux hypothèses coexistent à propos de leur origine. La première évoque des plantes médicinales cultivées en pot, spécialement pour être acheminées sur des champs de bataille afin  de soulager les blessés. L’autre hypothèse renvoie à une mode qui aurait fait déraciner des arbres rendus petits par des conditions climatiques difficiles pour exposer chez soi ces étranges spécimens. C’est aux Japonais qu’on doit d’avoir repris, affiné et développé la miniaturisation. Une catégorisation complexe des bonsaï a été élaborée en fonction de la grandeur de l’arbre, de l’emplacement des branches, de la forme du tronc (droit, incliné, ondulé, en cascade…) ou encore du rapport entre la plante et son pot.

 

Harmonieuse et sereine nature

Le bonsaï s’est développé au Japon dans un double contexte. Il est influencé par le Shintoïsme (à la fois religion et philosophie ancestrale) caractérisé par la recherche de la communion avec la nature. Cette harmonie est une voie vers la sérénité. Le bonsaï est aussi lié au Bouddhisme zen introduit au XIème siècle au Japon. Le Bouddhisme zen invite à méditer devant la grandeur des phénomènes naturels afin d’éprouver le sentiment que l’être humain n’est pas le centre de l’univers - mais qu’il y a sa place comme d’autres éléments - et d’éprouver la sensation de participer à un mouvement universel. Une démarche que l’on retrouve dans la cérémonie du thé ou dans l’écriture de haïku, ces courts poèmes célébrant souvent le caractère fugitif de l’instant présent. Une autre caractéristique du Bouddhisme zen tient dans le plaisir de prendre soin des choses qui ont été transformées par le temps. Il peut s’agir de recueillir de vieilles pierres, d’entretenir  d’anciennes cabanes ou de s’adonner à la pratique du bonsaï, auquel on donnera volontiers l’apparence d’un vieil arbre.

Les bonsaï suscitent un véritable intérêt en Europe, dès le XIXème siècle. On commence alors, il est vrai, à s’y enticher de culture extrême-orientale. L’engouement pour les bonsaï, reconnus comme œuvres d’art au Japon en 1935, se développe après-guerre. Ils acquièrent une reconnaissance internationale aux Etats-Unis et en Europe. Les clubs se multiplient à partir des années 70. En Belgique, on en compte aujourd’hui une vingtaine: neuf en Flandre, trois en Région bruxelloise et six en Wallonie (Charleroi, Ciney, Liège, Mons, Spa et Thulin).

 

Un arbre vivant à façonner

On acquiert bien sûr, au sein de ces clubs, des compétences botaniques. Même le meilleur jardinier devra faire ses gammes! On ne traite pas tout à fait les bonsaï comme on s’occupe de plantations de son jardin ou d’autres plantes en pot. D’abord parce qu’il s’agit d’un arbre à garder vivant, et bien vivant, dans un pot généralement assez plat. Il faudra travailler en coupant les racines pour favoriser la formation de radicelles pour que l’arbuste profite au maximum de l’ensemble des nutriments présents dans la terre. Ce travail sur les racines opère un rajeunissement de l’arbre et prolonge sa vie.

Ensuite, cet arbre, il faudra le façonner dans un style qu’on aura choisi. Ce travail se base sur le potentiel de l’arbre, sur la promesse qu’il laisse deviner. Pas question de dénaturer une essence en lui faisant prendre une forme qu’elle n’aura jamais dans la nature. Ce réalisme a de quoi rassurer ceux qui craindraient que l’arbre souffre du traitement qui lui est imposé. “Un bonsaï n’est pas torturé, explique Gérard Leprêtre, auteur d’un ouvrage de référence sur le sujet(1). En principe, il est entouré de soins et sa nourriture est dosée. Il a, dès lors, moins de difficultés à survivre que l’arbre dans la nature. Je dirais aux âmes sensibles qui s’inquiètent de cultiver un arbre en pot, que nous trouvons tous normal de cultiver un ficus en pot alors que, dans son pays d’origine, il devient un grand arbre.”

“A la différence de l’approche à la bêche ou à la tronçonneuse qu’on peut avoir dans son jardin”, explique Hugo Van den Bremt, le Président du Bonsaï Club carolorégien qui fête ses 25 ans d’existence, tout ici est question de détail, de précision. Nous utilisons des outils qui ont presque une précision chirurgicale. Nous ligaturons avec du fil d’aluminium. Nous apprenons à pratiquer le marcottage, une technique  qui consiste à créer des racines sur le tronc ou les branches des arbres. Il faut surtout s’armer d’une bonne dose de patience et laisser à l’arbre le temps de s’adapter à son environnement. Il faudra parfois le mettre au repos de longs mois, voire un an ou deux. Ensuite seulement, quand il sera en pleine santé, on pourra le tailler, le ligaturer, voire greffer des branchettes pour le rendre plus harmonieux et conforme aux règles qui président à la réalisation de bonsaï. C’est un apprentissage passionnant”, s’enthousiasme-t-il.

Les essences travaillées sont variées. Les espèces exotiques ont autant droit au chapitre que les espèces du cru, les érables, les charmes, les pommiers et autres arbres fruitiers.

 

Travail de l’arbre, travail sur soi

Parmi les qualités requises par l’art du bonsaï, et que la pratique permet de développer, on peut citer la patience, l’écoute et l’observation de l’arbre - afin de prendre conscience de ses besoins et de ses limites -, la maîtrise de soi, l’humilité, l’abandon du volontarisme, l’acceptation des échecs… “Personnellement, j’ai perçu combien un cadre, des règles peuvent aider à créer, à s’épanouir, explique Daniel Vanderelst, bonsaïste carolorégien. Regardez les poètes. La versification peut paraître une contrainte, mais elle a donné de bien beaux textes!”

“Montre-moi ton bonsaï, je te dirai qui tu es”, c’est ce qu’affirmait un maître bonsaïste. “L’art bonsaï a changé mon regard. J’aimais la symétrie. Et bien j’ai découvert l’asymétrie. Harmonieuse, elle caractérise l’art bonsaï. Ainsi, on aura de préférence un nombre impair de branches. Et quand on rassemble des bonsaï dans le même pot, on n’en plante pas un nombre pair. On évitera aussi de mettre l’arbre au milieu du pot.”

On notera que si l’art bonsaï présente des points communs où qu’il se développe, en Asie comme en Europe (ce qui le codifie), des différences nationales existent cependant. Dans les pays les moins prospères, les bonsaï sont les plus stylisés, dépouillés. C’est l’idée ou l’esprit de l’arbre vers lesquels ils tendent. Dans les pays plus riches, ils sont en général moins épurés. En Europe, la palme de la “luxuriance”, toute relative, revient aux Italiens, adeptes d’un environnement de mousse au pied des bonsaï et d’arbres miniatures plus touffus.

 

Un art apaisant

Si l’art bonsaï amène à travailler sur soi et à améliorer les qualités requises tout en travaillant l’arbre, il est, au bout du compte, gratifiant. “J’oublie tout devant le bonsaï, confie Daniel Vanderelst. Dans la concentration, le stress de tous les jours s’envole. C’est apaisant. Cette sérénité déborde dans le quotidien. Chez nous, il y a des passionnés, mais pas d’exaltés. On est tempérés. Les réunions du club sont aussi des moments privilégiés. On y partage notre vision de l’avenir des arbres que nous amenons. Le bonsaï est en évolution permanente. Il requiert notre présence quotidienne et il nous survivra sans doute. Au Japon, des bonsaï font partie des héritages. C’est aussi une pratique à laquelle on peut venir prosaïquement parce qu’on aime jardiner et qu’on a mal au dos. Ici, tout se travaille en hauteur.”

L’art bonsaï aurait pu n’être qu’une mode. Il est vrai qu’on voit fleurir de prétendus spécimens en grandes surfaces. Ce n’est pas le meilleur achat qui soit pour s’initier à la pratique, car ce sont des plantes exotiques qui, généralement, vont s’effeuiller et dépérir faute de soins adéquats. Si l’art bonsaï fait son chemin chez nous et se révèle bien plus qu’une mode passagère, peut-être est-ce parce qu’il véhicule des valeurs qui nous parlent et sont à mille lieues de ce que la société de consommation nous propose : de l’éphémère, du jetable, du volatile, de l’interchangeable…

// Véronique Janzyk

 

(1) “Les bonsaï, styles, formation, taille, entretien” • Gérard Leprêtre • Ed. Rustica • 1990.

 

Des arbres partenaires

“Magie des arbres”, “Paroles d’arbres”, “Plaidoyer pour les tilleuls” : Cécile Bolly a consacré trois beaux livres aux arbres(1). L’amour des arbres et de la nature est une longue histoire pour ce médecin généraliste belge, écrivaine et photographe. “L’arbre, c’est l’image même du cycle de la vie.” commente-t-elle. “Il se transforme selon les saisons et, en même temps, il ne disparaît pas en hiver. Les arbres, nous en sommes fondamentalement partenaires. Nous leur empruntons leur verticalité. C’est quand même pour atteindre les fruits des arbres que les hommes se sont mis debout!”

Les paysages, les arbres, les plantes et les fleurs, Cécile Bolly les photographie au cours de promenades en solitaire, “celles qui permettent le mieux d’être à la fois à l’écoute de soi et présente à l’environnement”.

“Cartier-Bresson disait de ses photos que ce n’était pas lui qui les prenait mais elles qui le prenaient, ajoute Cécile Bolly. C’est ce que je ressens. Il y a des images que je ne peux pas laisser là. Tout simplement parce qu’elles demandent à être partagées. Sinon on ne ferait pas les photos. On s’arrêterait juste devant le paysage. J’ai envie qu’en regardant ces photos, les personnes voient les arbres autrement, qu’elles s’arrêtent elles aussi volontiers pour les regarder.”

La démarche d’amoureuse de la nature de Cécile Bolly rejoint sa démarche de soignante. C’est le même respect de la vie. “Nous sommes les veilleurs de la vie, pas ses maîtres”, confie-t-elle.

// VJ

(1) Les trois titres sont parus aux éditions Weyrich. Infos : www.weyrich-editions.be

 

 


Réagir à cet article

Retour à l'index

"Vie quotidienne"

haut de page