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Vie Quotidienne (7 novembre 2013)


Changer sa manière de conduire et de se conduire

© Laurent Caro/Belpress

Vous pensez être un bon conducteur? C’est possible. Alors pourquoi ne pas essayer de devenir un meilleur conducteur ?” : tel est le leitmotiv des formations dispensées par l’ASBL “10 de conduite” en alternative à la perception immédiate d’amendes, notamment en cas d’excès de vitesse. Une expérience riche de sens et d’enseignements.

Ils sont sept ce matin-là dans le local de formation de l’ASBL à Louvain-la-Neuve. Sept automobilistes à avoir troqué le paiement d’une amende à la suite d'un excès de vitesse par le suivi d’une formation de quatre heures sur la conduite préventive et citoyenne (lire “Comment ça se passe?”). Des automobilistes qui, pour la plupart, s’estiment être de bons conducteurs même s’ils reconnaissent “appuyer parfois sur le champignon” ou même “avoir plutôt la pédale lourde”...

Partage d’expériences

Aujourd’hui, on se fie essentiellement à la technologie de l’automobile pour sa sécurité, lance d’emblée Philippe Brasseur, formateur à “10 de conduite”, après s’être présenté au groupe. Les publicités renforcent ce sentiment, comme celle qui passe actuellement sur les ondes et vante le fait que tel véhicule freine tout seul à l’approche d’un obstacle! C’est tout à fait fou, affirme-t-il. Du coup, on a trop souvent l’impression d’être invincible sur la route”.

Chacun est invité à se présenter à son voisin de table, à lui décrire en deux mots les circonstances dans lesquelles il a été verbalisé, et à dire ce qui l’a motivé à assister à la formation. S’ensuit une mise en commun où chacun résume ce que l’autre lui a confié en aparté. “Valérie a été flashée alors qu’elle se rendait chez un patient qu’elle soigne comme infirmière à domicile. Elle venait de recevoir un appel de la famille lui disant que ce monsieur voulait la voir avant de mourir, raconte Marc d’un ton grave. Cela étant, elle reconnaît rouler souvent trop vite”, ajoute-t-il. A son tour, Valérie parle de Marc. “Il est de plus en plus nerveux et agressif au volant à cause des embouteillages. Il collectionne les PV pour excès de vitesse car, dès que la route se dégage, il accélère pour rattraper le temps perdu. Sa dernière amende s’élevant à 240 euros, il s’est inscrit à la formation pour économiser de l’argent (NDLR : la formation lui coûte 109 euros). Pour lui, c’est aussi l'opportunité d'apprendre quelque chose”.

La présentation se poursuit, entrecoupée de questions ou commentaires du formateur. L’ambiance est détendue. Les échanges se succèdent entre participants. “Je ne suis pas là pour vous juger, vous faire la morale, vous culpabiliser, prévient Philippe Brasseur. J’espère simplement que vous retiendrez de cette matinée quelques éléments utiles pour votre conduite. On est de plus en plus nombreux à circuler sur la route mais on ne la partage plus assez. C’est le chacun pour soi. Et on est trop peu dans l’ici et le maintenant”.

Cas pratiques et analogies

Pour vous, qu’est-ce qu’un bon conducteur?”, interroge le formateur. Chacun y va de son avis : “C’est anticiper et être attentif”; “C’est respecter le code de la route”; “C’est être fairplay”. En somme, un savant mélange de savoir-faire, savoir-vivre et savoir-être, comme le résume Philippe Brasseur. Anticipation, respect du code de la route, expérience et fair-play sont abordés un par un. Avec humour, cas pratiques, images décalées, citations ou encore leçons à tirer de l’expérience de professionnels .

Ainsi, Juan-Manuel Fangio - qui, contrairement à ce que l’expression "rouler comme un Fangio" le laisserait entendre, conduisait à vitesse adaptée pour anticiper et réagir à temps. De même, le grand pilote automobile belge Paul Frère, qui a échappé de justesse à un “stupide” accident d’aquaplanage alors qu’il roulait à vive allure sur des petites routes en lacets. Sans aucune doute était-il trop confiant en sa conduite et en son véhicule. Quant à l’explorateur Alain Hubert, ses aventures sur la banquise montrent l’écart énorme entre la vigilance indispensable dont il faut faire preuve et la relative insouciance, voire la distraction, que nous affichons bien souvent derrière notre volant.

Pas de ton moralisateur, pas d’images chocs ni d’illustrations sanglantes mais des observations, des constats, une petite piqûre de rappel de quelques règles du code de la route pour les distraits ou ceux dont le passage du permis de conduire est un lointain souvenir(1). Des conseils tout simples aussi : partir bien à l’heure, préparer son itinéraire, prévenir d’un éventuel retard, imaginer des alternatives de transport plus écologiques, essayer de se dégager des pressions extérieures... On touche ici aux modes et choix de vie. On n’est pas loin parfois de la réflexion éthique, voire d’un travail sur soi.

La formation touche à sa fin. Philippe Brasseur remet à chaque participant le diplôme du “Zentleman driver” (en référence à l’attitude Zen) . “Il y a beaucoup d’autres raisons de ne pas rouler trop vite que celles strictement liées à la sécurité. Pratiquez le fair-play sans modération car il est positivement contagieux”, plaide notamment l’ASBL en terminant par ces mots : “Nous ne serons pas jugés sur ce que nous avons réussi... mais sur ce que nous avons tenté!”.

//JOËLLE DELVAUX

>> Infos : ASBL 10 de conduite 010/22.82.61 • www.10deconduite.be

(1) Lire par exemple le dépliant “Trop vite... trop tard” édité par l’IBSR.

 Comment ça se passe ? 

Une série d’infractions au code de la route sont sanctionnées par la perception immédiate d’une amende, signifiée par la police au contrevenant, soit sur le lieu même où il a été intercepté, soit par courrier envoyé à son domicile. Il s’agit d’excès de vitesse ne dépassant pas le seuil des 30 km/h au dessus de la limite autorisée (40 km/h en dehors des agglomérations et zones 30), de l’usage du GSM au volant ou encore du défaut de port de la ceinture de sécurité.

Dans le cadre d’une expérience pilote de politique pédagogique, en lieu et place de la perception immédiate, des contrevenants ont la possibilité de suivre une formation de sensibilisation à la conduite défensive et citoyenne(1). Actuellement, quelque 40 zones de police relevant de huit arrondissements judiciaires (ou Parquets)(2) collaborent en Wallonie avec l’ASBL “10 de conduite”, à l’initiative de ce projet.

Concrètement, la proposition est formulée au contrevenant dans un courrier joint au procès-verbal lui signifiant son infraction et la perception immédiate. La formation, d’une durée de quatre heures, coûte 89 ou 109 euros (selon la gravité de l’infraction), l’ASBL ne percevant aucun subside. Si le conducteur choisit cette option, il s'inscrit auprès de “10 de conduite” dans les 15 jours en précisant le lieu de la formation souhaité(3). Le paiement et le suivi de la formation dans les 60 jours à dater de l’infraction éteignent les poursuites judiciaires. A noter que le conducteur ne peut suivre qu’une seule fois la formation.

(1) Sont exclues les personnes ayant un permis de conduire de moins de deux ans.

(2) “10 de Conduite” collabore actuellement avec les Parquets d’Arlon, Huy, Liège, Mons, Neufchâteau, Nivelles, Tournai et Verviers. Des discussions sont en cours pour l’arrondissement judiciaire de Bruxelles et plusieurs arrondissements en Flandre.

(3) Des formations en néerlandais sont assurées par l’association sœur “10 voor Rijgedrag”. Infos sur www.10voorrijgedrag.be

Une alternative à généraliser

Tout commence en 2001 lorsque la Procureure du Roi de l’arrondissement judiciaire de Marche-en-Famenne, séduite par les animations à la conduite défensive organisées par “Gentleman drivers school”, propose à l’association de concevoir des formations à destination d’automobilistes en infraction pour excès de vitesse. La concrétisation de ce projet donnera naissance à l’ASBL “10 de Conduite”.

Forte de son succès, l’initiative fait tache d’huile dans d’autres arrondissements judiciaires en Wallonie. “En douze ans, 30.000 personnes ont été formées par une dizaine d’instructeurs, précise Gaëtan Detroz, président de l’ASBL. Un contrevenant sur dix répond positivement à l’invitation”. Avec quels résultats? Ils sont difficilement chiffrables. Toutefois, d’après une étude menée en 2002 auprès d’une septantaine de participants par le Pr G. Kellens de la Faculté de droit de l’Ulg, 93% des répondants déclarent, trois mois après la formation, avoir modifié leur comportement au volant, être plus attentifs aux dangers de la route et plus conscients des risques qu’ils prennent et font courir aux autres.

Par ailleurs, les “retours” qui parviennent à l’association et les commentaires laissés par les participants dans le document qu’ils sont invités à remplir à l’issue de la formation sont plutôt encourageants. “Il faut cependant rester humble : en quatre heures, on ne peut pas faire des miracles. Mais l’important est de permettre une remise en question, une perspective que n’offre pas du tout un PV”, observe Gaëtan Detroz.

Malgré ces résultats encourageants, le président de l’ASBL ne cache pas son amertume et son inquiétude pour l’avenir dans un paysage bientôt modifié par la régionalisation des compétences de sécurité routière (les poursuites pénales en la matière restent cependant de la compétence fédérale). Or, la situation actuelle est déjà bien complexe. Ainsi, le fait de proposer une alternative à la perception immédiate relève de la décision de chaque Procureur du Roi qui doit alors rédiger une circulaire en ce sens à destination des zones de police de son arrondissement judiciaire, ce qui prend pas mal de temps. Mais certaines des zones concernées n’appliquent pas la circulaire.

A contrario, d’autres Parquets ne collaborent pas (ou plus ou pas encore) à l’expérience pilote, et ce pour diverses raisons, les obstacles procéduraux n’étant pas les moindres. “La seule solution à l’imbroglio actuel passe par le politique, plaide Gaëtan Detroz. Il faut modifier la loi pour que tous les contrevenants, où qu’ils soient verbalisés ou flashés en Belgique, puissent suivre une formation à la conduite préventive et citoyenne, en lieu et place de la perception immédiate. Répression et prévention sont deux volets indispensables de la politique à mener en matière de sécurité routière. Si l’on veut vraiment diminuer le nombre de tués et d’accidents sur les routes, c’est tous ensemble qu’il faut relever nos manches, non?”, lance-t-il.

//JD

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