Vie Quotidienne
(1er
mars 2012)
Faire le ménage, source de
bien-être !
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© Lehtikuva - Reporters
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Nettoyer et
ranger font un bien fou! Les écrivaines Maryse Vaillant et Dominique Loreau
osent le dire. Elles en ont fait l’expérience, et la partagent.
On doit à Dominique Loreau, Française
installée au Japon depuis bientôt trente ans, le best-seller “L’art
de la simplicité”
(300.000 exemplaires écoulés)(1). Une simplicité que les
Japonais pratiqueraient au quotidien. “Les Japonais, malgré leur
expérience moderne très high tech, sont toujours imprégnés, jusque dans les
moindres détails de leur vie quotidienne, de la philosophie ancestrale zen
basée sur la méditation, le contrôle des émotions, le respect de l’instant
présent. A fréquenter ce pays, j’ai découvert que la simplicité est une
valeur positive et enrichissante”, explique l’écrivaine.
En ordre
avec soi
Cet art de la
simplicité, Dominique Loreau invite à l’appliquer à la vie domestique. Dans
son dernier opus: “Faire le ménage chez soi, faire le ménage en soi”(2),
elle suggère de prendre exemple sur les Japonais et les Japonaises (surtout
les Japonaises : l’égalité devant le ménage n’étant pas encore acquise
là-bas non plus malheureusement !) qui se consacrent eux-mêmes aux tâches du
ménage, les déléguant peu, conscients que la maison est “une autre peau”,
qu’il est noble et utile de l’entretenir. “Les effets bénéfiques d’un
lieu propre et rangé sur le physique et le moral sont évidents,
explique l’auteure. La maison peut et doit nous redonner de l’énergie,
de la vitalité, de l’équilibre, de la joie. D’elle, nous tenons une partie
de notre sentiment de sécurité. De plus, accorder de l’intérêt à son
environnement immédiat participe de la pratique zen sous-tendue par la
certitude que les clés d’une avancée personnelle se trouvent dans la réalité
quotidienne et qu’il n’y a pas de grandes pensées sans une attention
personnelle portée aux petits riens.”
Le soin “Feng Shui” |
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©
Jean-Renaud
Sancke /
Belpress |
Toute japanophile qu’elle soit, l’écrivaine Dominique
Loreau accorde de la
place dans ses conseils au Feng shui, une pratique, elle, d’origine
chinoise(1). Le Feng shui a pour but de faire circuler l’énergie
environnementale (le Chi) de manière optimale pour favoriser la santé, le
bien-être et la prospérité de ses occupants. “Le Feng Shui lui aussi,
explique l’auteure, insiste sur la propreté des lieux, sur le fait que
lorsque l’apparence est soignée, le reste l’est aussi. L’esprit est plus
clair. Les décisions plus franches”. Parmi les fondamentaux du Feng Shui :
une entrée accueillante. Un miroir, un tableau aux couleurs gaies peuvent
remédier à la pénombre ou à l’exiguïté des lieux. Il est aussi conseillé
d’adoucir les angles en y mettant des meubles d’angles ou des plantes. Tout
objet tranchant (couteaux, paires de ciseaux) doit impérativement être situé
hors de la vue. Tapis et moquettes sont proscrits. Ils entraveraient la
circulation du Chi. “Comme l’énergie est supposée venir du sol, précise
Dominique Loreau, toutes les surfaces de la maison et les chaussures
doivent être impeccables. Les Orientaux se déchaussent d’ailleurs chez eux.”
Face à la mode du Feng Shui qui s’est développée avec l’immigration chinoise
dans les années 80, on gardera raison. |
“L’aménagement du lieu de vie, explique
Dominique Loreau, doit aller de pair avec un travail intérieur qui
améliore la circulation de l’énergie dans le corps, notamment par la gestion
de ses soucis, de ses peurs, des ses jugements, autant d’attitudes
énergivores!” |
(1) Dominique Loreau, “Faire le ménage chez soi, faire le
ménage en soi”, éd. Marabout, 2011. |
Invitation à
l’autodiscipline, “Faire le ménage chez soi, faire le ménage en soi”
apparaît aussi comme la célébration de la liberté d’accepter de s’atteler à
ce qui, par nécessité, doit être fait. On y trouve aussi des conseils
pratiques : comment trouver l’élan initial (où il s’agit d’y aller mollo, de
se préparer, de commencer par ranger et nettoyer à fond une pièce), comment
trouver du plaisir dans les activités ménagères (en mettant de la musique
notamment), comment s’y prendre concrètement (en entamant son travail dans
les pièces dans le sens des aiguilles d’une montre !), quels produits
utiliser (les deux produits miracles ont pour nom vinaigre et savon noir).
Une
philosophie de l’instant
Activité concrète,
le ménage apparaît comme bien plus que le ménage par la clarification des
idées que permet une demeure désencombrée, par la concentration qu’on peut y
trouver (faire le vide au propre comme au figuré). Mais on l’aura rarement
élevé à une telle hauteur symbolique, à l’égal des Japonais. La preuve ? “Poussière
se dit hokori en japonais. Mais hokori désigne aussi tout ce qui s’attache à
nous: fierté, titres, situation sociale. Dans la tradition zen, le plumeau
sert à indiquer notre nature propre. Toutes sortes de choses pénètrent en
nous, comme la rancœur, l’amertume, le chagrin, la jalousie, et s’accumulent
jusqu’à ce que nous ne sachions plus qui nous sommes. Passer le plumeau, le
hataki, c’est aussi un moyen de se purifier et de déloger tous ces attributs
extérieurs à notre vraie personne, qui nous éloignent de notre nature
originelle”.
On relèvera entre
autres curiosités, sous la plume de Dominique Loreau, que la langue
japonaise compte une dizaine de mots quand nous avons un unique “chiffon”.
La langue du pays du soleil levant y distingue les chiffons selon les
affectations : aux tables, aux fenêtres, à la salle de bain… Dernière
anecdote avant le grand nettoyage? “A mesure qu’on l’emploie, un balai
acquiert de plus en plus de personnalité. Si vous voulez savoir qui est un
bonze – soit un maître de temple – regardez son balai: est-il usé des deux
côtés ou d’un seul? Si ce bonze a l’habitude de le pousser de droite à
gauche puis de gauche à droite, son balai s’use régulièrement. Vous savez
alors comment il médite. Si son balai n’est usé que d’un côté, ce bonze ne
balaie probablement que mécaniquement. Il n’est pas concentré sur sa tâche.”
Prenons-en de la graine! Faire le ménage apparaît en définitive comme l’art
d’habiter non seulement sa maison, cette “troisième peau après la sienne
et ses vêtements”, comme la qualifie Dominique Loreau, mais aussi
comme l’art d’habiter l’instant présent.
Machine à
vivre
D’une enfance
douloureuse, Maryse Vaillant, psychologue française et auteure de nombreux
ouvrages touchant à des questions liées à la violence, à la famille, à
l’adolescence et au couple, a hérité de stratégies d’adaptation pour
survivre, comme l’isolement ou la vigilance extrême. Jusqu’au jour où se
sont révélées des pratiques bien plus douces. Parmi celles-ci, l’auteure
compte le rangement, justement. Elle partage son expérience dans un livre “Mes
petites machines à vivre” (3). Les bienfaits du
ménage se sont précisés au fil d’une thérapie qu’elle a entreprise. La
thérapie peut aider à affronter les angoisses, le passé familial, mais
concomitamment, époussetage, classement, briquage de meubles servent de
supports à un travail mental, plus souterrain encore que celui de la
psychothérapie. L’intérieur de la maison offre des possibilités d’évasion,
qu’il s’agisse d’épousseter un meuble ou de le cirer, de réorganiser un
espace, de classer des factures. “Il n’est pas question, tient à
préciser Maryse Vaillant, de la tâche discrète, ingrate et répétitive,
ingrate car discrète et répétitive, qui consiste à entretenir à grands
efforts un ordre dont chacun bénéficie sans même sans rendre compte. Il
s’agit d’une occupation volontaire et facultative, souvent impulsive. Je
sais que cette impulsion ménagère n’est pas due à l’état de ma maison, mais
bien à celui de mon esprit. A mon insu presque, il examine et série ce qui
le préoccupe, classe les dossiers en suspens, reprend éventuellement les
vieilles affaires pour les mettre à jour. Il cherche à redonner de l’ordre à
l’enchevêtrement des émotions, des désirs, des attentes.” Deux
témoignages qui donnent ses lettres de noblesse à une activité trop souvent
vécue comme ingrate!
//VÉRONIQUE
JANZYK
(1) Dominique
Loreau, “L’art de la simplicité”, éd.Marabout, 2005.
(2) Dominique Loreau, “Faire le ménage chez soi, faire le
ménage en soi”, éd. Marabout, 2011.
(3) Maryse
Vaillant, “Mes petites machines à vivre”, éd. Lattès, 2011.
Se promener et lire: se désencombrer aussi !
Outre le ménage, pour se désencombrer, la psychologue Maryse Vaillant
propose d’autres pistes, elles aussi ancrées dans le quotidien! Quand la vie
de tous les jours nous fait du bien…
Sortir de chez soi pour une promenade
permet de s’éloigner de ses tracas et de rentrer en soi.
“Les premiers
temps, les promenades sont troublées par tout ce qui m’agite, explique
Maryse Vaillant. Ensuite, doucement le calme se fait. J’essaie d’oublier mes
pensées pour parvenir à ne plus les contrôler. Je remarque la beauté d’un
chêne ou d’un roseau, le bruit d’une source ou la fulgurance d’un petit
animal au poil gris-roux.(…) Au retour, la tête vide et les jambes lourdes,
je ne pense plus qu’à souffler et à me reposer. Les préoccupations
reviendront, mais tout ce qui m’encombrait est devenu plus intelligible.
Certes, les problèmes ne sont pas réglés mais rien ne me semble plus
insurmontable.”
La lecture constitue aussi une ressource intarissable.
Maryse Vaillant remercie encore le professeur de français qui lui a donné le
goût de la lecture. Elle découvre qu’elle partage des sentiments, des peurs,
des épreuves, des espoirs avec des personnages de fiction. Elle n’est pas
seule à vivre ce qu’elle endure. La fiction l’a sortie de sa solitude, lui
donne du courage. Les tragédies lui sont particulièrement secourables, mais
aussi les ouvrages fantastiques et de science-fiction. Ils sont autant de
portes sur des univers parallèles qui permettent de mieux supporter la
réalité.
Les mots se révèlent par ailleurs une aide précieuse lors de sa
première expérience professionnelle, celle d’éducatrice avec des jeunes en
difficulté. Elle parvient à les embarquer dans des récits improvisés riches
en énigmes, cavalcades, suspense et monstres fabuleux. Des histoires qui
permettent aux jeunes d’habiter leur solitude et qui leur donnent le
sentiment d’appartenir à un groupe, dit-elle.
Ces machines à vivre, Maryse
Vaillant est persuadée qu’elles peuvent être partagées, déclinées selon les
personnalités. Si celles-ci ne vous emballent pas, il en est d’autres:
“apprécier un vin, renifler une rose, nourrir un hérisson, écouter tomber la
pluie”. Toutes opportunités d’apprendre à jouer avec le temps et à
apprivoiser sa fuite.
// VJ
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