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Tourisme (16 juin 2002)

Un tourisme fait pour durer…

Le tourisme allait devenir l’un des outils incontournables pour impulser le développement des pays les plus pauvres. C’était dans les années 1970. Aujourd’hui, ce sont plutôt ses effets pervers qui sont mis en évidence : prostitution ou trafic de drogue, mais aussi surexploitation des richesses naturelles et pollution. Désormais, on mise sur le “ tourisme durable ”.

D’ici à 2020, le nombre de touristes dans le monde devrait presque tripler, de 565 millions (1995) à 1,6 milliard (sans compter les touristes qui restent dans leur pays). Ce sont, en tout cas, les prévisions de l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) dans Tourisme: horizon 2020. Une manne, en théorie, pour les pays de destination, en termes d’emplois (+ 130 millions dans les six ans à venir) et de devises, pour les pays producteurs.

Ces chiffres font l’hypothèse d’une croissance continue (+ 4,3% par an). Mais deux questions au moins se posent: les destinations d’accueil peuvent-elles recevoir une telle foule, et à quel coût humain, social et culturel? Quelles destructions les investissements dans le tourisme risquent-ils d’entraîner?

Dans les Caraïbes, par exemple, on estime que les nombreux navires de croisière qui font escale débarquent 70.000 tonnes d’ordures par an. Et déjà dans les années 1980, on constatait qu’en Tunisie, l’approvisionnement d’un club de vacances privait d’eau la population des environs. Analysant le tourisme dans les îles (dont Madagascar), F. Vellas et J.M. Cauet concluent que “les politiques de développement d’un tourisme durable, si nécessaire, ne sont pas véritablement mises en œuvre.”(1)

 

Écologique, social, durable, etc.

Certes, des efforts ont parfois lieu. Dans certains pays (Costa Rica, Madagascar…), on mise sur l’écotourisme. 67% des touristes choisiraient d’ailleurs l’île malgache pour les formules d’écotourisme qui y sont proposées par les agences de voyages. L’intention principale étant au moins autant une réponse à la demande de contact avec la nature de la part des touristes qu’une réelle protection de l’environnement. Cette année 2002 a d’ailleurs été prononcée “Année internationale de l’écotourisme” par les Nations unies, afin, selon l’OMT d’offrir “aux acteurs locaux et nationaux intéressés l’occasion d’examiner les avantages sociaux et écologiques que l’activité écotouristique, dûment maîtrisée, peut représenter pour les pays accueillant les écotouristes ”. Mais déjà, ses limites apparaissent : l’écotourisme ne semble pas encore profiter suffisamment à la population locale. Or il paraît de plus en plus évident que le tourisme sera équitable une fois que les communautés et les économies locales en seront les premières bénéficiaires.

L’alternative pourrait être trouvée dans le tourisme durable qui, à l’instar du développement durable, entend “répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs.” (Commission Bruntland, 1987). Une simple gestion intelligente, en quelque sorte, qui devrait impliquer une limitation volontaire de la consommation touristique. A l’autre bout, la Fondation pour les générations futures inclut dans la définition “d’autres modes de vie (…), la justice sociale (…), la maîtrise démocratique…” Et pour l’UNESCO, le concept implique à la fois la limitation du nombre de visiteurs et la participation des communautés locales aux décisions.

Les nombreuses initiatives qui s’inspirent du développement durable reproduisent cette diversité. Elles vont de la simple attribution d’une part des bénéfices à des projets de développement, à un tourisme qui se veut alternatif, en favorisant la rencontre.

 

Tourisme solidaire

Dans différents pays d’Afrique de l’Ouest, le concept est peu à peu exploité. Alors que cette région du monde reste largement à l’écart des flux touristiques, des “associations de voyages” proposent des séjours “alternatifs” aux vacanciers en quête d’un “tourisme solidaire”. La formule la plus célèbre est sans doute le “tourisme rural intégré” (TRI) lancée en 1974 en Casamance, dans le Sud du Sénégal. Ni tourisme haut de gamme, ni tourisme de 3 S (“Sea, Sex and Sun”), le “tourisme rural intégré” (TRI) est une initiative locale de développement qui s’appuie sur la volonté des populations de faire partager aux touristes la vie au village, et de participer, ensemble, au développement du terroir.

Depuis peu, ces formules s’étendent à d’autres pays. Au Burkina Faso notamment, où des villages d’accueil commencent à se mettre en place. A Doudou, un village d’accueil perdu au centre du pays, trois bungalows de douze lits construits dans la pure tradition architecturale gourounsi - l’ethnie de la région – s’apprêtent à accueillir les touristes. En terre battue du toit au plancher, ces logements se fondent parfaitement dans le “paysage urbanistique local”. On y dort sur des lits en banco. Seuls éléments de confort: des matelas ainsi que des douches et des WC, chichement carrelés. Quant aux bains, ils se prennent à l’aide de seaux. Et ce sont les villageois qui prennent en charge l’organisation du séjour.

Généralement, une part des bénéfices est attribué au financement d’infrastructures dans le village. A Doudou, en l’espace de deux ans, l’équivalent de 1.115 euros de bénéfices ont été engrangés par le village, qui facture la journée à près de 25 euros par personne, tous frais compris. C’est ainsi que des dispensaires ou des écoles ont pu être construits. Autre effet bénéfique: l’activité touristique dans ces villages retirés a engendré une diminution de l’exode rural. “Les jeunes ne nous abandonnent plus pour aller en Côte d’Ivoire”, témoigne un vieil homme originaire de Doudou.

 

Tuer la poule aux œufs d’or ?

Parfois intéressantes dans leur principes, ces initiatives restent marginales, quantitativement. Et elles ont en commun de laisser les habitants des pays du Sud dans un rôle de récepteurs passifs d’initiatives prises ailleurs. Il n’y aura d’évolution décisive que si le tourisme commercial lui-même intègre la durabilité. Francesco Frangialli, Secrétaire général de l’OMT, estime en effet que le touriste de l’avenir choisira son lieu de vacances selon l’identité qu’il veut se donner; un lieu qui permet, “dans un monde de plus en plus homogène, [de] le différencier des hordes d’autres touristes”. Les destinations originales risquent dès lors d’attirer le grand nombre, chacun espérant y être seul. La course au plus authentique, en quelque sorte. C’est donc le tourisme de masse - et plus seulement des actions à la marge - qui, sous peine de destructions culturelles, humaines et sociales, devra se fixer des limites.

Une tentative internationale d’auto-discipline par les acteurs du tourisme a eu lieu en 1999, sous la forme d’une Charte pour un tourisme éthique. 110 pays membres de l’OMT ont adopté (difficilement) ce texte destiné à “concilier économie et écologie, environnement et développement”. Cela ressemble cependant à la quadrature du cercle, tant l’écart est grand entre les intérêts à court terme du secteur et les mesures à prendre pour rendre le tourisme durable.

C’est vraisemblablement lorsque les opérateurs touristiques comprendront qu’ils risquent de tuer la poule aux œufs d’or qu’ils seront convaincus. Si 40 % des Allemands sont prêts à payer un dollar de plus par jour pour des vacances qui respectent l’environnement, c’est une manne qu’il serait sot de négliger. Le nouveau gouvernement autonome de l’archipel espagnol des Baléares l’a bien compris. Il a voté récemment un impôt spécial d’un euro par touriste et par nuit, pour financer des projets d’environnement. Cette eco-taxe a autant pour objectif de sauver l’identité majorquine et les amateurs de nature et de culture que de préserver l’environnement. Les autorités des Baléares cherchent ainsi à réduire de 20% le tourisme de masse, notamment en diminuant le nombre de lits sur l’île de Majorque (par la destruction d’hôtels notamment), surnommée le “17ème Land” d’Allemagne. Plus de neuf millions d’étrangers, dont 4,3 millions d’Allemands, ont passé des vacances aux Baléares en 2000.

Dans la même logique, c’est pour des raisons de rentabilité économique que F. Vellas et J.M. Cauet prônent l’intégration de l’environnement dans la politique touristique. Et de ce point de vue, malgré les discours, on n’est nulle part, ou presque.

De toute façon, une question subsiste: développement et tourisme sont-ils compatibles? Sur le plan économique, sans doute. Mais les réponses sont plus réservées chez ceux qui incluent dans le développement le respect des communautés locales, de leurs cultures et modes de vie, ainsi que l’orientation de l’économie vers la satisfaction des besoins locaux. Le débat reste ouvert…

Valérie Michaux, InfoSud,
avec Syfia International

(1) F. Vellas et J.M. Cauet: Le tourisme et les îles, L’Harmattan, 1997; voir aussi, chez le même éditeur: G. Cazes: Tourisme et Tiers Monde, un bilan controversé, 1992.

Une spirale infernale

D’un côté, il y a les touristes, qui pensent œuvrer pour la bonne cause en achetant des babioles aux enfants défavorisés. De l’autre, des milliers de jeunes, qui délaissent l’école au profit de ce business lucratif mais éphémère. Ca se passe notamment au Cambodge.“You want buy postcard ? Guide book ? Bracelet ?“ Les jeunes Cambodgiens guettent les touristes, les assaillent, les poursuivent... Cette scène se passe quotidiennement à Angkor, un site touristique prisé du Cambodge. La profession de vendeur de souvenirs fait de plus en plus d’émules dans le pays et nombreux sont ceux qui abandonnent le chemin de l’école. Les parents partagent bien souvent la fièvre dévoreuse de leurs enfants. Démunis, ils voient dans le tourisme une manne dans laquelle il serait stupide de ne pas puiser.

Attirer la compassion, voire la pitié des visiteurs nantis, fait partie intégrante des techniques de vente. Et ça marche ! C’est d’ailleurs là que se situe la contradiction : donner de l’argent aux enfants, c’est favoriser la spirale de la pauvreté. A tel point qu’un jeune archéologue, oeuvrant , estime que ce phénomène fait courir un grand danger à la population. “Les jeunes désertent l’école. Mais que feront-ils de leur avenir lorsque ce métier précaire aura disparu ?”

Pen Bona - InfoSud-Belgique/Syfia

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