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Tourisme (4 août 2011)

 

Anecdotes ludiques de voyage

En mars 2009, Thibaut Quintens, jeune trentenaire, prend le train et se lance dans une aventure ludique à travers le monde, pariant sur le jeu de société comme outil de rencontre et de dépassement des différences. Son périple lui fera découvrir 12 pays et parcourir 50.000 kilomètres de voies ferrées. Deux ans plus tard, il partage avec les lecteurs d’En Marche quelques-uns des temps forts, ravis et lumineux, de la première manche de son projet. Let’s play together!

“S’il existe deux domaines qui mettent de la communication entre les hommes du monde entier, quelles que soient leurs cultures, ce sont la musique et le jeu” partage Kris Burn, inventeur de jeux de société. Triées avec subjectivité, voici quelques anecdotes de mon voyage qui valident cette universalité du jeu pour entrer en communication.

 

© Thibaut Quintens

Vladimir est russe. Il a 83 ans. C’est un médecin retraité. Avec sa fille et son petit fils, il partage un appartement dont l’espace vital laisse à peine de quoi transformer l’unique divan en lit. Vladimir ne sort de sa chambre qu’à l’appel des repas ou pour ses flexions quotidiennes sur le balcon. Il ne partage rien de l’intérêt inconditionnel de sa famille pour l’informatique. Ma présence lui offre un adversaire pour son jeu de prédilection: les échecs. En dépoussiérant fièrement deux livres de stratégie, il les utilise pour équilibrer un plateau de jeu sur une chaise. Il se réjouit: “Je n’ai plus l’occasion de jouer et c’est la première fois que je le fais contre un étranger. Ce sera un symbole d’amitié entre la Belgique et la Russie!” Moi qui n’aime pas particulièrement les échecs, je me délecte de ses fredonnements. Je le sens heureux. Au moment de mon départ, il me retient la main longuement et me remercie: “En jouant avec toi hier soir, j’ai oublié tous mes tracas”. Cette phrase résonne encore dans ma tête.

Il est 14 heures quand je rejoins la ville du héros de la révolution mongole, Sükhbaatar. La chaleur y est accablante et la ville est endormie. Les guichets de la gare sont fermés: je finis par comprendre qu’ils n’ouvrent pas avant 18 heures. A la recherche d’interlocuteurs, je passe devant le bureau de la police ferroviaire. La porte est grande ouverte, j’y vois une invitation. Tuvshin a 24 ans. Père d’un enfant, il parcourt avec amusement mon livre de conversation mongole. J’en profite pour poser un mini Passe-trappe (jeu d’adresse avec des palets) sur la table. Les deux heures qui suivent ont un goût de surréalisme. Entre vérifications des écrans de surveillance, réponses au téléphone et entretiens avec des quidams dans son bureau, cet homme en uniforme est curieux de chacun des jeux que je lui propose. Digit (jeu de cartes et bâtonnets), Tangram (jeu de puzzle de figures), casse-tête russe... C’est un appel d’urgence et la mine peu enjouée d’un de ses collègues de retour de sa garde, qui mettent un terme à cette rencontre. Je foule le sol de Mongolie depuis moins de six heures et déjà j’y goûte à un inconditionnel tempérament de joueurs.

Dzochen n’est pas une destination courante pour les routards qui voyagent en Chine. Parce que l’endroit n’est pas sur la route classique du Sichuan, parce qu’aucune structure touristique n’y est proposée, parce qu’il faut s’armer de patience pour rejoindre ce village. Parce qu’à plus de 3.000 mètres d’altitude, le temple, encaissé entre les montagnes, est invisible depuis la route et le village. Mon invitation se prénomme Kaixin (“Heureux” en chinois). D’origine Han, elle a choisi la voie monastique bouddhiste depuis deux ans. Notre brève et première rencontre autour d’un Sacré T me vaut cette invitation au Zuqin temple. L’intérêt de son maître Kan Bu et de ses condisciples Danrong, Jun Ying et Tsachizumbo pour mes objets de plaisirs ne tardera pas à m’offrir des rencontres inédites. Ils me proposent de rester parmi eux plusieurs jours et me dispensent un interpellant enseignement du Bouddhisme: “Nous modifions toutes les obligations de nos journées pour partager pleinement l’opportunité de ta rencontre”. Ils m’emmènent vers des lieux sacrés. Dans des décors somptueux, le souffle coupé, nous grimpons à 5.800 m. Au cours de notre ascension, nous partageons les rencontres ludiques les plus intenses avec des moines qui ont délibérément choisi l’isolement pendant plusieurs années! Les jeux sont une prière, pour eux comme pour moi!

Je marche depuis plusieurs jours le long de la rivière Kekemeren, dans la magnifique vallée désertique de Suusamyr au Kirghizstan. Les âmes qui y vivent sont plutôt rares. Dès la traversée du premier village, à Tugulsoy, je tente le contact avec les deux seules personnes que je croise, assises sur un banc public. Je leur lance un petit défi de fausse-magie autour d’un zip élastique et d’un bozo bozo. Quelques éclats de rires plus tard, je suis encerclé. Quelques heures plus tard, je suis hébergé dans la ferme familiale de Gulnara et Imanaliev. Le lendemain, je rends visite à d’autres membres de leur famille qui, en nomades, font paître les bêtes au bord du lac Song-Köl durant l’hiver. Le campement des nomades kirghizes est à une journée de cheval. Durant trois jours, mes jeux sont le pôle d’attraction des petits comme des grands. Les occasions de jouer me dépassent. Elles postposent plus d’une fois les tâches quotidiennes. Et, entre deux courses à cheval, c’est un jeu de course de tortues qui s’anime autour d’un plateau. Sans compter le tournoi de Passe-trappe qui inclut les yourtes “voisines”.

Shimkent est un lieu de pèlerinage pour les musulmans. C’est dans cette ville du Kazakhstan que je fais la visite de l’impressionnant mausolée de Yasahui. A l’entrée, Abildek est assis sur une chaise et sourit aux visiteurs. Je m’installe sur une marche à ses côtés et je lui propose aussitôt de m’aider à résoudre une énigme, celle du Sacré T. Très fier de m’y avoir aider, il m’invite le soir dans le cercle d’un Dhikr, la prière rythmée en chœur par les musulmans soufis. Après une heure de litanie, c’est la fin de l’abstinence d’une journée de Ramadan et je suis encouragé à prolonger la rencontre autour d’une table remplie de mets et partagée par plusieurs familles. Les regards et les rires, d’abord curieux, sont vite remplacés par des échanges amusés autour des jeux. Le lendemain, Abildek délaisse son poste de guide du mausolée et m’emmène sur les traces de l’histoire de l’Islam. Arstambob, Otrar, Oukacha, Ykawa Ata...: des lieux saints et reculés où, entre prières et jeux, je baigne dans la chaleur de musulmans simplement joyeux de me rencontrer. En traversant le Kazakhstan avec mes jeux en plein mois de Ramadan, je reçois de magnifiques leçons de tolérance.

 

L’aventure est au coin
de notre rue

Un voyage au long cours, loin des repères confortables du quotidien, interroge les perceptions et bouleverse les certitudes. Il remet en cause les images et les sons qui nous sont imposés. Il permet de construire nos propres ouvertures sur le monde. Mais voyager, c’est avant tout un état d’esprit. Celui de développer une sensibilité et une attention particulières à ce qui se passe autour de soi et envers ceux qui se trouvent autour de nous. En ce sens, l’aventure est sans conteste au coin de notre rue. Ouvrons nos sens. Offrons-nous la confiance d’avoir quelque chose à partager avec un inconnu. Rendons-nous disponibles. Prenons le temps de l’instant présent. Et, si le coeur nous en dit, “aidons-nous d’un petit jeu” ; nous serons bien souvent surpris de son pouvoir d’enchantement. Sur le coin d’un banc d’une place de Bruxelles, sur le coin d’une table d’une brocante à Floreffe, sur le coin d’un siège du train Bruxelles-Liège ou au coin du feu de la Saint-Jean à Mons, j’ai dernièrement encore été joyeusement encouragés par de surprenantes rencontres autour de jeux.

// Thibaut Quintens

Le jeu comme langage universel

“Celui qui voyage sans rencontrer l’autre, ne voyage pas, il se déplace” partage l’exploratrice Alexandra David Néel dans l’un de ses récits de voyage. Convaincu par cette approche, je décide d’emmener avec moi des jeux et de m’ouvrir à la rencontre de gens qui se prêtent au jeu. Je pars rechercher la simplicité de contacts humains au-delà de tous préjugés. Prendre le train pour couvrir une distance de 50.000 kilomètres, c’est un peu fou, je le conçois. Mais prendre le train, c’est surtout prendre conscience du temps qui passe. C’est savourer un paysage qui lentement défile. C’est s’offrir l’opportunité de rencontrer l’autre car le train n’est-il pas un moyen de transport propice pour déballer un jeu et s’accorder le temps de le partager? Je pars sur les traces du constat de l’écrivain et voyageur maritime Hugo Verlomme, selon qui “Le vrai voyage, c’est d’y aller. Une fois arrivé, le voyage est fini”.

 

Jouer, le côté soleil de la vie

C’est lourd et encombrant pour un voyageur sac au dos d’emporter une vingtaine de jeux de société. Mais sans cette charge, mes rencontres n’auraient jamais eu le même goût. Le jeu de société, en voyage, est un outil magique et toujours surprenant. Il met l’accent non pas sur ce qui différencie deux étrangers mais bien sur ce qui les rapproche, sur leurs capacités à partager des règles communes. Sans compter qu’il est gratuit, qu’il offre une évasion et se joue du temps qui passe. Le jeu propose à chacun, dans le respect de son identité, de se rendre disponible à l’autre, d’être son complice, de le valoriser, de l’encourager. Il permet de s’ouvrir et de donner tout autant que de recevoir.  Et dans des contrées plus reculées, le jeu focalise l’attention, non plus sur un faciès “étranger”, mais bien sur un plaisir à partager. Il laisse des souvenirs de rencontres singulières et  inoubliables. Et si je me réfère à toutes les parties qui se sont prolongées, à tous les rassemblements de spectateurs grossissants, à tous les amis ou les voisins invités, à toutes les visites guidées improvisées, à tous les jardins secrets dévoilés, à tous les chemins sacrés foulés, à tous les sourires,… le jeu représente bien ce “côté soleil de la vie, où éclosent toutes ces choses qui ne servent à rien mais qui nous sont tellement nécessaires”(1).

// TQ

 (1) Alex Randolph, créateur de jeux de société.


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