Social
(5 juin 2008)
Vive
l’impôt... pourvu qu’il
soit juste!
Tout
en souhaitant plus de services publics, accueillants et bien organisés, nous
sommes par ailleurs nombreux à souhaiter payer moins de taxes. Or, l’un ne
va pas sans l’autre! Devant l’impôt, nous sommes tous quelque peu
schizophrènes.
Les impôts permettent de financer des services collectifs
et
d’intérêt général (dessin extrait de la campagne du CIEP -
www.ciep.be
)
Voilà
sans doute la première préoccupation de la plupart des citoyens, surtout en
cette période où ils remplissent leur déclaration d’impôt: “Ne payons-nous
pas trop d’impôt?”
Mais il est une autre
question, tout aussi essentielle, et trop peu débattue: “L’impôt est-il
justement réparti?”
“L’impôt est le prix
à payer pour la civilisation, explique François Gobbe de Kairos Europe
dans un dossier récent édité par les Equipes Populaires (voir encadré
ci-dessous). Sans impôts et cotisations sociales, dit-il, pas de
développement possible: crèches et piscines, écoles ou universités,
recherche, culture et formation, transports publics, infrastructures et
routes, logements sociaux, Sécurité sociale, pensions, soins de santé… sont
autant de services rendus aux citoyens par l’Etat, au nom de l’intérêt
général. Ces services seraient impayables par la grande majorité de la
population s’ils n’étaient pas financés en grande partie par l’Etat. Grâce à
la solidarité et à l’impôt, ils deviennent accessibles à tous, y compris aux
entreprises qui investissent dans notre pays.”
“L’impôt juste et progressif reste la réponse de ceux qui souhaitent
le développement d’une société basée sur des valeurs de solidarité
et d’égalité entre citoyens” |
Si l’économie de marché
semble efficace par sa capacité à produire et distribuer de très nombreux
produits, et à innover en réalimentant sans cesse le marché, on oublie que
la concurrence marchande est aussi source d’énormes gaspillages et surtout
qu’elle est aussi très inégalitaire. C’est donc à la fiscalité que l’on
demande de corriger les inégalités en favorisant une redistribution des
revenus.
Trois
préoccupations traversent le dossier pédagogique réalisé par les Equipes
Populaires qui soulignent l’urgence d’un débat sur ce thème qui touche à
notre vie quotidienne: quel serait, s’il existe, le “bon niveau” des
prélèvements obligatoires (impôts et cotisations…)? La répartition de
l’impôt permet-elle de corriger les inégalités? Et dans quel sens devrait
aller une “réforme fiscale”?
“Ce débat,
explique Monique Van Dieren dans son édito, est plus que jamais
d’actualité. Parce que la justice sociale et le maintien du pouvoir d’achat
passent inévitablement par la justice fiscale.” Comment comprendre que
l’actuel gouvernement prévoit d’un côté 300 millions d’euros pour les
politiques sociales alors que par ailleurs - quand un Belge sur sept vit
dans un état de pauvreté - il accorde aux entreprises des avantages fiscaux
qui, par les intérêts notionnels, se montent à 2.400 millions d’euros?
Trop d’impôt?
Y aurait-il donc un “bon
niveau” de prélèvements obligatoires à ne pas dépasser?
Constatons tout d’abord
que depuis deux siècles les prélèvements obligatoires n’ont cessé de
grimper. Si en 1926, Keynes pouvait affirmer que ceux-ci ne devraient jamais
dépasser 25% du produit intérieur brut (sinon nous basculerions dans une
société “socialiste”(!)) on est aujourd’hui bien loin du compte. On est
aujourd’hui autour des 45% et nous ne sommes pas pour autant dans une
société collectiviste.
Certes, les pays
européens ont toujours eu des taux de prélèvements obligatoires supérieurs à
la moyenne des pays de l’OCDE. Mais cela ne s’explique pas, bien sûr, par
une “rage taxatoire” irrationnelle comme le laissent sous-entendre les
libéraux, mais simplement parce que le champ d’intervention de l’Etat a
toujours été beaucoup plus important dans ces pays qu’au Japon, en
Angleterre ou aux Etats-Unis, par exemple. Les Etats qui disposent d’une
Sécurité sociale forte en prélevant des montants fiscaux importants,
notamment les Etats du Nord de l’Europe, connaissent peu de pauvreté, ce qui
ne les empêche pas d’être dans le peloton de tête des indicateurs de
prospérité.
Corriger les inégalités?
Plus important peut-être
est le sentiment d’injustice de nombreux citoyens qui estiment que tous les
revenus ne contribuent pas de manière équivalente à leurs revenus aux
financements des services collectifs.
On assiste en effet en
Belgique, depuis les années 80, affirme encore François Gobbe “au
développement d’une fiscalité moins progressive et plus favorable aux hauts
revenus, avec la disparition de la plus haute tranche de l’impôt sur les
revenus. L’impôt sur les bénéfices des sociétés est passé en quelques années
de 40% (encore en 2001) à moins de 25% avec les intérêts notionnels. Depuis
1982, la taxation portant sur la globalité des revenus (travail + immobilier
+ rentes mobilières) a disparu. Le système fiscal est ainsi défavorable aux
revenus du travail par rapport aux revenus du capital (actions, obligations,
dividendes…) qui disposent de l’anonymat du secret bancaire fiscal et du
précompte libératoire.”
Quelle réforme fiscale?
Comment ne pas voir que
cela, à côté de l’importante fraude fiscale, n’encourage guère les citoyens
à développer une image positive de l’impôt, alors que celui-ci est le
premier acte de solidarité de toute société démocratique. L’impôt,
rappelons-le, ne relève pas d’une décision bureaucratique mais d’un vote
parlementaire. Ainsi, explique Olivier Hubert d’Alternatives citoyennes:
“En 2006, le taux de taxation effectif du travail s’élevait à 43,8% alors
que le taux de taxation effectif du capital s’élevait à 38,8%. Cette
différence importante de taxation s’explique par le traitement très
favorable des revenus du capital: taxation forfaitaire minimale des loyers
privés, exonération fiscale des plus-values mobilières et immobilières,
précompte mobilier libératoire à 15%... De plus la progressivité de l’impôt
s’applique essentiellement aux revenus du travail. Il s’agit là d’injustices
criantes.”
Le dossier “Vive l’impôt
juste!” proposé par les Equipes Populaires dans la revue Contrastes montre
bien à quel point “l’imposition des revenus est injuste dans notre pays.
D’importantes sources de revenus sont peu, voire pas du tout taxées!”
Voilà pourquoi le Réseau
pour la Justice Fiscale (RJF) et son homologue néerlandophone le Financieel
Actie Netwerk (FAN) ont lancé une campagne de sensibilisation afin d’obtenir
que “l’ensemble des revenus du patrimoine financier contribuent à juste
titre au financement public”. Ils proposent pour cela la suppression du
secret bancaire fiscal, la création d’un cadastre des patrimoines financiers
et la création d’un impôt annuel sur la fortune de 2% sur les patrimoines de
plus d’un million d’euros, hors valeur de la résidence principale.
Christian Van Rompaey
Comment on ne prête qu’aux riches… |
On a parlé et on parlera encore
beaucoup des “intérêts notionnels”.
L’expression
semble obscure puisqu’un intérêt notionnel, c’est un intérêt qui
n’existe pas et qui, depuis 2007 (revenus de 2006) offre pourtant
aux sociétés une réduction d’impôt bien réelle, explique Marco Van
Hees. C’est pourtant plus simple qu’il n’y paraît.
Dans la
comptabilité d’une entreprise, on trouve des fonds propres. En gros,
cela comprend le capital (l’argent que les actionnaires fournissent
à la société) et les bénéfices accumulés par la société depuis
qu’elle existe, à l’exclusion de ce qui a été reversé aux
actionnaires (les dividendes).
Les intérêts
notionnels sont des intérêts fictifs, déductibles fiscalement,
calculés sur ces fonds propres. Pour l’exercice 2007, le
gouvernement a fixé à 3,422% le pourcentage des intérêts notionnels.
Exemple:
Une société qui
a des fonds propres pour 100 millions d’euros pourra donc déduire de
sa base imposable : 100 millions x 3,422% = 3,422 millions.
Admettons
qu’elle réalise un bénéfice de 5 millions d’euros. Elle ne sera pas
imposée sur ces 5 millions, mais sur 5-3,422 = 1,578 million.
Voilà donc ce
que sont les intérêts notionnels (ou “déduction pour capital à
risque”). Cela représente une grosse déduction pour les entreprises,
en tout cas pour celles qui disposent de fonds propres importants. |
En savoir plus |
Mieux comprendre la fiscalité en Belgique
et rendre l’impôt plus équitable
Vive
l’impôt…. A condition qu’il soit juste: c’est la thèse que
développe le dossier édité par la revue Contrastes (Equipes
Populaires) (20 pages).
Au départ de
questions que de nombreuses personnes se posent, le dossier apporte
un éclairage sur le système fiscal belge et sur les pistes
préconisées pour rendre l’impôt plus juste.
Au sommaire
►
A quoi
servent nos impôts? La Belgique est-elle réellement contaminée par
la “rage taxatoire”? Quel est le montant de la fraude fiscale en
Belgique? La Belgique est-elle un paradis fiscal? Que sont ces
fameux intérêts notionnels? Pourquoi tant de Français et Hollandais
viennent-ils s’installer en Belgique? Autant de questions simples
auxquelles des spécialistes tenteront de répondre… le plus
simplement possible.
►
La
seconde partie du dossier présente les propositions que le Réseau
pour la Justice Fiscale préconise pour rendre l’impôt plus équitable
: suppression du secret bancaire, impôt sur les grosses fortunes,
lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, réforme de l’impôt sur
les personnes physiques.
Un dossier à mettre entre toutes les mains, à une période où chacun
sera amené à remplir sa feuille d’impôts!
Ce numéro est
édité par les Equipes Populaires, avec le soutien de l’UNSP, du MOC,
de la FGTB et d’ATTAC.
Il s’inscrit
dans le cadre d’une campagne de sensibilisation sur la justice
fiscale organisée conjointement par le Réseau pour la Justice
fiscale (RJF) et Financiëel Actie Netwerk (FAN).
A commander aux
Equipes Populaires
- Rue de
Gembloux, 48 - 5002 St Servais (Namur) - Tél : 081/73.40.86 -
Fax : 081/74.28.33 - Courriel :
equipes.populaires@e-p.be
Prix:
1 euro
l’exemplaire (+ frais de port).
La facture sera jointe à votre commande. |
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