A suivre...
(6 octobre 2011)
Dans le contexte institutionnel, économique et social chahuté que
nous connaissons, les présidents du MOC (Mouvement ouvrier chrétien) et de
l’ACW (Algemeen christelijk werknemersverbond), Thierry Jacques et Patrick
Develtere, ont décidé de préparer ensemble leurs positions de rentrée. Si
les mouvements sont autonomes l’un de l’autre, ils défendent des positions
largement communes. Sur le terrain communautaire comme sur le terrain
européen.
Une alternative
à l’austérité
Les tensions communautaires que connaît la Belgique
ont conduit le MOC et l’ACW à multiplier les rencontres, les échanges.
Ceux-ci ont permis de constater les convergences de programmes, de messages.
Le leitmotiv commun, c’est la lutte contre les inégalités qui se développent
dans nos sociétés et les rendent inhumaines et “malheureuses”. Nous voulons
des sociétés où le bien-être des citoyens est central, où il est le moteur
du développement.
Réforme de l’État belge
Pour le MOC comme pour l’ACW, le maintien de la sécurité sociale et du droit
du travail au niveau fédéral est essentiel. Cette position est défendue tant
par les organisations fédérales qui constituent les deux mouvements(1) que
par nos organisations communautaires(2). En outre, une réforme de l'État est
opportune si elle rend plus efficace le fonctionnement de nos institutions
et améliore la qualité de la vie des citoyens. Pour nous, cette réforme doit
apporter plus de cohérence dans les politiques menées en Belgique. Et si les
entités fédérées doivent recevoir plus de responsabilités, il faut aussi une
concertation et une collaboration renforcées. L’enjeu de la réforme de
l’État est en définitive celui du mode d’organisation démocratique de l’État
belge et de ses Régions et Communautés. Il faut éviter à la fois le “tout au
marché” et le “tout à l’État”, et préserver un modèle politique où la
société civile, les organisations sociales et le tissu associatif jouent
pleinement leur rôle de démocratie participative et citoyenne.
Il y a lieu de maintenir une grande vigilance quant aux risques pour le
bien-être de l’ensemble des citoyens et en particulier des plus faibles. Et
nos craintes, à cet égard, sont vives. Qu’en sera-t-il d’une politique de
santé vraiment cohérente (englobant les aspects de prévention, de politique
sociale, de logement, d’accès aux soins…) si les responsabilités sont encore
plus éclatées qu’aujourd’hui? Et quel est le risque d’un dumping fiscal
“intra-belge” qui pourrait apparaître au niveau des entreprises et des
ménages les plus fortunés, entre les différentes entités du pays? Ce qui
conduirait à renforcer la pression concurrentielle alors que l’on voudrait
la diminuer sur le plan européen, à la faveur d’une harmonisation accrue.
Le contexte européen
Des investissements pour lutter contre les inégalités et veiller au
bien-être de l’ensemble des citoyens sont indispensables. Pour assurer la
qualité et la durabilité de nos sociétés, nous avons besoin
d'investissements sociaux dans le capital humain (la santé, l’éducation),
les fonctions collectives, les services publics, le non-marchand. Ils
demandent de mobiliser des moyens financiers importants. Or, l’évolution de
la situation en Europe est extrêmement préoccupante. L’austérité est
généralisée comme réponse à la crise. Pour faire face aux déficits publics,
l’Europe et ses États membres appliquent des recettes ultralibérales:
réduction des dépenses publiques, diminution de la protection sociale,
flexibilisation du marché du travail, affaiblissement des salaires, des
pensions, des allocations sociales, etc. Cela entraîne deux conséquences:
d’une part, la baisse du pouvoir d’achat, l’augmentation de la pauvreté et
l’accroissement des inégalités, ce qui provoque la révolte sociale; et
d’autre part, le ralentissement, voire l’arrêt de la relance économique. On
a affaire à une austérité suicidaire qui tue le développement économique et
mine la cohésion sociale. C’est une voie sans issue.
Des bases pour un autre modèle
Il s’agit de changer radicalement d’orientation. Pas de s’engager dans le
modèle allemand de dérégulation : il a augmenté le risque de pauvreté de
plus de 25% depuis 2005 et accru le nombre de travailleurs pauvres de 20%.
Pas, non plus, de s’engager dans des politiques d’austérité comme en
Irlande, en Italie, en Grèce…: elles appauvrissent le monde du travail et
minent les perspectives de relance. Ainsi, exiger de la Grèce un taux de
croissance de 2% après avoir privé sa population de plus de 10% de son
pouvoir d'achat est évidemment un non-sens!
Le MOC et l’ACW proposent un autre modèle de développement, basé sur quatre
principes fondamentaux:
►
Promouvoir la croissance de la qualité de la vie et de la société (ce qui ne
correspond pas forcément toujours au PIB).
►
Opérer le désendettement public, mais par une fiscalité juste et réellement
progressive.
►
Procéder à des investissements sociaux massifs (à financer par une fiscalité
verte), capables d'assurer la durabilité de nos sociétés en réduisant les
inégalités, en préparant le vieillissement de la population, en protégeant
la biodiversité, les ressources naturelles et le climat.
►
Passer à un projet mobilisateur de coopération européenne forte, comme le
réclame Jacques Delors. Par une véritable gouvernance économique, la mise en
œuvre d’euro-obligations, ainsi qu’une fiscalité européenne avec, notamment,
un impôt des sociétés européen et une taxation sur les transactions
financières.
Un tel projet de société nécessite un changement fondamental de “paradigme,
de mode de pensée. Comme le disait Albert Einstein, ‘on ne peut résoudre un
problème avec les modes de pensée qui l'ont engendré’. Loin de la fuite vers
le chacun-pour-soi, c’est un projet capable de rendre confiance et espoir
aux citoyens qu’il faut défendre, un projet qui, comme le disait joliment
Jean-Claude Guillebaud, permette de retrouver “le goût de l’avenir”.
// Thierry Jacques
Président du Moc
(1) La CSC, la Mutualité chrétienne et le groupe Arco.
(2) Les Équipes populaires, Vie féminine, la Joc et leurs
homologues néerlandophones Kav, KWB et Kaj.
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