Social
(1er octobre 2009)
Le secret
professionnel,
clé de voûte de la relation de confiance
A
l’heure où les vies privées s’étalent sur la toile et les vrais/faux secrets
se dévoilent sur nos petits écrans, des professionnels du social réaffirment
l’importance de respecter le secret professionnel et s’interrogent sur le
partage de ce secret dans leur travail en réseau.
“Serions-nous,
aujourd’hui, passés sans nous en rendre compte dans le règne de la
transparence totale, du “plus rien à cacher”, du “tout peut se dire” où
l’enjeu semble davantage de se mettre en scène (sur la toile, lors
d’émissions de téléréalité…) plutôt que de se protéger, de protéger l’autre
ou de protéger la relation qui nous unit à lui?», s’interroge d’emblée
Serge Jacquinet, Responsable du service social à l’Alliance nationale des
Mutualités chrétiennes(1). «Chaque jour qui passe
met au jour de nouveaux dérapages dans le règne de cette transparence
généralisée… En regard de cette intimité désormais quasi obligée de se
dévoiler, le règne du secret et de l’opacité semble par contre envahir la
vie politique qui pourtant devrait être transparente». Et de poursuivre:
«En tant que professionnels du social, nous voici pourtant porteurs d’un
autre message par rapport à cet environnement familier… Nous voulons
rappeler le sens et la portée du secret professionnel, les raisons qui nous
poussent à le défendre, à le justifier alors qu’il est trop souvent
malmené».
Une loi, des codes
de déontologie
Comme le rappelle avec
beaucoup de clarté, Didier Ketels, juriste et directeur de l’asbl “Droits
Quotidiens”, le secret professionnel est une des clés de voûte de la
relation que les citoyens peuvent construire avec un certain nombre de
professionnels: médecins, notaires, avocats, travailleurs sociaux,
psychologues, infirmiers, etc. à qui ils vont confier des pans entiers de
leur vie privée (2). S’il est en tout premier lieu
garanti par la loi pénale (3), le secret professionnel
fait essentiellement écho à des règles morales et éthiques érigées par
certaines professions (dont celle d’assistant social) qui l’ont ainsi
intégré dans leur code de déontologie.
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@ Valérie Spain/CORBIS |
Par ailleurs, pour
éviter toute équivoque, le législateur a expressément cité des
catégories de personnes tenues au secret professionnel. C’est le cas
notamment des acteurs de la protection et de l’aide à la jeunesse, des
membres du conseil du CPAS, des agents des postes, du personnel des
centres PMS, etc. A noter que les enseignants, les directions d’école,
les aides familiales, par exemple, ne sont pas tenus au secret
professionnel mais bien à un devoir de discrétion.
De quels secrets
s’agit-il? Le Code pénal précise qu’il s’agit des secrets confiés dans
l’exercice de la profession. Ce sont les confidences verbales mais aussi
tout ce qui a pu être vu, connu, appris, constaté ou même surpris dans
l’exercice de l’activité du confident… Un champ très vaste en somme.
Des exceptions
Le Code pénal énonce
deux exceptions au caractère absolu de la règle du secret professionnel.
Premièrement : le cas où le professionnel est appelé à témoigner devant un
juge. Relevons qu’il s’agit bien d’un juge et non d’un policier ni même du
procureur du Roi. En outre, même appelé à témoigner devant un juge, le
professionnel n’est nullement obligé de révéler ce qui est couvert par le
secret professionnel. La révélation ne sera faite que dans la stricte mesure
où elle est jugée utile. Prenons l’exemple d’une personne accusée d’un
délit, qui certifie être au moment des faits à la permanence du service
social de sa mutualité. Appelée comme témoin, l’assistante sociale pourra ou
non confirmer cette version des faits au juge.
Seconde exception: les
cas où la loi oblige ou permet expressément la révélation d’un secret. Telle
l’obligation faite aux fonctionnaires de dénoncer les actes délictueux
découverts dans le cadre de leur fonction ou encore la faculté, à certaines
conditions, de dénoncer des faits de nature à mettre un mineur en danger.
La non–assistance à
personne en danger permet aussi de lever un secret professionnel. Mais il
est important de bien soupeser les choses. Prenons l’exemple d’un
travailleur social qui, lors d’une visite à domicile chez une personne âgée,
apprend de sa bouche qu’elle est régulièrement maltraitée par son fils.
Cette personne lui demande de ne rien en dire parce que ce fils est la
dernière famille qui lui reste. Le travailleur social se demande s’il ne
doit pas dévoiler ce secret.
«Pour qu’un
intervenant puisse être poursuivi pour non-assistance à personne en danger,
trois conditions doivent être réunies», précise Didier Ketels. «Le
péril doit être grave, actuel et réel (un danger hypothétique ou présumé ne
suffit pas). L’intervenant n’a pas porté secours ou aide (une aide ne doit
pas nécessairement prendre la forme d’une dénonciation). Enfin, il y a
absence de danger sérieux pour l’intervenant (la loi n’exige pas
l’héroïsme)».
Ce qui précède éclaire
l’exemple que nous venons de citer. En l’occurrence, il n’y a visiblement
pas péril grave et la dénonciation n’est pas le seule manière d’offrir de
l’aide à cette personne. De plus, révéler la confidence revient à briser la
confiance, ce qui est grandement dommageable pour la relation future entre
l’intervenant et la dame.
Avec qui partager
le secret?
Un bon travail
professionnel au service de la personne ne peut se concevoir sans un minimum
de mise en commun d’informations. Au contraire, ne pas agir de cette manière
pourrait s’avérer préjudiciable. Le secret professionnel doit-il pour autant
être partagé? Avec qui? Pourquoi? Dans quelles circonstances? Et quelles
informations partager?
Dans une brochure très
pédagogique, le Conseil consultatif wallon de la personne handicapée a voulu
répondre à ces questions(4). En fait, la notion de
secret partagé ne s’appuie sur aucune base légale. Toutefois, un certain
nombre de conditions à ce partage peuvent être dégagées.
La première condition
est d’informer la personne concernée et d’obtenir son accord, ce qui n’est
pas toujours aisé. En toute hypothèse, le respect de la personne doit
toujours rester au centre des préoccupations de l’équipe.
La deuxième condition
est de ne partager des informations qu’avec d’autres personnes tenues au
secret professionnel et poursuivant la même mission. Ainsi, l’infirmière à
domicile n’a pas la même mission que l’assistant social du service social ou
le médecin-conseil de la mutualité.
La troisième condition
est de partager uniquement les informations strictement nécessaires ou
utiles à la bonne réalisation de la mission. La confiance que les
professionnels peuvent s’accorder mutuellement n’autorise pas de déroger à
cette condition.
Une réalité
de terrain complexe
Comme le souligne très
justement Jean-Michel Longneaux, philosophe, dans la brochure déjà citée, le
secret professionnel ne protège pas seulement les intérêts de l’individu
dont on a la charge mais aussi l’intérêt de la collectivité, le respect de
ce secret donnant à tous les autres usagers potentiels la garantie qu’en cas
de besoin, eux aussi pourront se confier à un intervenant afin de bénéficier
de la meilleure prise en charge possible.
Si les repères
théoriques en ce qui concerne le secret professionnel sont relativement
clairs, il faut bien reconnaître que la réalité du terrain est bien plus
complexe. Devant la multiplicité des enjeux en présence, on ne sait pas
toujours quelle solution choisir : lever le secret, se taire? Il est
important de toujours prendre du recul et le temps de la réflexion avant de
décider ou d’agir. Il faut aussi s’enlever de la tête que toute information
transmise dans l’intérêt de la personne est permise, souhaitée, voire même
indispensable. Dans tous les cas, plaide le philosophe, une réflexion
éthique collective permettra de dégager des repères clairs pour le travail,
qui aideront les intervenants à garantir au mieux les intérêts des usagers,
à les respecter, tout en se sentant eux-mêmes soutenus par les collègues et
par l’institution qui les emploie.
Joëlle
Delvaux
(1)
Les travailleurs sociaux des services sociaux de la MC ont entrepris une
large réflexion sur le secret professionnel. Une récente journée d’étude
leur a permis d’approfondir la question.
(2) Les Tribunaux estiment que sont aussi tenus au
secret professionnel les bénévoles, le personnel administratif et les
stagiaires qui gravitent autour des personnes tenues au secret
professionnel.
(3) Article 458 du Code pénal qui punit d’une peine de
prison et/ou d’amende celui qui, tenu au secret professionnel, le lèverait.
(4) «Le secret professionnel partagé – pistes de
réflexion pour une bonne pratique» – Brochure rédigée à l’initiative du
Conseil consultatif wallon de la personne handicapée et éditée par l’AWIPH.
Disponible gratuitement en téléphonant au centre de documentation de l’AWIPH
au 071/205 744 ou téléchargeable sur le site
www.awiph.be
Des garanties pour nos membres |
A
la
Mutualité chrétienne, tous les collaborateurs, quel que soit leur
fonction, sont tenus de signer, lors de leur engagement, un document
relatif à la protection des données personnelles et médicales des
membres. Ils s’engagent ainsi à respecter le secret professionnel et
à utiliser les données avec circonspection, uniquement pour les
besoins de leur travail(1).
En aucun cas,
ils ne peuvent prendre connaissance ni divulguer des dossiers
personnels à des fins privées. Ils sont tenus également de traiter
avec précaution les demandes d’informations de membres à propos de
leur dossier et de vérifier leur identité. En cas de non-respect des
directives sur la protection des données, le collaborateur est
passible de licenciement pour faute grave.
Diverses
procédures informatiques sont également prévues pour réglementer et
sécuriser l’accès des utilisateurs aux différents programmes,
réseaux et ordinateurs. Les systèmes informatiques sont aussi conçus
avec “traçabilité” pour précisément retrouver un éventuel employé
indélicat.
Par ailleurs,
lorsque la Mutualité chrétienne réalise des recherches et études
statistiques au départ du fichier de ses membres, les données sont
codées afin de n’être plus directement identifiables. Et lorsqu’elle
fait appel à des personnes pour apporter leur témoignage, leur
consentement éclairé est demandé et leur anonymat garanti.
Enfin, lorsque
la Mutualité chrétienne contacte ses membres de manière ciblée sur
base d’une extraction de données personnelles dans ses fichiers,
elle le fait avec le souci d’assurer un bon service et une
information de qualité: campagnes de dépistage ou de vaccination…
En aucun cas le
fichier des membres de la Mutualité chrétienne n’est vendu, prêté ou
accessible à des tiers(2).
JD
___________
(1) Conformément à la loi du 15 janvier 1990
relative à l’institution et à l’organisation d’une Banque-carrefour
de la sécurité sociale et à la loi du 8 décembre 1992 relative à la
protection de la vie privée à l’égard des traitements de données à
caractère personnel.
(2) Certaines données sociales personnelles
peuvent être transmises à des tiers dans le cadre strict de certains
projets spécifiques, moyennant une autorisation du Comité sectoriel
de la Banque-carrefour de la sécurité sociale. |
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