SOCIAL
(17 mai 2007)
La réadaptation professionnelle
pour un nouveau départ
Suite à un problème de santé très important, certaines personnes ne sont
plus capables de reprendre leur ancien travail ou d’exercer un métier de
leur catégorie professionnelle. Mais pour certaines d’entre elles, l’espoir
de retravailler ne doit pas être définitivement perdu pour autant. La
réadaptation professionnelle peut permettre aux personnes reconnues en
incapacité de travail de retrouver un métier compatible avec leur nouvel
état de santé.
Suite à un accident, Marc, 27 ans, éprouve aujourd’hui des problèmes de
mobilité. Il lui est très difficile de tenir sur une échelle, ce qui
représente un véritable handicap pour son métier d’électricien. Il y a cinq
ans, alors qu’il était en incapacité de travail depuis un certain temps,
Marc a confié à l’assistante sociale de sa mutualité ses inquiétudes quant à
son avenir. Celle-ci lui a alors suggéré de se réorienter
professionnellement et de réfléchir à ce qu’il aimerait faire comme autre
travail. Marc avait jadis commencé des études d’instituteur et les avait
abandonnées. Son choix s’est donc tout naturellement tourné vers cette
profession.
«Je suis à présent en dernière année à l’Ecole Normale, confie Marc. J’ai
recommencé ces études depuis le début! Au départ, c’était difficile car j’ai
sept ans de plus que les étudiants qui sont au cours avec moi. C’est aussi
compliqué psychologiquement car il faut sans cesse se remettre en question!
Heureusement, des personnes m’entourent: ma famille, l’assistante sociale
aussi qui nous aide beaucoup.»
Les avantages de la réadaptation professionnelle? Pour Marc, ils sont
évidents: «On peut recommencer sa vie et être entouré de gens, ce qui est
plus agréable que de rester seul chez soi. Enfin, c’est être accepté par des
écoles traditionnelles: je suis les cours et passe mes examens comme les
autres».
Marc est conscient qu’après la formation, il passera peut-être par une
courte période de chômage mais il est confiant. «Avant de commencer mes
études, je me suis renseigné sur les débouchés possibles. La demande
d’instituteurs est importante. De plus, d’autres portes restent ouvertes…»
En guise de conclusion, Marc précise: «Il vaut mieux se lancer dans la
réadaptation professionnelle que d’attendre que le temps passe et que les
choses s’arrangent peut-être. Evidemment, cela dépend de l’âge, de la
formation de base, de la pathologie et de beaucoup d’autres choses encore…
Mais si c’est possible, il faut foncer surtout si l’on sait ce que l’on veut
faire comme métier».
Un soutien matériel
et psychologique
Pour le travailleur qui ne peut plus exercer les professions de sa catégorie
professionnelle, en raison de problèmes de santé, la réadaptation
professionnelle constitue une réelle possibilité de réussir une réinsertion
professionnelle. Elle permet au travailleur en incapacité de travail
d’acquérir de nouvelles compétences professionnelles compatibles avec son
état de santé dans le but d'accéder à un autre métier qu'il pourra exercer
effectivement. Ce système permet à la personne de conserver ses indemnités
d’incapacité de travail pendant la durée de sa réadaptation et prévoit une
prise en charge financière des frais d’orientation et de formation par
l’INAMI(1). Ainsi, par exemple, grâce à ce système, un maçon qualifié
souffrant de lésions au dos pourra se recycler dans un métier qui
sollicitera nettement moins son dos!
Soyons clairs : la réadaptation professionnelle n’a pas pour objet d’offrir
une qualification supplémentaire à une personne qui pourra reprendre ou
retrouver, une fois sa maladie guérie, sa profession initiale ou un métier
similaire.
Elle se distingue aussi des activités de volontariat
(2) et n’a pas pour
objet des formations suivies dans le cadre du développement ou de
l’épanouissement personnel.
L’objectif de la réadaptation professionnelle est prioritairement la
réinsertion sur le marché de l’emploi (comme travailleur salarié ou comme
indépendant). Elle ne concerne malheureusement pas les personnes qui
souffrent de pathologies ou de handicaps tels que toute reprise de travail
est définitivement exclue (3).
Il n’y a pas de limite d’âge pour bénéficier d’une réadaptation
professionnelle, même si, en pratique, l’adaptation et l’investissement
nécessaires peuvent paraître trop importants pour une personne en fin de
carrière.
Comment cela
fonctionne-t-il?
Lorsque le travailleur est en incapacité de travail et ne pourra
vraisemblablement plus reprendre un travail dans sa catégorie
professionnelle, le médecin-conseil de sa mutualité évalue non seulement ses
capacités perdues mais aussi les capacités restantes pour voir si une
réadaptation professionnelle est opportune.
La proposition initiale peut venir de l’intéressé, de son médecin, du
médecin-conseil ou de l’assistant social du service social de la mutualité.
Quoi qu’il en soit, il est primordial que ce projet de réadaptation soit
bien réfléchi, mûri, et qu’une collaboration étroite s’installe entre tous
les partenaires pour mener à bien cette dynamique réadaptatrice.
Si une réadaptation est envisagée, le médecin-conseil établit un document de
synthèse où il consigne les données médicales concernant la personne. Le
service social de la mutualité y compile les informations relatives au passé
professionnel, aux perspectives d’améliorations que le projet offrirait sur
le plan financier, psychique ou familial, ainsi qu’au type de réadaptation
envisagé. Ainsi, on y précisera le lieu, la durée de la réadaptation, la
nature de celle-ci et les frais que cela représente. Enfin, il y est aussi
fait mention des facteurs favorables ou défavorables à la réussite du
projet. Cette partie du dossier se construit avec l’affilié. Le dossier
complet est ensuite introduit à l’INAMI.
Orientation professionnelle
Bien sûr, il peut arriver que le médecin-conseil ou l’assistant social ne
sache pas précisément quel type de réadaptation conseiller, laquelle est la
plus adaptée aux capacités de la personne. Il arrive aussi que celle-ci ne
puisse pas déterminer ce qu’elle veut réellement faire. Un bilan
d’orientation professionnelle réalisé par un organisme spécialisé et pris en
charge financièrement par l’INAMI lui sera alors proposé. Pendant un ou deux
jours, le candidat sera soumis à des tests et évaluations qui visent à faire
le tour des possibilités de réadaptation professionnelle les plus réalistes
et judicieuses qui s’offrent à lui, en fonction de ses aptitudes. Une fois
le choix établi, il sera consigné dans le document de synthèse.
Le dossier de réadaptation professionnelle comportera toujours une
appréciation du médecin-conseil et de la direction médicale de sa mutualité.
Il sera ensuite présenté au Collège des médecins-directeurs de l’INAMI
(4),
seul compétent pour accorder le remboursement des réadaptations
professionnelles qui peut couvrir minerval, frais d’inscription, frais de
déplacement et de séjour, achat de matériel indispensable à la formation…
Une fois le dossier accepté, le programme de réadaptation professionnelle
peut commencer. Pendant toute la durée de celui-ci et donc jusqu’à la fin de
la formation (c’est-à-dire jusqu’à sa réussite, …l’échec ou l’abandon du
projet), la personne continue à percevoir ses indemnités d’incapacité de
travail et les aides financières qui lui sont dues (5). Elle ne peut pas
être «remise au travail» par le médecin-conseil. Par contre, à la fin du
processus de réadaptation, le médecin-conseil tiendra compte des nouvelles
qualifications acquises et de son état de santé pour réévaluer l’incapacité
de travail du patient. Dans la majorité des cas, ayant acquis une
qualification menant à des métiers compatibles avec son état de santé,
celui-ci pourra réintégrer le marché de l’emploi…
(1) Il peut s’agir de formations spécifiques en centres de réadaptation
professionnelle agréés, de contrats spéciaux d’apprentissage, de formations
courtes validées par une attestation (comme par exemple un permis poids
lourd), de formations proposées par le FOREM ou Bruxelles Formations, de
cours de promotion sociale ou de toute autre formation jugée pertinente.
(2) Le concept de volontariat est défini dans le cadre de la loi sur le
volontariat du 3 juillet 2005.
(3) La loi parle de « lésions et troubles fonctionnels ». Art 100 paragraphe
1.
(4) Cette instance de décision réunit des médecins-conseils exerçant des
fonctions de direction au sein de chaque Union mutualiste du pays.
(5) Les revenus professionnels éventuels des stages sont pris en compte dans
le calcul des indemnités d’incapacité de travail contrairement aux
allocations et compléments de rémunération accordés par l'AWIPH dans le même
cadre.
Des conditions indispensables
|
La réadaptation professionnelle est particulièrement appropriée pour des
personnes atteintes de troubles musculo-squelettiques (dos, genoux…) mais
elle ne se limite pas à cette catégorie de travailleurs.
Il est important que dès le début de l’incapacité de travail, le
médecin-conseil évalue s’il est possible d’initier un processus de
réadaptation professionnelle. Celle-ci reste toujours un pari mais il est
important de ne pas laisser la personne tomber dans une spirale de fin de
carrière pour raison médicale s’il subsiste une chance de pouvoir l’en
sortir. Plus tôt la réadaptation est envisagée, plus elle a de chance
d’aboutir.
La motivation personnelle et le soutien des proches sont déterminants.
Reprendre le chemin des études à 35 ou 40 ans ou retourner sur les bancs de
l’école avec des jeunes n’est pas une démarche évidente, surtout si le
parcours scolaire a été jadis associé à des échecs.
Le soutien de la personne au terme de sa formation est tout aussi capital.
Il est essentiel de l’accompagner dans sa recherche d’un nouveau travail et
dans sa réinsertion. Plus facile à dire qu’à faire? “La réadaptation
professionnelle est un superbe outil mais le suivi laisse à désirer parce
que ce système reste marginal dans notre activité de travail social et qu’un
accompagnement social digne de ce nom représente un job en soi”, constate le
responsable d’un service social de la Mutualité chrétienne. “Il existe
pourtant des professionnels dans cette matière (en particulier au FOREM
–ndlr). Il serait sans doute utile d’harmoniser tout ce qui existe au niveau
de la recherche d’emploi et d’amplifier les contacts entre tous les acteurs
de la réinsertion”, plaide-t-il. |
Environ trois quarts des personnes qui entreprennent
une réadaptation professionnelle sont actives
au travail six mois après la fin de leur réadaptation.
De nombreux obstacles à la réadaptation
Par an, 150 à 200 personnes suivent une réadaptation professionnelle, ce qui
représente une faible proportion de travailleurs reconnus en incapacité de
travail. Mais de nombreux obstacles découragent ou rendent difficiles les
démarches visant à la réadaptation professionnelle.
Les formations ne sont pas toujours
en adéquation avec les exigences du marché de l'emploi
u Le démarrage de la réadaptation professionnelle doit pouvoir se faire de
façon rapide. Or, des longs délais entre la demande initiale et la décision
sur le fond prise par le Collège des médecins-directeurs de l’INAMI peuvent
décourager des assurés déjà fragilisés.
u L’offre de formations n’est pas toujours en adéquation avec les exigences
du marché de l’emploi. En principe, toutes les formations suivies devraient
être réellement qualifiantes et destinées à une réintégration effective sur
le marché du travail!
u Il existe trop peu de services d’accompagnement ou d’orientation et ceux
qui existent ne sont pas d’accès aisé pour les personnes bénéficiant
d’indemnités dans le cadre de l’Assurance maladie.
u A la fin de leur parcours de formation, beaucoup de personnes se sentent
démunies dans leur recherche d’emploi ou dans leur nouveau milieu de
travail. En cause notamment: le manque de coordination structurée entre les
différents services actifs dans le domaine (organismes de formation et de
placement, intervenants du secteur de l’assurance maladie invalidité,
médecins du travail, centres d’orientation et de réadaptation
professionnelle…).
u Trop peu d’emplois sont effectivement disponibles pour des personnes
présentant une réduction de capacité sur un marché de l’emploi hyper
concurrentiel. Par ailleurs, il n’existe pas assez de politiques spécifiques
d’incitants à l’embauche pour les personnes en incapacité de travail au sens
de l’AMI, et les politiques régionales existantes ne sont pas suffisantes en
la matière.
u Enfin, les personnes craignent de manière bien légitime de se retrouver
dans une situation financière moins bonne après la réadaptation qu’avant
alors qu’elles ont réalisé un effort pour se réinsérer professionnellement.
En effet, lorsqu’une réadaptation professionnelle s’achève, la personne
risque fort de ne plus être reconnue en incapacité de travail et de perdre
le droit à l’indemnité AMI, qu’elle trouve ou non du travail. Par ailleurs,
en cas de rechute après une reprise de travail, le calcul des indemnités de
maladie peut être défavorable par rapport à la situation antérieure.
Des pièges à l’emploi
L’Alliance nationale des mutualités chrétiennes a formulé des propositions
pour contrer ces “pièges à l’emploi”. On pourrait ainsi prévoir une période
de transition restreinte (six mois) pendant laquelle l’indemnité pourrait
être maintenue à la fin de la formation et envisager un complément aux
allocations de chômage, payé par l’assurance-indemnité en cas de chômage
total ou partiel. On pourrait également garantir un certain montant
d’indemnités pour les assurés en cas de rechute ultérieure en incapacité
après reprise du travail et adapter les règles du bénéfice de l’intervention
majorée pour maintenir ce droit dans certaines conditions et/ou pour une
certaine période…
L’ANMC suggère aussi de mener une politique d’incitants tant à l’égard des
assurés sociaux (en octroyant par exemple un supplément d’indemnité aux
personnes en réadaptation professionnelle) qu’à l’égard des employeurs (sous
formes de réductions de cotisations patronales par exemple) pour qu’ils
engagent des travailleurs à capacité réduite relevant spécifiquement de
l’AMI.
Durant cette législature, le ministre fédéral des Affaires sociales et de la
Santé, Rudy Demotte, s’est penché sur cette délicate question pour lever les
pièges à l’emploi dont sont victimes les personnes reconnues en incapacité
de travail en général. Mais les propositions concrètes qui étaient sur la
table n’ont pas abouti.
Des évaluations en cours |
Depuis longtemps déjà, on constate que le nombre de réadaptations
professionnelles est peu élevé. En 2002, cette situation a interpellé
l’INAMI qui a émis plusieurs hypothèses explicatives et décidé de mener un
projet pilote dans trois régions du pays – Liège, Malines et Eupen – pour
tester une série de mesures dont l’INAMI escomptait qu’elles répondent à
divers problèmes qui empêchent de réadapter davantage de personnes. Il
s’agissait notamment de simplifier la procédure en convenant que le Collège
suive toujours l’avis du médecin-conseil pour permettre à la personne de
commencer plus rapidement sa réadaptation.
L’évaluation de ce projet pilote (qui se poursuit toujours) est en cours à
l’INAMI. |
Améliorer le système
A la lecture de ce qui précède, on mesure bien que, pour être profitable au
plus grand nombre, la réadaptation professionnelle a besoin de davantage de
soutiens: celui des personnes elles-mêmes, parfois légitimement réticentes à
entrer dans le système tel qu’il existe aujourd’hui, celui des
médecins-conseils et assistants sociaux pour qui ce processus est lourd à
gérer et, enfin, celui des responsables politiques à qui il incombe
d’améliorer le dispositif des centres d’orientation et de réadaptation
professionnelle, de simplifier les circuits administratifs pour les
formations de courte durée, d’élargir les missions des médecins du travail,
de promouvoir des collaborations de terrain, et de lever les pièges à
l’emploi dont sont victimes les assurés sociaux qui font l’effort de
s’engager dans une réadaptation professionnelle…
Dossier réalisé par
Florence Coutellier
et Joëlle Delvaux
Témoignage
“Pas de réadaptation
sans soutien des professionnels”
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Lorsqu’il était enfant, Thierry, aujourd’hui âgé de 39 ans, a été victime
d’un accident de voiture. Jeune adulte, il a travaillé comme il a pu, en
fonction de l’état de sa jambe. Malheureusement, en 1987, un accident de
travail a aggravé son état de santé. Après six mois de prise en charge par
la mutuelle, Thierry a demandé une réadaptation professionnelle. A la
maison, il s’ennuyait, tournait en rond.
Le médecin-conseil et l’assistante sociale de sa mutualité l’ont alors
orienté vers un centre de réadaptation professionnelle bien précis. Après de
multiples tests, Thierry a choisi de suivre une formation d’un an et demi en
techniques informatiques. Comme il s’intéressait déjà beaucoup à l’outil PC,
il est rapidement devenu performant. Toutes ces nouvelles connaissances ont
permis à Thierry de décrocher des jobs intéressants. Aujourd’hui, de
nouveaux problèmes de santé l’ont forcé à se réorienter à nouveau: Thierry
est responsable de département dans une entreprise de travail adapté.
Les points positifs de la réadaptation?
“J’ai surtout apprécié l’encadrement
au centre. Le personnel était très compréhensif surtout envers ceux qui en
voulaient!” , explique-t-il.
Thierry témoigne aussi de la difficulté de gérer à la fois la douleur, la
distance par rapport à son domicile, les études… Malgré tout, si c’était à
refaire, Thierry le referait et dans le même domaine, soutenu de manière
inconditionnelle par son épouse !! Il conseille d’ailleurs à tous ceux qui
le peuvent et le veulent de se lancer dans la réadaptation. “Cela n’est
possible qu’avec le soutien des médecins-conseils, des médecins et des
assistants sociaux. J’ai la chance d’avoir été bien suivi et bien
conseillé…”, conclut-il.
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