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Social (6 mai 2010)

 

Les visages contrastés du temps partiel

Le travail à temps partiel est une réalité qui se conjugue le plus souvent au féminin. Est-il pour autant la solution idéale pour concilier vie professionnelle et vie familiale? Il peut, en tout cas, être source de précarité et synonyme de pièges. Notamment pour la pension à venir…

En vingt ans, le travail à temps partiel a explosé. En Belgique, au début des années 1980, il concernait moins de 10% des travailleurs. Aujourd’hui, près d'un salarié sur quatre travaille à temps partiel (1). Mais les différences sont grandes entre les hommes et les femmes: 43% des femmes salariées travaillent à temps partiel contre seulement 7,8% d’hommes (2). Le temps partiel concerne plus de 80% des femmes. Pourquoi une telle différence?

 

A prendre ou à laisser

© PhotoAlto/Reporters

Tout d'abord, la plupart des femmes travaillent dans des secteurs d'activités où le travail à temps partiel est devenu la norme et n’est généralement pas un choix. La grande distribution, les services collectifs, les soins aux personnes, l'industrie et le commerce du vêtement, le nettoyage de bureaux, l'horeca, le travail ménager… font partie de ces secteurs hautement féminisés, faisant généralement appel à des personnes peu qualifiées. “Le temps partiel répond d'abord aux exigences de flexibilité dans le secteur des services”, explique la sociologue Margareth Maruani, auteure notamment de “Travail et emploi des femmes” (Ed. La Découverte)”. Beaucoup de ces emplois se caractérisent par des horaires variables ou coupés, du travail de week-end, de soirée ou de nuit, des prestations flexibles... “On est bien loin de l'image du temps partiel choisi par les femmes pour s'occuper de leurs enfants”, observe Soizic Dubot, coordinatrice emploi à Vie féminine.

Dès le début des années 80, les pouvoirs publics ont encouragé l'emploi à temps partiel dans la perspective de réduire le chômage et de répondre aux besoins de flexibilité des entreprises. Dans le même temps, ils l'ont présenté aux mères de famille comme la solution idéale pour concilier travail et vie de famille.

Dès lors, les conditions d'ouverture et de maintien des droits à la sécurité sociale ont été progressivement assouplies (3). Par ailleurs, des incitants financiers ont été octroyés aux employeurs. Enfin, l'octroi d'une allocation de chômage partiel fut décidé (en 1982) pour stimuler les chômeurs à accepter un emploi à temps partiel (en restant demandeur d'emploi à temps plein).

En 30 ans, les droits au complément de chômage (appelé aujourd'hui allocation de garantie de revenus) n'ont cessé d'être rabotés au rythme des réformes successives, précarisant toujours plus les travailleuses.

En 2005, la dernière réforme a purement et simplement supprimé l'allocation de garantie de revenus pour les travailleurs prestant moins d'un tiers temps. Et la révision du mode de calcul de l'allocation, censée inciter les travailleurs à temps partiel à augmenter leur temps de travail, a entraîné une perte financière pouvant aller jusqu'à 200 euros par mois pour de nombreuses personnes, d'autres gagnant 2 euros en plus!

Aujourd'hui, à peine plus de 50.000 personnes perçoivent une “allocation de garantie de revenu”, ce qui ne représente qu'un très faible pourcentage des travailleurs à temps partiel avec maintien des droits (c'est-à-dire inscrits comme demandeurs d'emploi à temps plein). Un statut qui offre pourtant des avantages certains. Ainsi, en cas de licenciement, le travailleur est indemnisé par l'assurance chômage comme s'il avait travaillé à temps plein. Par ailleurs, la période de “chômage partiel” est prise en compte pour la pension. Cette assimilation est toutefois plus favorable pour le travailleur qui bénéficie d'une allocation de garantie de revenu que pour celui qui n'en touche pas.

 

Le boom du 4/5 temps

A côté de celles qui sont contraintes de travailler à temps partiel, toute une série de femmes choisissent de diminuer leur temps de travail ou optent pour un temps partiel, en particulier quand elles deviennent mères de famille. “Beaucoup de femmes nous disent être satisfaites de travailler à temps partiel, témoigne Marie-Hélène Ska, Secrétaire nationale de la CSC. L'épanouissement, les perspectives de carrière, les conditions de travail et la valorisation ne sont pas identiques partout… La pénibilité, les cadences, le stress au travail, l'allongement des temps de déplacement travail-domicile, les problèmes de garde d'enfants sont parfois tels que le travail n'est pas envisageable à temps plein”.

Quoi qu'il en soit, pour toutes celles qui entrent dans les conditions pour en bénéficier, le congé parental et le crédit-temps constituent les portes d'entrée du temps partiel les plus avantageuses en termes financiers et de droits sociaux. En effet, la travailleuse perçoit une indemnité de l'ONEm qui amortit la baisse de son salaire. Par ailleurs, la période pendant laquelle court le congé est, en grande partie, assimilée au travail pour le calcul de la pension future. Enfin, à l'issue du congé, la travailleuse peut retrouver son emploi comme auparavant.

Le recours au crédit-temps et aux autres aux congés thématiques ne fait que croître, le 4/5 et le mi-temps étant les formules les plus prisées à l'heure actuelle.

Par contre, les travailleuses qui optent pour un emploi à temps partiel de manière volontaire (notamment après avoir épuisé leurs droits à des congés thématiques dont la durée est limitée à maximum quelques années sur toute la carrière) se trouvent dans une situation qui offre de nettement moins bonnes garanties et perspectives: salaire réduit, pas de droit à une indemnité complémentaire dans le cadre de congés thématiques ni à un complément d'allocation de garantie de revenu (pour chômage involontaire). En cas de licenciement, l'allocation de chômage sera basée sur le salaire perdu. Quant à la pension, elle sera calculée en fonction des jours de travail et du salaire… ce qui peut la placer bien en dessous du minimum légal… en toute légalité, une carrière minimale de 30 années étant nécessaire pour y accéder; et cela, pas avant l'âge de 65 ans...

Dans ces conditions, les risques de précarité sont très élevés et le seront d'autant plus en cas de séparation du couple ou de perte d'emploi du conjoint.

 

Une méconnaissance des droits et risques

“Aujourd'hui, travailler à temps partiel n'a pas la même image ni le même sens selon qu'il est assorti, ou pas, de protection sociale, selon qu'il s'inscrit dans une trajectoire professionnelle continue ou discontinue, selon qu'il accompagne l'accès à l'emploi ou, au contraire, qu'il le freine”, assure Soizic Dubot. Elle poursuit: “Beaucoup de femmes méconnaissent leurs droits sociaux, ne se rendent pas compte des conditions à respecter pour les faire valoir ou ne mesurent pas les conséquences des voies qu'elles prennent à un moment de leur vie”. Et d'ajouter: “Bien entendu, quand on est jeune, on ne pense pas à ce que sera sa pension, comment évoluera sa carrière ou comment on s'assumera seule financièrement avec un petit salaire. Les femmes restent largement imprégnées par l'idée qu'un homme subviendra toujours bien à leurs besoins. Pourtant, les interpellations et témoignages que nous recevons à Vie Féminine nous incitent à mieux informer et sensibiliser les femmes sur toutes ces questions”(4).

“Mais informer ne suffit pas car, individuellement, les femmes n'ont pas beaucoup de marge de manœuvre, poursuit Soizic Dubot. Il faut que les pouvoirs publics prennent des mesures pour réduire les inégalités entre hommes et femmes. Dans tous les domaines”.

// Joëlle Delvaux

 

(1) La spécificité du travail à temps partiel est d'être d'une durée inférieure à la durée de travail maximale en vigueur dans l'entreprise.

(2) Le temps partiel des femmes est le plus élevé aux périodes où elles élèvent leurs enfants (entre 30 et 45 ans surtout). 4% des hommes sont à temps partiel durant cette période. Ils sont 12% à choisir le temps partiel entre 60 et 64 ans pour vivre plus calmement leur fin de carrière.

(3) Pour ouvrir les droits à la sécurité sociale, il faut travailler au minimum à tiers temps.

(4) Vie Féminine a mené une vaste campagne “Pensions y” (voir infos dans “Du côté des droits”).

 

Réduire le temps de travail pour tous

En Belgique, ces dernières années, la création d'emplois s'est massivement faite via le temps partiel, en particulier grâce aux titres-services dans le secteur du travail ménager. Or, le temps partiel est loin d'être une forme égalitaire de partage de l'emploi et de redistribution du temps entre les hommes et les femmes. Au travail, il reste un frein aux possibilités d'occuper un emploi avec des responsabilités et de progresser dans la carrière. Il est un piège quand il s'agit de faire le même boulot qu'à temps plein. Il prive aussi les travailleurs d'avantages ou de droits réservés aux temps pleins (avantages en nature, congé éducation payé…). Dans la famille, le travail à temps partiel des femmes renforce la répartition des rôles traditionnels.

D'autres choix sont possibles pour, en même temps, créer de l'emploi, partager équitablement le travail et améliorer la qualité de vie de tous. En France, n'en déplaise à ses détracteurs, le passage aux 35 heures a créé, entre 1997 et 2002, 1,8 million d’emplois. Et le travail à temps partiel y est proportionnellement faible en référence au temps plein de 35 heures.

Sur la base des données relatives au travail à temps partiel dans les pays développés, le Bureau international du travail a d'ailleurs constaté que la demande de travail à temps partiel est nettement moindre lorsque la durée normale du travail est relativement basse (1).

Les discours libéraux – “travailler plus pour gagner plus” - voudraient nous convaincre de ce que la réduction du temps de travail est devenue une impossibilité économique. Or, comme le dit Thierry Jacques, Président du MOC, la crise actuelle nous fournit une occasion unique pour remettre en question les paradigmes traditionnels (2). "Un emploi mieux partagé, un temps de travail mieux réparti, c’est aussi une meilleure qualité de vie, plus de temps pour la famille et l’éducation des enfants, pour les relations humaines et la participation citoyenne, pour la vie culturelle et les loisirs. Et c’est plus d’égalité dans les modes de vie et la répartition des rôles entre les hommes et les femmes. C’est donc à la fois le sens du travail qui doit être interrogé à la faveur du débat sur le temps de travail, mais aussi la place qu’on lui accorde parmi l’ensemble des éléments constitutifs de notre vie. "

(1) “Le travail à temps partiel: liberté ou piège” – Revue internationale du travail – volume 136 n°4 – 1997.

(2) “Sorties de crise : mieux répartir le travail pour sortir solidairement et durablement de la crise” - Thierry Jacques – Démocratie – 15 avril 2010. www.revue-democratie.be

 

Du côté des droits

> “Clés pour ... le travail à temps partiel”? Cette brochure du SPF Emploi expose toute la réglementation dans le secteur privé.

Rens.: 02/233.42.14. – www.emploi.belgique.be 

> “Travail à temps partiel, incidence sur la pension” Cette brochure (3 EUR) explique de manière technique le calcul de la pension dans les différentes formules de travail à temps partiel. Dans la même collection: “Le travail à temps partiel volontaire” (4 EUR) et “Le travail à temps partiel avec maintien des droits” (3 EUR).

Rens.: Solidarités Nouvelles Bruxelles 02/512.02.90. www.snbru.be 

> “Ta pension? En béton!”. Cette brochure éditée par Vie Féminine décortique l'influence de la carrière sur la pension.

Rens.: 02/227.13.00. – www.viefeminine.be .

> “Femmes et temps partiel”. Cette brochure éditée par les FPS répond aux images et idées reçues sur le temps partiel.

Rens.: 02/515.04.01. – www.femmesprevoyantes.be

 


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