Social
(3 septembre 2009)
Les
inégalités de santé se marquent
dès la petite enfance
Dans son nouveau rapport annuel, l’Office de la naissance et de l’enfance
(ONE) se penche sur les inégalités sociales de santé. Ces inégalités
s’accentuent et frappent les enfants dès leur plus jeune âge.
|
@ Jürgen Doom |
“Aujourd’hui,
la pauvreté a pris de nouveaux visages. Elle touche de plus en plus de
jeunes adultes, des enfants et leurs parents et elle ne se limite plus
aux personnes professionnellement inactives, elle concerne également des
travailleurs ayant des conditions de travail précaires», constate
d’emblée le rapport de l’ONE(1). Ainsi, en 2004, 17%
des familles avec des enfants de 0 à 15 ans vivent sous le seuil de
pauvreté. Les familles monoparentales sont les plus frappées: le risque
de pauvreté y est trois fois plus élevé. «Sont touchés également par
cette pauvreté, les enfants de familles nombreuses, les enfants de
parents immigrés ou appartenant à une minorité ethnique ou religieuse».
Si le constat de
l’augmentation de la pauvreté n’est pas neuf, ni même ses conséquences sur
la santé (2), le regard de l’ONE sur la petite enfance est
intéressant à plus d’un titre. Non seulement parce que ses données
recouvrent une bonne part de la population belge depuis près de 15 ans
(3) mais aussi parce que l’ONE travaille au plus proche des
jeunes familles.
«Pour les enfants,
vivre dans un milieu de pauvreté ou de précarité signifie connaître
l’exiguïté du logement, une alimentation peu adaptée, être confronté aux
difficultés de la vie quotidienne de ses parents, avoir peu d’occasions de
socialisation et très vite rencontrer des problèmes à l’école», analyse
le rapport. Dès son plus jeune âge donc, l’enfant issu de familles
socialement et économiquement défavorisées ne part pas avec les mêmes
chances… Excès pondéral, santé bucco-dentaire et langage sont les trois
points clés analysés par l’ONE chez les enfants de 9 mois à 2 ans et demi.
L’alimentation
Lorsqu’on observe les
données recueillies par l’ONE auprès d’enfants de 30 mois, on constate une
proportion plus importante d’enfants en surpoids parmi les familles
défavorisées (autour des 6%). «Il ne suffit pas de donner des conseils
alimentaires et d’hygiène de vie aux familles mais bien de leur donner
l’opportunité d’appliquer les mesures que nous recommandons», affirme
Marie-Christine Mauroy, médecin coordonnateur pour l’ONE.
Tenir un discours sur
la nécessité d’exercer des activités physiques n’a pas de sens s’il n’y a
aucun parc ou plaine de jeux où laisser courir son enfant. «A Saint-Josse
par exemple, où il y a la plus grande densité de population à Bruxelles et
la plus grande densité de naissance, il y aussi le moins d’espace vert par
habitant. Il faut interpeller les pouvoirs publics». Dans son champ
d’action, l’ONE veille à donner une alimentation saine aux enfants qui
fréquentent les milieux d’accueil. Mais que faire pour les enfants qui ne
les fréquentent pas ? Lors des consultations des nourrissons, les médecins
donnent des conseils diététiques aux parents… «Mais on ne peut pas mener
ces campagnes seuls», déclare encore le docteur Mauroy. Il faut créer
des synergies avec d’autres acteurs de terrain.
La santé
bucco-dentaire
On constate
aujourd’hui un net progrès dans ce domaine mais on trouve cependant deux à
trois fois plus de caries parmi les populations fragilisées. Amener les
parents à consulter régulièrement un dentiste avec leur enfant en leur
rappelant que ces soins sont gratuits (4), souligner
l’importance du brossage des dents dès qu’elles apparaissent, donner des
conseils lors des consultations du nourrissons du style “éviter les tétines
au miel ou les biberons de grenadine” sont autant d’actions que l’ONE entend
poursuivre.
Le langage
En analysant
l’acquisition du langage chez les enfants de 30 mois, l’ONE a pu constater
un plus grand nombre d’enfants présentant un retard de langage dans les
familles où le niveau d’étude des parents est plus faible mais aussi où le
revenu est moindre. La proportion peut aller du simple au double entre les
familles. Or, il est prouvé qu’un retard de langage présent en début de
scolarisation interfère sur le parcours scolaire ultérieur et la réussite à
l’école. «Parler à son enfant, raconter des histoires, réciter des
petites comptines, chanter avec son enfant... sont des activités
fondamentales qui facilitent l’acquisition du langage oral chez le jeune
enfant», précise encore le Docteur Mauroy. Ces activités sont
accessibles à tous à moindre coût mais ne sont pas légion. Questions
d’habitude, de peur, de méconnaissance…
Dans les milieux
d’accueil, l’introduction du chant avec des rythmes, les histoires, les
contes font partie du programme pédagogique. Autour des consultations du
nourrisson de l’ONE, des mamys conteuses bénévoles lisent des histoires aux
enfants. C’est en voyant faire ces mamys, que certains parents se lancent
dans l’aventure du récit et développent ainsi une plus grande interaction
avec leur tout-petit.
Petit à petit ces
initiatives font tache d’huile… L’ONE s’attache à offrir un service gratuit
qu’elle veut accessible sans stigmatisation. Une aide précieuse pour toutes
les familles.
Françoise Robert
(1) Le rapport “Banque de données médico-sociales – données
statistiques 2006-2007” peut être téléchargé sur le site de l’ONE:
www.one.be , rubrique “Publications”.
(2) Lire l’article d’En Marche “La pauvreté nuit à la
santé”, 2 octobre 2008, sur www.enmarche.be
et l’enquête menée par la Mutualité chrétienne “Inégalités sociales de
santé: observations à l’aide de données mutualistes” sur
www.mc.be (rubrique Infos et actualité
/MC-Informations n°233, septembre 2008.
(3) L’ONE détient des données des femmes enceintes suivies
lors des consultations gratuites qu’elle organise, mais aussi des données de
la naissance de l’enfant jusqu’à ses 30 mois.
(4) Les prestations de dentisterie (sauf orthodontie) sont
remboursées à 100% du tarif prévu par la convention pour les enfants jusqu’à
18 ans.
|