Social
(5 mars 2009)
Le boom
du chômage temporaire
Le
chômage temporaire pour raison économique sert d’amortisseurs aux
licenciements lorsqu’une entreprise doit faire face à un manque de travail
conjoncturel pour ses ouvriers. Le recours à ce système est en pleine
explosion depuis quelques mois. Ce qui n’est pas sans soulever des
questions. D’autant que le patronat demande de l’élargir aux employés.
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Belpress |
Dans
sa dernière estimation budgétaire, l’ONEM prévoit tout simplement un
doublement de l’enveloppe qui sera consacrée en 2009 au paiement des
allocations de chômage aux ouvriers mis en chômage temporaire. Plus de 811
millions d’euros alors qu’en temps “normal” le système coûte annuellement un
peu plus de 400 millions d’euros. Cette hausse s’explique en partie par
l’augmentation des allocations de chômage temporaire entrée en vigueur au 1er
janvier 2009 (voir encadré). Mais la crise économique que nous traversons
n’est pas étrangère à cette hausse. Le budget sera-t-il d’ailleurs
suffisant? Les chiffres du chômage temporaire ont explosé en quelques mois.
D’après les statistiques de l’ONEM, en novembre 2008, pas moins de 176.223
personnes ont été mises au chômage temporaire, au moins une journée. C’est
près de 50% de plus qu’un mois auparavant. Avec 42.608 chômeurs temporaires
par jour, cette moyenne était supérieure de 60% par rapport à novembre 2007,
ce qui annonce un changement de tendance inquiétant. Le chômage temporaire
est en effet un indicateur immédiat des variations conjoncturelles.
Si les données
statistiques ne sont pas encore disponibles pour janvier et février 2009, il
est clair que cette tendance se poursuit. De fait, en janvier, de nombreuses
entreprises ont prolongé les vacances de fin d’année par des périodes de
chômage économique. Les plus fortes augmentations ont été constatées dans
l’industrie de transformation (le secteur automobile en particulier), le
secteur transport et communication et, dans une moindre mesure, le secteur
des services. C’est surtout en Flandre que le chômage temporaire est le plus
important (2/3 des travailleurs en chômage temporaire dans le pays, en
décembre 2009).
Réservé aux ouvriers
Le chômage temporaire
pour motifs économiques n’est qu’une des formes de chômage temporaire (voir
ci-dessous) mais il en constitue la plus grande part. C’est l’employeur qui
évalue le manque de travail et décide de procéder au chômage temporaire
d’ouvriers. Soit le contrat de travail est suspendu, soit les prestations de
travail sont réduites. La loi prévoit des formalités précises à l’égard des
travailleurs et de l’ONEM ainsi que des délais maxima pour éviter les abus.
Ainsi, sauf dispositions spécifiques sectorielles, la suspension totale du
contrat de travail ne peut dépasser quatre semaines. Le travailleur doit
être alors remis au travail au moins une semaine.
Pendant toute la durée
du chômage temporaire, le travailleur perçoit une allocation de chômage à la
place de son salaire - ou en complément de celui-ci, amputé en cas de
prestations de travail réduites. Depuis le 1er janvier 2009, ces
allocations ont été revalorisées (voir encadré). Cette amélioration était
fortement attendue par les ouvriers en ces temps de pouvoir d’achat à la
baisse et de recours massif à cette mesure.
Gagnant-gagnant?
Le chômage temporaire
offre une flexibilité importante, ce qui constitue d’ailleurs un atout
indéniable pour notre pays vis-à-vis d’entreprises internationales. Ce
régime est intéressant pour les employeurs qui conservent ainsi un groupe de
travailleurs sous contrat, qu’ils peuvent rappeler sans devoir s’exposer à
des frais de recrutement, de sélection et de formation. Les employeurs ne
doivent plus fournir de prestations et, durant cette période, la sécurité
sociale (l’ONEM) paie les allocations de chômage. De son côté, le
travailleur n’est pas licencié. Cependant, il subit une perte salariale,
parfois partiellement compensée par une intervention complémentaire de
l’employeur.
Toute la question est de
savoir aujourd’hui si le chômage temporaire permettra d’éviter des
faillites, restructurations et licenciements ou ne fait que les retarder.
Cela dépendra évidemment de l’évolution de la situation économique. Déjà, en
2008, le nombre de faillites avec perte d’emplois a augmenté de 17% par
rapport à 2007. En janvier dernier, le nombre de chômeurs indemnisés a
augmenté de 41.106 “unités” pour atteindre un total de 427.359 chômeurs,
selon l’ONEM. Un signe évident de la crise.
Et pour
les employés?
Depuis plusieurs
semaines, les organisations patronales demandent que le régime du chômage
temporaire soit étendu aux employés. Le directeur de la FEB, Pieter
Timmermans, précise quand même: «dans certaines circonstances
exceptionnelles pour surmonter certaines périodes difficiles sans que le
chef d’entreprise doive licencier et perdre le savoir-faire de ses employés».
Pour le front commun
syndical, le patronat semble surtout vouloir profiter de la crise économique
pour faire passer rapidement un certain nombre de mesures exceptionnelles.
«Il n’est pas question d’extraire ce point du large débat sur
l’harmonisation (vers le haut) des statuts ouvrier et employé»,
précise-t-on à la CSC. C’était d’ailleurs ce qui avait été convenu entre
patrons et syndicats en marge du récent accord interprofessionnel. La
ministre fédérale de l’Emploi, Joëlle Milquet, a abondé dans ce sens,
annonçant dans le même temps la constitution d’un groupe de travail pour
analyser les différentes mesures à prendre pour protéger et relancer
l’emploi en cette période de crise.
Sur le fond, les
syndicats réfutent tout d’abord l’idée répandue que lorsque les ouvriers
sont en chômage temporaire, les employés sont payés à ne rien faire. C’est
faux dans de nombreux cas: les services commerciaux, l’administration, les
départements recherche et développement ne sont pas paralysés parce que la
production est à l’arrêt.
Plus fondamentalement,
l’extension du système de chômage économique aurait deux conséquences
importantes. D’une part, une augmentation directe du coût des allocations de
chômage (sans qu’on puisse vraiment la chiffrer), ce qui implique un
financement important. La deuxième conséquence est la perte importante de
revenus pour les travailleurs concernés puisqu’il n’existe actuellement
aucun cadre conventionnel prévoyant une compensation pour les employés.
Pour les syndicats, il
serait tout simplement scandaleux de faire peser toutes les charges sur les
épaules de la collectivité et des travailleurs, les entreprises
externalisant purement et simplement leurs coûts sociaux.
D’autres voies possibles
La généralisation du
chômage économique est-elle vraiment la seule solution pour faire face aux
menaces de restructurations et de licenciements qui pèsent sur les employés?
La Centrale Nationale des Employés (CNE- CSC) avance d’autres pistes de
réflexions (1). Pourquoi pas des accords négociés de
réduction du temps de travail durant une période temporaire? En Flandre, un
système de prime se pratique déjà en ce sens dans les entreprises en
difficulté ou en restructuration. La généralisation de ce système et le
relèvement des montants pourraient rendre le système plus attrayant. Une
autre piste pourrait être trouvée du côté du crédit-temps à accorder sur
base d’un nouveau critère de difficultés économiques, avec indemnité
complémentaire. Enfin, pourquoi ne pas utiliser davantage le Congé-
éducation ou d’autres formes de crédit-formation lors des moments
improductifs? Les propositions sont lancées. Aux interlocuteurs sociaux d’en
débattre. Un débat qui s’annonce long et difficile…
Joëlle Delvaux
(1) Bulletin des militants – CNE – février 2009.
Pas que des causes économiques |
Un travailleur
peut être mis en chômage temporaire en cas de manque de travail
résultant de motifs économiques, en cas d’intempéries et en cas
d’accident technique. Ces trois situations ne sont valables que pour
les ouvriers.
La grève, la
force majeure et la fermeture temporaire de l’entreprise pour
cause de vacances annuelles sont d’autres motifs de recours au
chômage temporaire, valables pour les ouvriers comme pour les
employés.
Le droit aux
allocations de chômage temporaire est automatique, contrairement au
chômage complet. Les travailleurs ne doivent pas avoir presté
préalablement un certain nombre de journées de travail. Pendant la
période de suspension du travail, le chômeur temporaire doit
compléter des formulaires de contrôle et rester en Belgique. |
Des améliorations sensibles pour les chômeurs
temporaires |
Dans le cadre de
l’accord interprofessionnel 2009-2010, patrons et syndicats ont
décidé d’augmenter sensiblement les allocations de chômage pour les
chômeurs temporaires (1).
Depuis le 1er
janvier 2009, chaque chômeur temporaire reçoit au moins 10% de plus
qu’avant: les chefs de ménage et les isolés voient leur allocation
passer de 65% à 75% du salaire et les cohabitants de 60% à 70% du
salaire. Par ailleurs, le plafond salarial est passé de 1.906,46
euros bruts à 2.206,46 euros bruts.
Ces deux mesures
permettent de porter l’allocation maximum pour les chefs de ménage
et les isolés à 1.654 euros bruts par mois, soit une augmentation de
415 euros (+33,5%). L’allocation maximum pour les cohabitants passe
à 1.544 euros bruts, soit une augmentation de 400 euros (+35%).
Par ailleurs, le
gouvernement fédéral s’était engagé à trouver une solution pour
permettre aux travailleurs intérimaires et temporaires de bénéficier
aussi des avantages du chômage temporaire. Dans les faits, la
ministre de l’Emploi a envoyé une circulaire à l’ONEM lui demandant
de prendre dorénavant en compte les travailleurs intérimaires lors
de l’octroi d’allocations de chômage temporaire, dans des conditions
précises (trois mois d’ancienneté dans l’entreprise et chômage
temporaire des travailleurs fixes). Une solution cohérente et
durable aurait été, dans la législation, d’étendre le chômage
temporaire aux travailleurs intérimaires en y définissant des
conditions d’application.
(1) AR du 11 janvier 2009 -MB du 21 janvier 2009. |
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