Social
(2 septembre 2010)
Les dangers d'une scission
La
communautarisation des allocations familiales est sur la table des
négociations pour la formation du gouvernement fédéral. Un dossier essentiel
dont les conséquences pourraient être très dommageables.
Il y a un an, en juillet 2009, le gouvernement flamand nouvellement
constitué annonçait son intention de mettre sur pied une allocation
familiale complémentaire flamande,
jusqu'à 500 euros pour le premier enfant, après 2011, une fois
que la Flandre aurait retrouvé des marges budgétaires. Bart De Wever,
Président de la N-VA, disait alors qu'il aurait préféré la scission
pure et simple des allocations familiales entre le Nord et le Sud du
pays mais se félicitait d'une mesure allant dans la bonne direction…
La Flandre appliquait de la sorte la doctrine dite Maddens, du nom
d'un professeur de la KUL, qui préconise l'utilisation maximale des
compétences flamandes pour accroître l'autonomie de la Flandre.
Aujourd'hui, dans le
cadre des négociations politiques pré-gouvernementales sur la réforme de
l'Etat et les transferts de compétences, le CD&V et la N-VA reviennent en
force avec leur revendication de communautariser les allocations familiales,
estimant que cette matière qui concerne les personnes doit, dans un souci de
cohérence, relever de la compétence des Communautés. Le fait que les
allocations familiales se fondent sur le droit de l’enfant et ne doivent
plus dépendre du statut des parents est également un argument utilisé pour
sortir cette branche de la sécurité sociale.
Dangereux sur le principe
Les allocations
familiales relèvent de la sécurité sociale, sont financées en grande partie
par les cotisations sociales et gérées par les interlocuteurs sociaux. Les
partis francophones, de manière unanime, se sont toujours opposés à toute
scission de la sécurité sociale, ciment de la solidarité interpersonnelle
entre les Belges. Comme le souligne de son côté Claude Rolin, Secrétaire
général de la CSC, transférer les allocations familiales vers les entités
fédérées, c'est détricoter la sécurité sociale et la solidarité
interpersonnelle. C'est aussi faire davantage dépendre les allocations des
courants politiques variables... selon le degré de priorité accordé à la
politique familiale par les partis au pouvoir. La CSC a l'impression que la
seule chose qui compte, pour les partis flamands, est de déplacer le centre
de gravité politique de l'Etat fédéral vers les Communautés et/ou les
Régions, peu importe si la manière de fonctionner actuellement est
satisfaisante ou non.
Impraticable concrètement
Le transfert des
allocations familiales vers les entités fédérées est-il réaliste?
Apporterait-il une plus-value? Pour les syndicats notamment, la réponse est
clairement négative. Que du contraire, ce transfert rendrait les choses
nettement plus complexes pour les gens. “La structure familiale n’est
plus aussi figée qu’avant et des enfants d’une même fratrie pourraient être
soumis à des régimes différents selon leur domicile”, assure Claude
Rolin sur le blog d'été de la CSC(1). Même son de cloche à
la Ligue des familles qui juge inacceptable que demain, l'on fasse une
différence entre un enfant du Nord et un enfant du Sud du pays(2).
Par ailleurs, elle
souligne qu'en cas de communautarisation, la situation à Bruxelles risque
d'être particulièrement critique, les Bruxellois étant obligés alors
d'opérer un choix entre l'un ou l'autre Communauté. “La Flandre, en
offrant des allocations de naissance et familiales plus élevées, pourrait
ainsi vouloir acheter les Bruxellois et singulièrement, les Bruxellois
d'origine étrangère, ce qui est profondément malsain”, avançait Denis
Lambert, directeur de la Ligue des familles, au micro de Bertrand Henne sur
La Première (RTBF), le 23 août dernier.
Dans le cadre de
négociations communautaires particulièrement ardues et dans une logique de
compromis à la belge, les partis francophones troqueront-ils, en cette
matière, la communautarisation contre la régionalisation pour éviter cet
écueil? Encore faudrait-il que la clé de répartition budgétaire soit
satisfaisante pour permettre aux Régions wallonne et bruxelloise de mener
une véritable politique d'accompagnement à la parentalité.
“Si
c’est le raisonnement suivi, il faut cependant rester logique: l’ensemble du
système d'allocations familiales ne devra plus être financé par le travail,
les employeurs, observe Claude Rolin. Ce seront les pouvoirs publics qui
devront trouver d’autres sources de financement, ce qui est beaucoup plus
compliqué qu'on ne le pense”.
En définitive, qu'il
s'agisse d'une communautarisation ou d'une régionalisation, la scission des
allocations familiales donnerait un sérieux coup de canif dans notre système
de sécurité sociale et de solidarité. Un précédent dangereux dont on ne
mesure sans doute pas toutes les conséquences…
// JD
(1) Voir
www.blogdetedelacsc.blogspot.com/
(2) La Ligue des familles a réalisé une analyse approfondie
du secteur des allocations familiales, et élaboré des propositions
d'améliorations. “Le droit individuel de chaque enfant à des allocations
familiales” est consultable sur le site
www.citoyenparent.be (rubrique
analyses et études). Rens.: Ligue des familles: 02/507.72.11.
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