Recherche :

Loading

La rédaction

Notre histoire

Newsletter

Nous contacter

Une erreur dans votre adresse postale ?
Signalez-le

Actualité

Culture

International

Mutualité Service

Santé

Société

Nos partenaires

Visitez le site de la Mutualité chrétienne

Social (19 octobre 2007)

 

 

Les accidents du travail : une fatalité ?

 

En août 2004, la catastrophe de Ghislenghien a coûté la vie à 23 personnes et fait de nombreux blessés. Il y a deux ans, l’explosion à la cokerie de Cockerill Sambre à Ougrée se soldait par 2 morts et 27 blessés. Ces accidents spectaculaires et médiatisés rappellent les risques encourus chaque jour par les travailleurs. Car chez nous, si le nombre global d’accidents du travail diminue, celui entraînant une incapacité permanente ne cesse d’augmenter. La prévention reste la meilleure arme pour renverser la vapeur.

 

Alors qu’il rangeait des palettes, Michel, 43 ans, a fait une chute de 9 m en marchant sur une plaque de frigolite qui, laissée là depuis des lustres, avait fini par devenir brune et ressembler à une planche en bois. Cette chute lui a laissé des séquelles physiques et psychologiques importantes. Louise, 49 ans, est en incapacité permanente depuis qu’elle a trébuché en sortant de l’ascenseur alors que celui-ci ne s’est pas arrêté au niveau du sol. Il y aussi le cas malheureux de Jean-Michel, décédé en tombant dans un silo de ciment après que la corde de son harnais ait cédé. Et le cas du jeune Manuel Esposito, qui n’avait pas encore 18 ans, mort écrasé sous une armoire de 600 kg alors qu’il effectuait un stage dans le cadre d’une formation en alternance.

Ces accidents, qu’ils soient médiatisés ou anonymes bouleversent la vie des victimes et de leurs proches. Si au travail comme dans tous les lieux de vie, le risque zéro n’existe pas, la prévention sur le lieu du travail peut néanmoins éviter de nombreux drames. La législation sur le bien-être au travail impose à chaque employeur de respecter une série de mesures de prévention en matière de sécurité et d’hygiène. “Les entreprises doivent dépister les sources de risques d’accidents, les analyser, les évaluer. Les directions doivent prendre les mesures pour éliminer ou limiter le plus possible les dommages potentiels, explique Stéphane Lepoutre du Service entreprise de la CSC. Certaines entreprises mettent un point d’honneur à faire appliquer les règles de prévention. D’autres non. “75% des cas d’accidents du travail surviennent dans les PME de moins de 50 personnes qui n’ont pas l’obligation d’avoir un Comité pour la Prévention et la Protection au Travail (CPPT), confie Olivier Duvivier, permanent syndical à la CSC de Charleroi. Ce comité, composé de représentants élus dans le cadre des élections sociales et de représentants de la direction a une compétence d’avis et de concertation sur tout ce qui est sécurité et hygiène. Cette structure permet par exemple dans un atelier, de faire connaître assez rapidement des problèmes de sécurité liés à une nouvelle machine. Le comité est un gage d’une meilleure sécurité pour les travailleurs. Une grande revendication de la CSC est d’ailleurs de munir les PME d’un CPPT.

A défaut d’avoir un CPPT, ce sont parfois les travailleurs qui dénoncent eux-mêmes les situations dangereuses à l’inspection du travail (1). Des inspecteurs se rendent alors sur place pour constater, conseiller les entreprises et les obliger à prendre des mesures de prévention. Mais il y a bien trop de peu d’inspecteurs. Actuellement, chaque inspecteur a en charge quelque 12.000 entreprises à contrôler par an ! Il est par conséquent illusoire de compter sur eux pour faire respecter la législation.

 

Un phénomène sous estimé

Un accident du travail est, par définition, “tout accident qui survient à un travailleur dans le cours et par le fait de l’exécution d’un contrat de louage de travail et qui produit une lésion ”. En 2002, en Belgique et hors accidents survenus sur le chemin du travail (2), on dénombrait 200 314 accidents déclarés, dont 121 mortels et 11 710 avec présomption de lésions permanentes.

Globalement, l’examen des statistiques pour ces 15 dernières années fait apparaître une diminution du nombre total d’accidents du travail mais également une augmentation du nombre d’accidents graves. “Des chiffres difficiles à interpréter, commente Paul Palsterman, juriste à la CSC (3). Le nombre global d’accidents suit essentiellement l’évolution de l’emploi : plus il y a d’emplois, plus il y a d’accidents, et inversement ! En fait, comme le risque d’accident est par ailleurs aggravé lorsqu’on est nouveau dans l’entreprise, les périodes de reprise de l’emploi sont généralement des périodes où les accidents augmentent. Quant à la gravité des accidents, elle dépend plus du hasard que d’autre chose : des accidents bénins sont parfois plus significatifs que des accidents graves, du point de vue de la sécurité. Les accidents graves concernent principalement deux catégories d’accidents: les chutes, notamment dans la construction au sens large, et les accidents de la route. Il faut rappeler que les accidents de la route ne concernent pas seulement les accidents sur le chemin du travail. Ils impliquent aussi les camionneurs, les livreurs de pizza qui se faufilent dans la circulation, les chauffeurs de taxi, les coursiers qui doivent souvent s’arrêter en double file et prennent des risques, les ouvriers en chemin entre l’entreprise et un chantier… ”

Tous les employeurs sont obligés d’être assurés pour les accidents du travail (voir texte ce-dessous). Les statistiques sont par conséquent faites à partir des déclarations d’accidents à l’assureur.

A côté des accidents déclarés, il y a ceux qui ne le sont pas. Un phénomène difficilement chiffrable. Pour Paul Palsterman, qui s’appuie sur une étude réalisée par le Fonds des Accidents du Travail (FAT), quatre causes peuvent être identifiées pour ne pas déclarer un accident : “D’abord la non assurance liée au travail au noir, encore que les sanctions soient dissuasives : beaucoup d’employeurs qui n’hésitent pas à frauder le fisc ou la sécurité sociale y regardent à deux fois avant de ne pas assurer leurs travailleurs ; la non assurance concerne plus le domaine des femmes de ménage qui travaillent pour des particuliers, ou des situations de ce genre. Par ailleurs, certaines très grandes entreprises ont leur propre service médical. Quand par exemple, un soudeur reçoit un petit éclat dans l‘œil, il va à l’infirmerie. L’accident n’est déclaré à la compagnie d’assurances que s’il y a une complication. Les pratiques de ce genre ne posent pas de problème majeur. L’autre catégorie concerne des pratiques de non déclaration pour rosir les statistiques de l’entreprise, afin d’obtenir des meilleures primes ou certaines certifications. Personnellement, je ne crois pas que ces pratiques concernent des accidents graves. Par contre, pour les petits accidents, il arrive que l’employeur fasse pression pour ne pas déclarer, voire donne de l’argent en noir au travailleur pour qu’il se soigne sans faire de déclaration. Les travailleurs précaires, notamment dans les petites entreprises sous-traitantes, dans le travail intérimaire, etc..., risquent évidemment davantage d’être victimes de ce genre de pratiques. Et enfin, il y a le problème des accidents à la marge de la définition légale. Lorsqu’une infirmière se fait un lumbago en aidant un patient à se lever, lorsqu’on est victime d’un infarctus sur le lieu du travail, si on se tord la cheville sur le parking de l’entreprise, il n’est pas évident que ces faits soient reconnus par la compagnie d’assurance ; il se peut que, dans certaines entreprises, l’employeur fasse pression pour éviter d’“ennuyer” l’assureur avec de telles affaires”.

 

Inégaux devant l’accident

Si personne n’est à l’abri d’un accident, on constate toutefois qu’ils ne touchent pas tous les travailleurs de manière égale. Les risques varient considérablement en fonction de l’âge, de l’ancienneté, du statut, du type de contrat et bien entendu en fonction du secteur. Les secteurs de la pêche, de la sylviculture, de l’extraction des minéraux, de l’industrie du bois et de la construction apparaissent comme plus dangereux. Les moins dangereux étant les secteurs de l’informatique, de l’assurance et l’intermédiation financière.

 

“On observe principalement trois grandes sources d’inégalités, explique Paul Palsterman. Les accidents du travail surviennent davantage aux ouvriers, aux personnes ayant peu d’ancienneté et à ceux qui travaillent dans les petites entreprises”.

En effet, les ouvriers courent 8,5 fois plus de risques d’être victimes d’un accident du travail que les employés. Un constat qui peut s’expliquer par la nature des tâches à effectuer (manipulations physiques, contacts avec le machines ou avec des produits dangereux…)

Parmi les jeunes, on constate que les plus jeunes (moins de 20 ans), encourent cinq fois plus de risques que les plus âgés et ceux âgés de 20 à 29 ans, deux fois plus de risques que les plus âgés.

Les jeunes font également partie des travailleurs les moins expérimentés. Or, près d’un accident sur 3 se produit durant la 1ère année de travail. Et 60% des accidents se déroulent durant les 5 premières années de travail. Il est clairement établi que plus l’ancienneté dans l’entreprise est importante, plus le risque d’être victime d’un accident du travail diminue.

 

Intérimaires et sous-traitants plus exposés

Autre catégorie durement exposée, celle des intérimaires qui risquent deux fois plus d’avoir un accident que les travailleurs ordinaires. Si le jeune âge fréquent et une faible expérience expliquent en partie ce constat, il faut également mettre en avant les conditions de travail. Les intérimaires sont régulièrement appelés sur des chantiers ou dans des entreprises dont ils ne connaissent pas bien l’organisation, les procédures de travail, les mesures de sécurité et les risques encourus. Or, comme le fait remarquer Stéphane Lepoutre, “on observe davantage de risque d’accident lorsque le travail est réparti entre diverses équipes qui dépendent de plusieurs autorités. Gérer plusieurs équipes, coordonner le travail en veillant à ce que tout le monde connaisse les règles de sécurité et les applique peut s’avérer complexe et source de cafouillages.

“Le travail intérimaire cumule deux caractéristiques associées au risque d’accident, poursuit Paul Palsterman, il s’agit par définition de contrats précaires, et les travailleurs se trouvent avec un pied dans l’entreprise utilisatrice (responsable entre autres des règles de sécurité) et un pied dans l’entreprise de travail intérimaire (qui est l’employeur). L’existence de ce statut juridique particulier permet de donner une visibilité statistique à ce phénomène. Mais il faut reconnaître que ce qui crée le risque, ce n’est pas le travail intérimaire en tant que tel, c’est le manque d’ancienneté et le fait de n’être pas pleinement intégré à l’entreprise où se trouve le risque. Ces caractéristiques se retrouvent ailleurs que dans le travail intérimaire : dans les contrats précaires en général, et dans la sous-traitance.”

Les intérimaires mais plus encore les sous-traitants sont aussi ceux envoyés pour effectuer des travaux reconnus comme risqués que les salariés de l’entreprise ne veulent plus effectuer.

C’est connu qu’il y a des sous-traitances pour externaliser les risques.

“A titre d’exemple, l’accident de Cockerill impliquait des ouvriers des sous-traitants, ajoute le juriste de la CSC. Ce sont eux qui vont dans les tuyaux pour les nettoyer. Les entreprises les utilisent pour externaliser les risques. Travailler pour un sous-traitant est pire que d’être intérimaire car ce dernier ne peut pas travailler dans n’importe quelles conditions, il a le même salaire que celui appliqué dans l’entreprise, et c’est l’entreprise utilisatrice qui est responsable des règles de sécurité. Les ouvriers sous traitants relèvent uniquement de l’entreprise de sous-traitance au niveau des salaires, de la sécurité et de l’hygiène. Depuis peu, une responsabilité en cascade a été mise à charge du maître d’œuvre principal du sous-traitant mais cette responsabilité est indirecte. ”

Suite à l’explosion à Cockerill, Laurette Onkelinx, alors ministre de l’Emploi, a mis en place un système de déclaration des accidents graves, qui se retrouve aussi dans le projet PhARAon (Plan fédéral d’Action pour la Réduction des Accidents du travail) de Kathleen Van Brempt, jusqu’il y a peu secrétaire d’Etat à l’Organistaion du travail et au Bien-être au travail. Ce plan vise notamment renforcer la capacité d’inspection sur les lieux du travail, à récompenser financièrement les entreprises œuvrant en faveur de la prévention ou encore en améliorant les procédures d’enquête sur les accidents graves. Pour la CSC, ce plan, bien qu’il aille dans le bon sens est jugé insuffisant et ce, principalement en raison du manque de moyens alloués à l’engagement d’inspecteurs du travail. Mais aussi parce que ce plan se focalise sur les enquêtes qui surviennent suite à des accidents graves. Selon Paul Palsterman “Le fait qu’un accident survienne n’est pas une fatalité car il y a une marge pour le maîtriser par des mesures de prévention. Par contre, la gravité de l’accident est une fatalité. Par conséquent, s’attaquer aux accidents grave revient à tirer sur la fatalité sans s’attaquer aux causes du problème.”

La négligence des règles de prévention, une coordination de chantiers mal gérée, une mauvaise information sur les consignes de sécurité ou encore une distribution du travail mal adaptée aux jeunes travailleurs inexpérimentés sont autant de facteurs de risques. Si une petite part de fatalité est à imputer aux accidents, une grande part des responsabilités revient à chacun. Aux employeurs qui restent responsables des conditions de travail, aux travailleurs qui parfois négligent de respecter les règles et les équipements de sécurité parce qu’ils sont sources d’inconfort et de pénibilité mais aussi au marché du travail qui génère de grandes inégalités entre les travailleurs, poussant de nombreux jeunes et moins jeunes à faire leur job dans la précarité et l’insécurité.

Sylvie Bourguignon

 

 

(1) Les services chargés de la surveillance de la sécurité et de la santé au travail sont l’inspection technique et l’inspection médicale du SPF Emploi, travail et participation sociale.

Le Fonds des Accidents du Travail a également une mission de contrôle, orientée surtout sur la réparation des accidents survenus. Adresse : rue du Trône 100 à 1050 Bruxelles. 02-506 84 11.  Fax : 02-506 84 14 - E-mail : inspect@faofat.fgov.be - Site : www.socialsecurity.fgov.be/faofat

(2) Les accidents sur le chemin du travail qui concernent les accidents qui survenus entre le domicile et le lieu de travail.

(3) En cas d’accidents du travail, la CSC assiste ses membres dans leurs contacts avec les compagnies d’assurances. Renseignez-vous auprès du service juridique de votre fédération régionale.

 

Pour en savoir plus :  Le Guide de la législation sociale 2004. Pour l’obtenir : mentionner votre nom et adresse et verser 3,5 EUR (pour les affiliés CSC, les étudiants et les enseignants) ou 11,5 EUR pour les autres au 799-5500603-26 avec la communication : “ guide de législation sociale+votre numéro d’affiliation ”.  Le Guide est également en vente dans les bonnes librairies sous le label des éditions Luc Pire.

 

Réfléchir ensemble

 

La CSC de Charleroi a mis sur pied le groupe “Accidents du travail”, composé d’accidentés. Leurs objectifs : formuler des revendications et s’informer.

Le groupe a d’ailleurs publié la brochure Accident du travail ? Premiers conseils aux victimes et aux familles d’accidentés du travail. Bien que renseignant les numéros utiles de la région de Charleroi, les informations contenues dans ce dépliant sont valables pour tous les travailleurs des autres régions. Il décrit concrètement les démarches à suivre lors d’un accident du travail.

SB

 

Info sur le groupe : Olivier Duvivier : 071- 230 999 - La brochure : les personnes de la région de Charleroi peuvent se la procurer dans les bureaux de la CSC et de la Mutualité chrétienne. Pour les autres, il suffit d’envoyer une enveloppe timbrée avec leur coordonnées à : Olivier Duvivier, CSC, rue Prunieau 5 à 6000 Charleroi.

 

Quand l’accident survient, qui paye ?

Tout employeur du secteur privé (1) est tenu de s’assurer en matière d’accidents du travail auprès d’un assureur autorisé.

En cas d’accident, le travailleur peut s’adresser directement à l’assureur pour obtenir les indemnités. Un organisme public, le Fonds des Accidents du Travail (FAT), vérifie que l’assureur gère le dossier conformément à la loi. C’est également le FAT qui paie les indemnités si l’employeur n’est pas assuré

 

Quels sont les frais couverts en cas d’accident du travail ?

Les soins de santé nécessités par l’accident.

Contrairement à la mutuelle, l’assureur n’appliquera pas de “ticket modérateur”. Mais attention : en ce qui concerne les prestations remboursées par la mutuelle, il se limitera au tarif officiel de l’INAMI. Si votre médecin n’est pas conventionné ou si vous êtes hospitalisé, à votre propre demande, en chambre individuelle, vous risquez donc d’avoir des suppléments à votre charge.

L’intervention de l’assureur n’est cependant pas limitée aux prestations remboursées par la mutuelle. Par exemple, les prestations d’orthopédie et les prothèses sont remboursées beaucoup plus largement que par la mutuelle.

Pour compléter votre information à ce sujet, vous pouvez prendre contact avec le Fonds des Accidents du Travail.

 

L’incapacité de travail :

indemnité pour perte de salaire en cas d’ “incapacité temporaire de travail”, c’est-à-dire d’interruption du travail jusqu’à la guérison ou à la stabilisation des séquelles (“consolidation”;

indemnité pour perte de capacité de travail en cas d’incapacité permanente après la consolidation.

 

En cas de décès :

prise en charge des frais de transport de la dépouille;

indemnité pour frais funéraires;

rente à la veuve (ou au veuf), aux enfants, parfois à d’autres membres de la famille.

 

(1) Des réglementations particulières s’appliquent aux agents du secteur public ainsi qu’aux travailleurs ALE et aux stagiaires en formation professionnelle. Pour plus d’informations, vous pouvez contacter votre syndicat.

 

Réagir à cet article

Retour à l'index

"Social"

haut de page