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Social : Aide et soin à domicile (21 octobre 2010)

 

L’appel des femmes-orchestres

Face aux évolutions de la société, le métier d’aide familiale devient de plus en plus complexe. Clamant leur besoin de reconnaissance, les “femmes aux trente mains” proposent des pistes concrètes pour rendre leur travail au domicile des familles et des personnes plus agréable, plus humain et efficace.

Elles  ne sont ni infirmières, ni psychologues, ni femmes de ménage, ni cuisinières, ni repasseuses, ni livreuses. Mais elles portent un peu toutes ces casquettes, selon les moments de leur intervention et les personnes à qui elles viennent en aide. La plupart d’entre nous sommes susceptibles de faire appel un jour à leurs services, pour nous-mêmes ou pour nos proches. Il suffit  en effet d’un coup dur, grave ou passager, pour ne plus pouvoir se passer de l’accompagnement des aides familiales.

Rien qu’en Wallonie, ces “Rémi Bricka” au féminin prestent chaque jour 16.000 heures dans les foyers les plus variés : souvent démunis ou modestes mais, parfois, plus aisés. Pour préparer un repas, accompagner  les enfants sur le chemin de l’école, aider à remplir des formulaires administratifs, combler un isolement, donner un coup de main à l’entretien du logis ou à la toilette d’une personne accidentée, malade ou très âgée, etc.

© Serge Dehaes

Aujourd’hui, les aides familiales ont le blues. Une affaire de salaire insuffisant? A 1.200 ou 1.300 euros nets par mois en début de carrière, la revendication salariale aurait sans doute une bonne part de légitimité. Et pourtant, ce n’est pas la principale doléance de ces 10.000 femmes (les hommes sont rarissimes dans ce secteur) actives à temps plein ou à temps partiel en Wallonie, auxquelles s’ajoutent les 800 aides familiales bruxelloises. Réunies à Wépion, il y a peu(1), les aides familiales ont décliné sur tous les tons leur besoin essentiel : la reconnaissance. Celle des autres professionnels de l’aide sociale, comme celle de leurs “clients”, les bénéficiaires. Les uns comme les autres croient trop souvent que le travail des aides familiales se limite à assurer l’entretien domestique de l’habitation.  Erreur. “Que ce soit dans les écoles d’assistants sociaux ou d’infirmières, dont une bonne partie des futurs diplômés se rendra pourtant au domicile des gens, on ne parle pas de nous”, s’exclamait une des participantes aux ateliers de Wépion. “Même dans les conseils de l’aide sociale des CPAS, on ne nous connaît pas”.

 

Des publics très variés

Bien sûr, l’entretien ménager fait partie des tâches des aides familiales. “Mais le maniement de la serpillière, toujours limité dans le temps, n’est qu’une porte d’entrée chez le bénéficiaire, précise Séverine Lebegge, directrice du secteur d’aide à la vie journalière à la Fédération de l’aide et des soins à domicile (FASD). Cette mission ménagère, nullement dévalorisante au demeurant, permet d’entrer  dans une relation plus approfondie et d’être à l’écoute des besoins plus variés et plus subtils”. Or, il y en a, des besoins ! Chez toutes ces professionnelles, les témoignages convergent : en dix ou vingt ans, leur public cible a considérablement évolué, en parfait reflet de la réalité socio-économique ambiante. “Nous travaillons de plus en plus chez des personnes endettées, dépressives, dépassées par les contraintes de la vie”, explique Béatrice Otten, aide familiale depuis onze ans. Heureusement qu’il y a les réunions d’équipe pour nous regonfler le moral!”.

Les tendances au maintien à domicile des personnes âgées ou au retour rapide à la maison après une hospitalisation entraînent également l’exigence de nouvelles compétences chez les aides familiales. Toutes ces évolutions font qu’elles sont de plus en plus appelées à collaborer avec les services de médiation, l’ONE, les CPAS, etc. “Au fil de nos passages chez les bénéficiaires, nous sommes parfois les travailleurs sociaux qui connaissons le mieux les familles, leur histoire et leur intimité, explique une aide familiale. Et pourtant, tous ces services ne nous invitent que rarement aux réunions interdisciplinaires. Nous aurions tellement de choses à y apporter….”

Autre évolution notable : l’aide s’adresse à un public davantage précarisé, multiculturel, sujet à des troubles psychiatriques ou, tout simplement, qui n’est pas directement demandeur d’une aide familiale, par exemple dans le cadre de l’aide à la jeunesse. Dans les cas extrêmes, des aides familiales (AF) se sentent en insécurité, craignant l’hostilité voire l’agressivité des bénéficiaires. Résultat : outre la nécessité d’une formation initiale de plus en plus solide, les besoins d’accompagnement, de supervision et de tutorat par des AF plus expérimentées sont de plus en plus criants. “Autrefois, avec des gens de conditions modestes mais sans problèmes lourds d’endettement ni de factures d’énergie, on faisait son travail avec bon cœur et bon sens, résume Eliane Rorive, aide-familiale depuis quarante ans. Aujourd’hui, nous sommes devenues des professionnelles du social à part entière. Le travail d’équipe et la formation continue sont devenus indispensables”.

 

Renforcer le lien avec l’école

Face à ces difficultés, le secteur peine ici et là à trouver des candidates pour ce travail. Il est vrai que, dans les zones rurales, l’exigence de posséder son propre véhicule, voire un GPS, freine certaines candidatures. Au Forem ou dans les écoles professionnelles, on identifie une autre embûche. Vivant elles-mêmes dans la précarité, certaines aides familiales diplômées (ou des puéricultrices, des aspirantes en nursing… qui postulent à cette fonction) rechignent à travailler avec un public qu’elles connaissent déjà dans leur vie privée. D’autres, d’origine étrangère, sont confrontées aux portes claquées au nez : “Pas de Noire chez moi !”.

A l’inverse, explique-t-on dans les écoles de formation à la profession, il existe des services où les jeunes stagiaires sont utilisées comme de la main d’œuvre bon marché, abandonnées à elles-mêmes (parfois très jeunes) et à leur sentiment de découragement ou de solitude. “C’est précisément à ce stade-là, au début de leur carrière, explique une enseignante, que les jeunes aides familiales devraient pouvoir se reposer sur un sentiment d’appartenance à une équipe et comprendre qu’elles peuvent dépasser le ‘stade de la serpillière’”. De quoi désamorcer le roulement de personnel dans les services d’aide à domicile. Ou sa fuite vers les maisons de repos, où le travail en équipe soulage et rassure.

Enfin, dernière difficulté: les services d’aides familiales doivent faire face à la concurrence d’une partie du secteur des titres services qui, dans une logique lucrative, propose des services d’aides ménagères. A un prix bradé, celles-ci fournissent des tâches normalement dévolues aux aides familiales, sans être formées à ce travail.

Pour arriver à vivre les bons côtés du métier (lire l’encadré ci-dessous), sans doute faut-il avoir une certaine constance dans celui-ci. Passer certains caps. Etre bien entourée, voire “coachée” par des professionnelles aguerries. “Tous les services n’ont pas la chance, comme le nôtre, de bénéficier de la supervision d’une psychologue ou de formations à l’écoute”, déplore Anita Gancwajch, directrice des Services d’aide et de soins à domicile du CPAS de Charleroi.

Le colloque de Wépion a accouché de plusieurs idées fortes pour casser l’image réductrice du métier. De la plus pragmatique (présenter celui-ci, via un DVD, dans toutes les écoles de travailleurs sociaux en Communauté française) à la plus décoiffante (tourner une série TV de style “Dr House”). Avis aux réalisateurs…

// Philippe Lamotte

(1) Le colloque était organisé par l’Asbl “Association des services d’aide aux familles et aux personnes âgées de la Région wallonne” (Assaf).

 

Les cadeaux de la profession

Les témoignages touchants ne manquent pas pour souligner les bons côtés du métier. La force de caractère, la bonté d’âme, le bon sens débordant, le souci de bien faire et l’empathie ont émaillé quantité d’interventions d’aides familiales venues pour définir ce qui pouvait être amélioré dans leur profession.  “Le soir, je suis épuisée. Mais tellement fière d’avoir permis à des gens de rester vivre à domicile!”

Une autre, plus jeune : “Au début, j’angoissais à l’idée de l’accueil que j’allais recevoir chez les gens. Très vite j’ai compris que j’étais attendue avec impatience, qu’on attendait mon réconfort. Il n’y a pas métier à visage plus humain que celui-là”.

Une autre encore raconte ce que cette profession lui offre en retour de son épuisement: “Je pense souvent à cette dame en soins palliatifs chez elle, prête à se laisser mourir, mais qui, après deux heures passées avec moi, m’a raccompagnée sur le pas de la porte en chantonnant. Ou à ces gens de 45 ans qui m’abordent aujourd’hui dans la rue et me rappellent, les yeux émus, que je passais chez eux aider leurs parents vingt ans plus tôt”.

 

Un métier à nourrir

Sources de réconfort physique et moral, se vivant comme “le cœur et les oreilles des autres”, les aides familiales sont gagnées par un sentiment d’amertume. Leurs carrières sont trop planes. Les plus expérimentées, qui prennent parfois en tutorat des collègues plus jeunes, ne sont pas assez valorisées. Pour ces dernières, les possibilités de s’ouvrir en toute confiance à une personne extérieure au service (“ai-je bien agi avec tel bénéficiaire?”) sont rares. Certains services, déjà débordés, sont assaillis de demandes de stage, etc.

Voilà pourquoi, sans doute, fut accueillie avec maints applaudissements, à Wépion, la réflexion du collaborateur d’un ministre. Celui-ci estimait que, loin des actes reproductifs qu’on demande trop souvent dans les filières d’enseignement technique et professionnel, ce qui est réclamé aux aides familiales se résume en trois mots : autonomie, adaptabilité et créativité. Soit exactement ce qu’on demande aujourd’hui dans les masters universitaires… Et de conclure : “Parlez ainsi aux jeunes de votre job ! Vous verrez alors les clichés s’envoler …”

 


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