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Social  (18 décembre 2014)

La sécurité sociale a 70 ans

Le 28 décembre 1944, alors que la Seconde Guerre mondiale continuait à faire ses ravages dans les Ardennes, le gouvernement belge promulguait une loi instaurant la sécurité sociale. Ce texte légal donnait vie au Pacte social négocié clandestinement sous l'occupation par des représentants patronaux et syndicaux, soucieux d'organiser "le progrès social et économique" dès le retour à la paix. 70 ans se sont écoulés depuis ce moment clé de notre histoire sociale. Regards dans le rétroviseur et réflexions sur les défis pour demain avec le Mouvement ouvrier chrétien (MOC), par la voix de son président, Christian Kunsch.

Un chef d'œuvre en péril

Christian Kunsch, président du MOC
En Marche : Si vous deviez retenir une grande avancée qu'a connue la sécurité sociale en 70 ans, quelle serait-elle ?

Christian Kunsch : En 1944, la loi instaurant la sécurité sociale concernait uniquement les travailleurs salariés. Mais elle était le point de départ d'une volonté collective d'accroître le "bien-être matériel et moral" de toute la population. L’avancée, c’est son élargissement. Ainsi, progressivement, dans un con texte de croissance économique, le système a intégré de nouvelles catégories de personnes : les fonctionnaires, les personnes handicapées, les indépendants, les jeunes sortant des études… L'idéal d'universalisation s'est concrétisé particulièrement dans deux branches : les prestations familiales et les soins de santé. Aujourd'hui, en effet, les allocations familiales sont un droit pour tous les enfants. Et quasi toute la population est couverte en soins de santé. Tout n'est pas rose pour autant. Le coût des soins de santé – par exemple – reste trop élevé pour beaucoup de ménages à bas revenus.

EM: Une des fonctions de la sécurité sociale est aussi de prévoir un revenu de remplacement (pension, allocation de chômage, indemnité d'incapacité de travail), lorsque le citoyen fait face à une perte de salaire. Sur ce terrain, comment cela a-t-il évolué ?

Ch.K : En ce qui concerne les revenus de remplacement, on a assisté à une amélioration de la couverture sociale des salariés, grosso modo jusqu'à la fin des années 70. La crise économique déclenchée par les des deux chocs pétroliers de 1973 et 1979 a modifié la donne. Dès lors, des mesures d'économies ont été prises pour réduire les dépenses, en particulier dans le secteur du chômage mais pas uniquement. Cela s'est traduit par des entailles profondes et successives dans des droits sociaux importants.

EM : Pouvez-vous donner des exemples ?

Ch.K : On peut situer le moment de rupture au début des années 80, lorsque le gouvernement Martens-Gol a introduit le statut de cohabitant dans l'assurance chômage et l'incapacité de travail. Il a aussi réduit le montant des allocations pour cette catégorie de bénéficiaires, constituée très majoritairement de femmes. C'est aussi de cette époque que date le remplacement des allocations de chômage, pour les jeunes, par des allocations d’attente bien inférieures. À partir de 1984, des mesures d'exclusion du chômage de longue durée ont été prises à l'encontre des cohabitants, ce qui a touché ici aussi surtout les femmes. Idem pour les restrictions sur les allocations de chômage à temps partiel.

Dans le secteur des pensions, la réforme adoptée en 1996 – avec l'abandon de la revalorisation des salaires dans le calcul de la pension et l'augmentation de l’âge de la pension des femmes de 60 à 65 ans – a eu (et continue d'avoir) de lourds impacts négatifs pour les pensionnés du régime des salariés. Et tout particulièrement pour ceux – majoritairement celles – qui ne bénéficient pas d'une carrière complète.

EM : Si l'on remonte moins loin dans le temps, quelles évolutions récentes en matière de sécurité sociale aimeriez-vous souligner ?

Ch.K : En premier lieu, les allocations sociales et les pensions n’ont pas suivi l’évolution des salaires et du coût de la vie. Certes, ces dernières années, les minima ont été revalorisés de façon prioritaire. Mais nombre d'entre eux restent en deçà du seuil de pauvreté et ne prennent pas en considération la situation des travailleurs à temps partiel. Un temps, la sécurité sociale a permis de réduire les inégalités sociales dans la société, via les revenus de remplacement et de complément qu'elle redistribue pour faire face aux risques sociaux. Elle a joué un rôle d'amortisseur dans les crises économiques, accompagnant les politiques d'emploi et atténuant l'impact social des restructurations.

Ce qui est inquiétant, c'est que, depuis plusieurs années, elle est l'objet de mesures d'économies. Celles-ci s'accompagnent d'une stigmatisation des allocataires sociaux et plus particulièrement des chômeurs. Au début des années 2000, l'OCDE pointait du doigt les systèmes sociaux qui "se contentaient" d'indemniser les gens de manière passive, sans guère se préoccuper de leur réinsertion sociale et professionnelle. C'est à ce concept d'État social actif qu'on doit les programmes d'activation des chômeurs et de remise à l'emploi, mis sur pied il y a une dizaine d'années déjà. Sous le gouvernement précédent, on est passé à la vitesse supérieure avec des réformes qui ont pour effet de réduire plus vite les allocations de chômage pour toutes les catégories de chômeurs et de gonfler le volume d'exclusions. Les mesures concoctées par le nouveau gouvernement n'augurent rien de meilleur, que du contraire.

En réduisant les droits aux allocations sociales, nous glissons lentement mais sûrement d’un système d’assurance vers le système résiduaire d’assistance avec enquête sur les revenus, ce qui entaille fortement les droits des assurés, et tout particulièrement ceux qui vivent en cohabitation.

EM : La 6e réforme de l'État a défédéralisé une branche entière de la sécurité sociale (allocations familiales) et éclaté sérieusement celle des soins de santé. Quelle est votre analyse ?

Ch.K : Le transfert aux Régions s'est négocié dans un contexte d'assainissement budgétaire important. Ainsi, les montants transférés (des recettes fiscales et non des cotisations sociales) sont déjà amputés. Par ailleurs, les clés de répartition et d'évolution sont défavorables à la Wallonie et à la Région bruxelloise par rapport à la Flandre, ce qui réduit la solidarité. Les premiers grands défis seront donc de maintenir la couverture telle qu'elle existait, d'assurer un service efficace et de pérenniser le modèle de gestion paritaire, comme s'y sont engagés les quatre grands partis francophones (NDLR: gestion par les représentants des employeurs et les syndicats et, pour les soins de santé, par les professionnels de santé et les mutualités). Limiter la complexité du système pour les bénéficiaires et offrir des couvertures et modalités d’octroi équivalentes entre la Wallonie et Bruxelles, avec un financement adéquat, constituent d'autres grands défis.

EM : La sécurité sociale a-t-elle encore bonne presse auprès de la population ?

Ch.K : Pour la défendre, il est essentiel que la population soit consciente des mécanismes de solidarité qui sous-tendent la sécurité sociale. "Je cotise de manière solidaire et non en fonction de mes besoins", comme ceci prévaut dans le secteur privé commercial. Nous devons donc renforcer la visibilité des mécanismes de solidarité(1). La sécurité sociale contribue au maintien du pouvoir d’achat d’une partie importante de la population, et donc au maintien d’un niveau de consommation dont profitent l'économie et les entreprises. Il ne faut pas l'oublier.

EM: Êtes-vous optimiste pour l'avenir ?

Ch.K : Pas vraiment. S’il est nécessaire de réduire la dette publique - ce qui doit contribuer à financer le coût du vieillissement, nous craignons que l’ampleur des restrictions budgétaires déprime la consommation et les investissements et soit contreproductive pour les finances publiques. Par ailleurs, nous constatons que ce gouvernement fédéral semble peu préoccupé de maintenir, voire de renforcer le financement de la sécurité sociale pour répondre aux besoins sociaux croissants, liés notamment à l’augmentation du nombre de personnes âgées et à l’insuffisance des revenus de remplacement. Les réductions de cotisations sociales que le gouvernement veut accorder aux entreprises ne sont nullement compensées ni conditionnées à la création d'emplois. Par contre, l'option prise est de couper dans les dépenses de chômage, de pension et de santé.

EM : Existe-t-il des alternatives ?

Ch.K : Notre conviction profonde est qu'il faut renforcer la protection sociale et ainsi répondre aux nombreux besoins, démographiques notamment (petite enfance, grande dépendance…). Prenons un exemple dans le secteur des soins de santé pour illustrer la manière dont cela devrait se faire. La loi sur les mutualités les oblige à offrir à leurs membres des avantages et servi ces complémentaires. Ceux-ci sont décidés par les représentants des membres au sein des assemblées mutualistes et redonnent tout leur sens à la solidarité. Il ne s'agit pas de remplacer ou d'affaiblir l'assurance soins de santé et indemnités obligatoire. Que du contraire. L'objectif est que ces avantages puissent à l'avenir y être intégrés. Cela s'est déjà produit, par exemple, dans le domaine du transport urgent. Ceci devrait inspirer des changements dans les politiques de pensions. Les pouvoirs publics se privent d'énormes moyens financiers en promouvant, à grand renfort de déductions fiscales, la constitution d'épargne pension (3e pilier). Ils seraient plus inspirés d'utiliser ces marges financières au renforcement du 1er pilier pour revaloriser les pensions légales de tous.

EM: Que propose le MOC pour relever les défis ?

Ch.K : Pour le MOC et ses organisations constitutives, une réforme fiscale juste s'impose afin de consolider l'édifice de solidarité sociale et, plus largement, de permettre un fonctionnement efficace des services publics et associatifs. Il est indécent que les revenus qui augmentent le plus, c'est-à-dire ceux du capital - et en particulier les bénéfices des grandes sociétés et des gros patrimoines financiers et immobiliers - ne contribuent pas du tout ou si peu à la collectivité. Tant qu'on ne déverrouillera pas le débat sur la fiscalité, on ira vers une régression sociale.

//ENTRETIEN : JOËLLE DELVAUX

(1) La protection sociale sera le thème de la prochaine Semaine sociale du MOC (en avril 2015).

 Il y a 70 ans… 

© Carhop
Reposant sur la solidarité nationale, le système de sécurité sociale, né de l'arrêté-loi du 28 décembre 1944, est loin d'être une création abrupte et totalement nouvelle. Il reprend de nombreux éléments du passé comme le régime des pensions et celui des allocations familiales. Des innovations importantes sont toutefois apportées :

  • l'assurance maladie-invalidité et l'assurance chômage deviennent obligatoires pour tous les travailleurs salariés ;

  • l'Office national de sécurité sociale (ONSS) est créé pour centraliser la perception des cotisations sociales et répartir les fonds entre les différentes branches d'assurances sociales ;

  • la gestion de la sécurité sociale est confiée paritairement aux organisations syndicales et patronales.

Trois régimes

> Les travailleurs salariés

Les salariés sont assurés pour sept branches de la sécurité sociale, chacune étant gérée par une institution parastatale.

  • Allocations de chômage : Office national de l’emploi (Onem) • Le paiement des prestations s'effectue par les syndicats et la Capac (caisse auxiliaire).

  • Pensions : Office national des pensions (ONP) - Soins de santé et indemnités : toutes deux gérées par l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (Inami) • Les mutualités assurent le paiement des indemnités et le remboursement des soins de santé à leurs membres (la Caami joue le rôle de caisse auxiliaire).

  • Accidents du travail : Fonds des accidents du travail (FAT)

  • Maladies professionnelles : Fonds des maladies professionnelles (FMP)

  • Vacances annuelles (pour les ouvriers) : Office national des vacances annuelles (ONVA).

Quant aux prestations familiales, elles ont officiellement quitté le giron de la sécurité sociale fédérale le 1er juillet 2014 et relèvent dorénavant des entités fédérées. Elles sont gérées par l'Agence fédérale des allocations familiales (Famifed) durant la phase transitoire du transfert des compétences.

> Les travailleurs indépendants

Les indépendants s'affilient et paient leurs cotisations sociales auprès d’une caisse d'assurances sociales. L'Institut national d'assurances sociales pour travailleurs indépendants (Inasti) perçoit la globalité des cotisations et coordonne les différentes branches.

Outre les prestations familiales (voir travailleurs salariés), les travailleurs indépendants sont assurés pour les soins de santé, les indemnités, la faillite et la pension. Une aide à la maternité est aussi accordée sous forme de titres-services.

  • Soins de santé et indemnités : Toutes deux gérées par l’Inami • Les mutualités assurent le paiement des indemnités et le remboursement des soins de santé à leurs affiliés. La branche soins de santé fait désormais partie d’un régime unique pour tous les assurés du pays.

  • Assurance faillite et aide à la maternité : les caisses d’assurances sociales sont compétentes.

  • Pension : l’Inasti gère les demandes et l'ONP assure le paiement des pensions.

> Les fonctionnaires

Pour les fonctionnaires qui ne sont pas employés par une administration provinciale ou locale, ce sont les autorités agissant comme employeur qui financent les prestations sociales. Les cotisations en soins de santé, elles, sont affectées au régime unique des soins de santé, les fonctionnaires (sauf régimes particuliers) bénéficiant des remboursements en soins de santé via leur mutualité.

>> Pour en savoir plus : La sécurité sociale, tout ce que vous avez toujours voulu savoir • Document publié par le SPF Sécurité sociale • janvier 2014 • 164 p • Il peut être commandé au 02/528.60.31 ou téléchargé sur www.socialsecurity.be.

 Un système contributif et solidaire 

La sécurité sociale est financée de manière prépondérante par les cotisations sociales. Celles-ci représentent 61% des recettes dans les comptes 2012 (64% dans le régime salarié et 57% dans celui des indépendants). L'autre source de financement provient des subsides de l'État venant des recettes fiscales et des taxes affectées directement à la sécurité sociale. La solidarité est au cœur de la sécurité sociale et répond à des objectifs d'équité, d'efficacité et de cohésion sociale.

Elle se décline de différentes manières.

  • Au sein des générations : Une solidarité horizontale existe entre les bien-portants et les malades, entre ceux qui ont un emploi et ceux qui n'en ont pas ou l'ont perdu, entre les isolés et ceux qui ont une famille à leur charge.

  • Entre les générations : Les cotisations des actifs financent les pensions des aînés.

  • Entre les niveaux de revenus (solidarité verticale) : D’une part, des cotisations sociales patronales et personnelles sont perçues sur les salaires. Chacun contribue donc selon ses moyens et non selon les risques qu'il encourt(1). D’autre part, les revenus de remplacement sont calculés en pourcentage du salaire perdu mais des minima et des maxima sont fixés.

(1) La solidarité verticale est moins grande dans le régime des indépendants, les cotisations sociales étant portées à un taux réduit au-delà d’un premier seuil de revenus et plafonnées à un second seuil.

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