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Social (19 juin 2014)


Un enfant = un enfant… pour combien de temps encore ?

© Philippe Turpin/BELPRESS

A partir du 1er juillet 2014, le gouvernement fédéral ne sera plus compétent pour les allocations familiales. La sixième réforme de l’État transfère ce pan de la sécurité sociale aux Communautés. Une période transitoire est prévue pour assurer la gestion du système et la continuité des paiements. Pour les bénéficiaires, pas de panique : rien ne change vraiment… pour l’instant.

Le transfert du secteur des prestations familiales aux entités fédérées est l’une des mesures les plus importantes en matière de réformes de l’État. C’est en effet la première à toucher à la sécurité sociale, un des ciments du pays. C’est dire son poids symbolique. D’autre part, en termes financiers, c’est le plus lourd budget jamais transféré : près de 5,9 milliards d’euros, soit 6 % du budget total de la sécurité sociale. Par ailleurs, cette réforme aura un impact sur la population et sur les familles en particulier. Un impact dont on ne mesure sans doute pas encore toute l’ampleur ni l’étendue. Pourtant, dans un avenir plus ou moins proche, les entités fédérées décideront de leurs propres politiques en matières de prestations familiales, de la gestion du système aux modalités de paiement des allocations, en passant par la fixation des règles et des montants attribués aux enfants.

Ce qui est transféré et à qui

Les matières transférées comprennent les allocations familiales, les allocations de naissance et les primes d’adoption. Par ailleurs, le Fonds d’équipements et de services collectifs (Fesc), qui finance des projets relatifs à l’accueil des enfants est supprimé. Son budget (environ 78 millions d’euros) est réparti entre les Communautés selon une clé “utilisation”. Concrètement, ce sont l’Office de la naissance et de l’enfance (ONE), Kind en gezin et le ministère de la Communauté germanophone qui reçoivent ces nouveaux moyens financiers. Aucun changement n’interviendra d’ici fin décembre 2015 pour les projets qui bénéficiaient des subsides du Fesc.

L’accord institutionnel du 11 octobre 2011 confie les compétences en matière de prestations sociales aux Communautés flamande, germanophone et française. En Région bruxelloise, c’est la Commission communautaire commune (Cocom) qui hérite de cette compétence pour garantir les mêmes droits à tous les résidents bruxellois (francophones et néerlandophones). En Wallonie, la Fédération Wallonie-Bruxelles (ex-Communauté française) a confié la compétence à la Wallonie (Région wallonne). Et ce, pour les toutes les communes wallonnes à l’exception des communes germanophones dont la compétence est gérée par la Communauté germanophone.

Un sous-financement en Wallonie et à Bruxelles

Le transfert des compétences s’accompagne d’un transfert d’enveloppes budgétaires. L’accord institutionnel a prévu de les calculer sur la base du nombre d’enfants de 0 à 18 ans domiciliés dans chacune des trois Communautés et de la Cocom. Ces enveloppes évolueront ensuite en fonction de l’indice des prix à la consommation et de la croissance de la population de 0 à 18 ans. Cette clé de répartition démographique étonne certains dans la mesure où elle ne tient nullement compte du versement d’allocations jusqu’à 25 ans pour les étudiants, ni des éventuels suppléments sociaux payés aux familles. Or, ces suppléments sont davantage versés en Wallonie et à Bruxelles qu’en Flandre. Par ailleurs, les frais d’installation des nouvelles administrations régionales à créer n’ont pas été évalués à leur juste mesure notamment en ce qui concerne l’informatique et les logiciels. Enfin, dans le futur, l’évolution des enveloppes ne suivra plus celle du PIB qu’à 85%.

Les pertes sèches pour le sud du pays se comptent d’ores et déjà en dizaines de millions d’euros. Pour simplement maintenir le système actuel, la Wallonie devra donc, soit puiser des moyens supplémentaires dans son budget global, soit lever de nouveaux impôts. Quant à la capitale, la situation est encore plus inquiétante : le budget initial de la Cocom (100 millions d’euros) va être multiplié par sept avec l’arrivée de cette nouvelle compétence. Cette institution ne dispose d’aucune marge de manœuvre car elle n’a ni latitude budgétaire ni pouvoir fiscal.

Préparatifs avant scission

Dans la perspective du transfert des compétentes au 1er juillet prochain, trois mesures importantes ont été prises.

  1. Fin 2013, le droit aux prestations familiales a été intégré comme tel dans l’article 23 de la Constitution belge. Dès lors, aucune entité fédérée ne peut décider de supprimer les allocations familiales ou de les remplacer par des déductions fiscales, par exemple.

  2. Les différences d’allocations familiales qui subsistaient entre les travailleurs indépendants et les travailleurs salariés disparaissent au 30 juin prochain. L’objectif est d’harmoniser les régimes existants avant transfert.

  3. Une période de transition est instaurée pour garantir la continuité du paiement des allocations aux familles, le temps que les entités fédérées s’organisent. Concrètement, dès le 1er juillet prochain, l’Office national d’allocations familiales pour travailleurs salariés (Onafts), rebaptisé “Famifed” centralisera la gestion des allocations familiales des salariés, des indépendants et des fonctionnaires, pour le compte des entités fédérées. Les allocations continueront donc à être versées par les caisses d’allocations familiales (pour les salariés et - c’est nouveau - pour les indépendants) ou par Famifed (pour certaines entreprises qui n’avaient pas choisi une caisse particulière, pour une grande partie des agents du secteur public et pour les bénéficiaires du régime résiduaire des prestations familiales garanties).

Quel avenir ?

Les entités fédérées pourront continuer à faire appel à l’expertise de Famifed, moyennant rémunération, jusqu’au 31 décembre 2019 au plus tard(1). Si d’ici là, elles décident de reprendre la gestion et le paiement des prestations familiales, elles devront donner un préavis de neuf mois à Famifed.

Pour de nombreux observateurs, la situation ne devrait pas changer avant le 1er janvier 2016, le temps que les entités fédérées endossent leurs nouvelles compétences. 2015 ne sera pas pour autant une année facile car les entités fédérées percevront du Fédéral leur enveloppe déjà amputée en raison des efforts budgétaires à fournir. Les coalitions qui s’installent dans les différentes Régions du pays devront donc s’atteler, durant la prochaine législature, à résoudre les problèmes budgétaires et à concevoir le nouveau cadre relatif au régime des prestations familiales.

CDH, MR, PS et Ecolo, les quatre partis francophones signataires de l’accord de la sixième réforme de l’Etat exigée au nord du pays ont déjà balisé les grands principes de gestion qui prévaudront du côté francophone dans les matières sociales transférées, et donc dans le secteur des prestations familiales (c’est l’Accord dit de la Sainte Emilie). Ainsi, le modèle de gestion restera paritaire (représentants des employeurs et syndicats). Et l’expertise des caisses d’allocations familiales sera conservée. Pour Bruxelles, cet accord intra-francophone devra être avalisé par les Flamands de la Région. Quant à coordonner les différents systèmes dans le pays, c’est encore une autre histoire.

Mais les enjeux ne se résument pas aux modalités organisationnelles et aux problèmes de tuyauterie à résoudre, même si ceux-ci sont loin d’être négligeables. C’est rien moins qu’une politique familiale qu’il s’agit de concevoir. Les allocations familiales représentent un soutien indispensable à la parentalité et un levier important pour réduire la pauvreté infantile. Un dossier à suivre de près donc durant cette période capitale pour l’avenir des prestations familiales.

//JOËLLE DELVAUX

(1) Tant qu’elles font appel à Famifed, les entités fédérées ne peuvent rien changer aux montants des allocations familiales.

 Ce qui change (ou pas) au 1er juillet prochain 

> La gestion des allocations familiales des salariés, des indépendants et des agents des secteurs publics sera centralisée et assurée par l’Onafts qui devient Famifed, l'Agence fédérale pour les allocations familiales.

> Les 13 caisses d’allocations familiales actuelles qui effectuent déjà les paiements aux salariés seront aussi compétentes pour les indépendants.

> Les enfants de salariés, d’indépendants et de fonctionnaires recevront les mêmes allocations familiales. Dès le mois d’août prochain, la plupart des familles d'indépendants toucheront des allocations plus élevées qu’auparavant, le montant alloué au 1er enfant étant aligné sur celui appliqué dans le régime des salariés.

> N’étant plus compétentes pour les allocations familiales, les caisses d'assurances sociales des indépendants ont transféré les dossiers de leurs affiliés à la caisse d'allocations familiales appartenant à leur groupe. Les indépendants n’ont aucune démarche à effectuer et seront informés de la nouvelle situation.

> Les allocations familiales sont en principe payées à la mère. Toutefois, dans le régime des indépendants, elles étaient versées au père. Pour assurer la continuité des paiements, ce système est maintenu sauf demande expresse de la mère.

Unifier avant d’éclater

Ce n’est sans doute pas le moindre des paradoxes de la sixième réforme de l’Etat : avant de scinder les prestations familiales, le gouvernement fédéral sortant a pris soin d’harmoniser les régimes existants et de centraliser la gestion au niveau fédéral pour assurer la transition. Il aura donc fallu attendre la scission de cette branche de la sécurité sociale pour qu’enfin soient supprimées les différences d’allocations familiales qui subsistaient entre indépendants et salariés… Mais pour combien de temps encore un enfant égalera- t-il un enfant ? Avec la scission, le risque est grand de voir se créer des inégalités selon le lieu où les enfants habitent et de compliquer à l’extrême l’exercice du droit.

A l’heure actuelle, malgré un système particulièrement complexe (plus de 600 combinaisons de barèmes sont possibles), 98% des allocations familiales sont payées à heure et à temps grâce à l’expertise des milliers de personnes qui suivent rigoureusement les dossiers au sein des caisses. En sera-t-il de même une fois passée la période transitoire ? Il faut l’espérer. Mais il ne fait pas de doute que, tôt au tard, nous entrerons dans une période d’insécurité et de turbulences.

//JD

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