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Social (4 juillet 2013)

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L’hygiène, premier pas vers une réinsertion durable

© Lionel d'Hoop

Pas besoin d’attendre la vague de froid pour s’inquiéter du sans-abrisme. L’été aussi charrie son lot de difficultés pour celui qui vit à la rue. Parmi celles-ci, la chaleur, l’insécurité, la déshydratation, le manque d'hygiène… Des phénomènes contre lesquels l’ASBL Infirmiers de rue agit au quotidien. Aujourd’hui, l’association remonte à l’une des sources de ces problèmes : l’accès à l’eau potable.

Y a-t-il une saison plus clémente pour vivre à la rue ? Un climat idéal pour coucher sur les cartons? On pourrait croire que les températures sous zéro usent davantage que le soleil de juillet. Pourtant, l’été amène aussi son lot de difficultés qui accentuent la rudesse de la vie dehors. Une fois le mercure remonté de quelques degrés, nombre de foyers d’accueil ferment leurs portes et confient à la rue le destin de personnes en situation de précarité extrême. En laissant croire qu’il n’y a que le froid qui abîme, la politique du thermomètre occulte l’impact d’autres difficultés subies par les SDF et, celles-là, en toutes saisons : le manque de sommeil, l’angoisse d’être agressé ou dérobé, le manque d’hygiène… Autant de facteurs qui esquintent la santé.

La carte, outil de sensibilisation

Il est important pour toute personne circulant en ville d’avoir un accès à l’eau potable. La possibilité d’utiliser des toilettes publiques est aussi une nécessité. Selon l’association Infirmiers de rue, il est essentiel que leur localisation soit claire afin de faciliter leur utilisation.

C’est pourquoi, pour la sixième année consécutive, la structure diffuse un plan des fontaines d’eau potable et des toilettes publiques de toute la Région bruxelloise, commune par commune. Les objectifs : lutter contre la déshydratation, faciliter l’accès à l’hygiène, diminuer l’usage de l’alcool et, simplement, donner la possibilité à tout un chacun –personne précarisée, passant, touriste – de se rafraîchir.

Ce plan va-t-il vraiment améliorer les conditions de vie des sans-abri ? Peut-être pas tout à fait. Mais il va, selon les dires de l’association, proposer une information précise aux individus et ainsi augmenter significativement la probabilité qu’ils aient recours à des services ou des infrastructures mises à leur disposition. Encore plus s’ils sont sensibilisés à l’avantage qu’ils peuvent en retirer pour leur santé: un travail de terrain que réalisent quotidiennement les infirmiers. Puisque le plan est affiché dans les stations de métro, les associations et les services médicaux, il devient un outil de sensibilisation à l’hygiène pour d’autres acteurs de terrain.

L’hygiène, un pas vers soi

Tous les jours, par l’hygiène et la confiance en soi, les infirmiers de rue participent à la réinsertion durable des personnes précarisées.

Lorsqu’on survit dans la rue, l’hygiène peut sembler secondaire. Pourtant elle exprime beaucoup de choses sur le désintérêt de sa personne, explique Emilie Meessen, coordinatrice. L’hygiène est un premier pas vers soi et ce n’est qu’une fois celui-ci franchi qu’on peut envisager de proposer un traitement et la mise en route de projets. C’est à ce moment-là que la personne se rend compte qu’elle a des chances de se réinsérer durablement”.

L’hygiène est un élément déclencheur. Une fois cette étape franchie, la personne a des chances d’intégrer le processus de suivi pensé en vue d’une réinsertion durable : rencontres hebdomadaires, suivi du dossier, collaborations avec le secteur psycho- social et médical, recherche d’un logement… L’accompagnement se poursuit jusqu’à la stabilisation de la personne sans-abri dans un logement et la formation d’un réseau autour d’elle. Une approche intégrale qui permet d’éviter, autant que faire se peut, une retombée en rue. En 2012, 56 patients ont été intégrés dans ce processus.

“Il nous faut des convaincus”

Etre infirmier de rue, c’est troquer la blouse blanche contre une paire de bottines. C’est quitter l’environnement aseptisé d’une clinique pour les trottoirs, les parcs publics, les gares… Le jour de leur engagement, ces diplômés en santé communautaire, médecine tropicale, infirmerie, médecine… avaient autre chose que leurs compétences à faire valoir. “Il nous faut des convaincus, assure Emilie Meessen. Des collaborateurs qui ont la conviction qu’il est possible de changer les choses”. Voilà le dénominateur commun des 9,5 temps plein de la structure.

Le travail est exigeant et demande beaucoup d’investissement. Tant de la part des équipes de première ligne que des “administratifs”, sans cesse occupés à courir après les subsides, dons et sponsors. Un constat : “Tout le monde risque de craquer après cinq ans”. C’est pourquoi des outils ont été développés pour favoriser le bienêtre au travail : un livre des bonnes nouvelles, un photo-langage pour sortir une émotion lourde à porter, des séminaires d’équipe… Et comme cela ne suffit pas, un congé payé de trois mois est offert après cinq ans de service. Histoire de prendre le large et de se ressourcer…

// MATTHIEU CORNÉLIS

>> Le plan des fontaines et toilettes gratuites en Région bruxelloise est consultable sur www.infirmiersderue.org

Dans la rue, avec les infirmiers

© Matthieu Cornélis
Laetitia et Pierre bouclent leur sac à dos: fiches signalétiques des patients, matériel pour dispenser les premiers soins, lingettes désinfectantes… Le téléphone portable en main, ils dévalent les escaliers de l’immeuble en même temps qu’ils tentent d’appeler l’homme avec qui ils ont rendez-vous. Arrivés sur le trottoir, sur le point de démarrer, ils se regardent : “Il ne répond pas. Tant pis, on maintient le rendez-vous”.

Les voilà partis, sous une pluie battante, en direction de la Place du Jeu de Balle. “Nous confions un téléphone à certains patients pour rester en lien, dit Pierre. Mais ce n’est pas la garantie de les voir honorer un rendez-vous. Les personnes que nous voyons sont comme tout le monde. Si elles n’ont pas envie de voir des gens ou d’être sollicitées, il se peut qu’elles nous posent un lapin”.

Mais l’homme est bien là. Abrité sous sa casquette, il est aussi trempé que les infirmiers qui viennent à sa rencontre. Tout le monde est d’accord: allons boire un thé au chaud. Dans l’établissement, les consommateurs jouent au bingo, discutent ou regardent avec attention les vidéoclips diffusés sur l’écran. En ce moment, à la TV, des hommes pleins de bijoux s’aspergent de champagne dans une limousine. Vincent (prénom d’emprunt) a aussi des bagues aux doigts, un blouson décoré d’une tête de tigre, une carrure de lutteur et une boucle d’oreille assortie de brillants: “V”, comme Vincent.

Il sait pourquoi ils sont venus le voir. Il s’attend à ce que le sujet de la maison d’accueil arrive sur la table. Laetitia, après avoir pris de ses nouvelles, lui demande : “Prêt à dépasser le cap de la rue?” “Oui, répond-il, je veux me débrouiller et m’en sortir pour vivre dans mon propre appartement. J’en ai marre de dormir dehors ou, exceptionnellement, chez une amie”. Le hic : il n’y a pas d’appartement disponible. Les infirmiers devront argumenter en faveur d’une maison d’accueil. Selon eux, c’est une solution transitoire et un bon tremplin pour trouver un logement. Vincent refuse catégoriquement : “Mon dernier séjour en maison d’accueil n’était pas un tremplin mais une descente. J’ai 46 ans, je sais me débrouiller seul. Je suis indépendant ! J’ai déjà perdu des années à cause de ce que vous savez hein… Je n’ai pas envie d’être à nouveau en contact avec des toxicos. Les gens comme ça ne me tirent pas vers le haut”.

Laetitia prend des notes lorsqu’il évoque ce qu’il aime faire. Ça enrichit ses “talents” listés sur sa fiche signalétique. Ces informations sont utilisées lorsqu’elles permettent de trouver des pistes d’action. Un exemple concret : un SDF qui logeait dans un parc parce qu’il est fou de nature a été embauché comme jardinier d’une maison de retraite grâce à Infirmiers de rue. Depuis, cette personne se réinsère progressivement dans son environnement social et naturel.

© Matthieu Cornélis
La discussion prend fin sur un prochain rendez-vous : “Jeudi, 18h devant la station De Brouckère parce qu’il y a un endroit pour se protéger de la pluie”. En les quittant, il leur lance: “De toute façon, vous arrivez toujours à me retrouver”.

Direction Stockel, un autre patient attend la visite des infirmiers. Le rendez- vous est prévu dans la salle d’attente d’un dentiste. En chemin, Laetitia évoque son métier : “Travailler chez les Infirmiers de rue c’est tout à fait autre chose que le milieu hospitalier. Ça bouge, on mesure l’impact de nos actions au quotidien. Je me sens vraiment participer au projet de l’association”. Pierre, lui, était infirmier à domicile avant d’être engagé par l’ASBL. “A la sortie des études, je voulais déjà cet emploi mais il m’est passé sous le nez. Quelques années après, j’ai re-postulé et j’ai été pris. J’aime ce job car on suit le patient sur la longueur. On part de là où se trouve la personne et on l’accompagne dans un processus long”.

Arrivés au cabinet du dentiste, la réceptionniste s’excuse de ne pas pouvoir les aider. L’homme avec qui ils ont rendez- vous ne s’est pas présenté à la consultation. Ils sortent alors leurs téléphones et tentent de le joindre, en vain. Ils font appel à leurs informateurs locaux : un ouvrier communal, un commerçant l’auraient-ils croisé aujourd’hui? Personne.

Les personnes que nous voyons sont comme tout le monde”, disait Pierre. C'est-à-dire libres de déterminer elles-mêmes le moment du changement.

// MaC

 

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