Social
(20 décembre 2012)
Une fiscalité équitable ?
Campagne du CIEP-MOC
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© Salemi |
D’un côté,
on dit que les citoyens belges croulent sous des impôts totalement excessifs
; de l’autre, on voit que de riches contribuables français s’installent en
Belgique pour payer moins d’impôts. Alors, la Belgique est-elle un enfer ou
un paradis fiscal? Et si elle était simplement le pays de l’injustice
fiscale… Le Mouvement ouvrier chrétien(1) se penche sur le
sujet. Ci-dessous des extraits d’un dossier qu’il consacre à la fiscalité.
En Belgique, le
revenu du travail d’un ouvrier ou d’un employé est par exemple davantage
imposé que le revenu tiré par un propriétaire bailleur de ses immeubles. Une
PME verse généralement plus d’impôts relativement à ses bénéfices qu’une
multinationale qui profite d’une ingénierie fiscale. Ce ne sont que deux
exemples parmi tant d’autres.
(1) Le Mouvement Ouvrier Chrétien rassemble
et est le porte-parole politique de ses organisations constitutives : CSC,
Mutualité Chrétienne, Vie Féminine, les Equipes Populaires, la JOC et JOCF.
L’impôt, c’est quoi, et qui le paye ?
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© Salemi |
Dans les
comparaisons internationales, les chiffres présentés englobent généralement
la fiscalité (l’impôt) et la para-fiscalité (les cotisations sociales
perçues sur les salaires). Ce qui permet de conclure que la Belgique est un
pays où les citoyens sont très imposés, puisque l’on compare des pays où la
sécurité sociale n’existe pas (et où seuls les citoyens fortunés peuvent se
payer une couverture sociale en faisant appel à des assurances privées,
comme aux Etats-Unis) et des pays, comme le nôtre ou les pays scandinaves,
qui disposent d’une protection sociale solidaire très forte.
Cotisations
sociales ?
Les cotisations sociales ne sont pas des impôts car les recettes
qu’elles génèrent retournent directement à la sécurité sociale, et non au
budget de l’Etat. Elles sont exclusivement dédicacées à la protection
sociale des travailleurs (salariés et indépendants) et à leurs familles
(pensions, indemnités d’incapacité de travail, remboursement des soins de
santé, allocations familiales, allocations de chômage...). Le système est
basé sur la solidarité: les travailleurs payent les retraites des actuels
pensionnés, les personnes en bonne santé payent pour les malades ou
invalides, etc.
Impôt des personnes physiques
-
Chaque contribuable qui
bénéficie d’un revenu minimal (revenus du travail, de remplacement,
notamment), est tenu de payer l’impôt. Celui- ci est progressif : le taux de
taxation augmente avec le niveau de revenu, en fonction de différentes
tranches. Cette progressivité est mise à mal par la suppression des taux les
plus élevés (ceux au-delà de 50%) et par le recours systématique et
cumulatif aux déductions fiscales de toutes formes, qui permettent de
réduire l’impôt dû.
-
Les citoyens payent aussi un impôt communal et
provincial, variable selon leur lieu d’habitation : les centimes
additionnels (pourcentage calculé sur l’IPP) varient de 8,5% à Charleroi, à
5,7% à Waterloo et 0% à Knokke.
-
Un impôt est perçu sur les revenus du
patrimoine (capital), qu’il soit immobilier (propriétés mises en location)
ou mobilier (épargne, dividendes, etc.). Mais cet impôt est très
inférieur à l’impôt sur le revenu professionnel payé par les travailleurs et
il n’est pas progressif : les plus gros patrimoines se voient appliquer un
taux d’impôt identique à celui qui est pratiqué sur les plus petits.
Contrairement aux pays voisins, les actionnaires belges ne payent pas
d’impôt sur les plus-values réalisées lors de la revente de leurs
participations. De plus, aucun impôt spécifique n’est prélevé sur les plus
grandes fortunes.
Impôt indirect
Les consommateurs payent de l’impôt sur
leurs achats: cet impôt indirect est constitué essentiellement de la TVA,
perçue sur l’ensemble des biens et services, mais aussi des accises sur
l’alcool ou les cigarettes.
Impôt des sociétés (ISOC)
Les entreprises sont
soumises à l’ISOC qui varie selon les bénéfices générés. Mais un arsenal de
mesures permettent aux sociétés de limiter leur contribution au budget de
l’Etat. Ce sont les plus grosses sociétés qui ont recours à ces
dispositions, pour parfois ne payer qu’un impôt dérisoire!
La Belgique, un enfer fiscal ?
Pour un revenu de
40.000 euros (salaire annuel imposable), le contribuable payera en moyenne
14.000 euros d’impôts, alors que, pour une rentrée équivalente, un rentier
ou un spéculateur ne paiera que 9.200 euros. “L’enfer fiscal” tant décrié
est en réalité un paradis fiscal pour ceux qui ont d’importants revenus
immobiliers ou mobiliers (issus de placements financiers). Bernard Arnault,
Gérard Depardieu et des milliers d’autres exilés fiscaux ont bien compris
l’intérêt de se domicilier en Belgique!
Pourquoi l’IPP est-il inégalitaire
en Belgique ?
Différentes raisons expliquent cette inégalité.
Le barème
progressif
Revenu imposable |
Taux marginal |
0 - 7.560 EUR |
25% |
de 7.560 - 10.760 EUR |
30% |
de 10.760 - 17.920 EUR |
40% |
de 17.920 - 32.860 EUR |
45% |
32.860 EUR et plus |
50% |
Source : Les
tranches de l'impôt des personnes physiques
(2009) |
Auparavant, le
pourcentage d’imposition des hauts revenus se situait entre 52,5% et 55%
(supprimé en 2002 par la réforme fiscale du ministre Reynders) et jusqu’à
62,5% pour les tranches les plus élevées (supprimé en 1980 par le
gouvernement Martens- Gol).
-
Les revenus mobiliers ne sont pas globalisés :
l’impôt n’est pas calculé sur base du total des revenus, mais de manière
différenciée et à des taux nettement plus favorables pour les revenus
financiers.
-
Les déductions fiscales (épargne-pension, travaux de
rénovation, titres- services…) et les avantages fiscaux de toute nature
(pourcentage de voitures de société le plus élevé d’Europe) bénéficient
principalement aux moyens et hauts revenus, et diminuent de facto leur taux
d’imposition.
-
De nombreux indépendants choisissent de créer une société :
ainsi la majorité de leurs revenus sont soumis à l’ISOC, plus avantageux que
l’IPP.
-
Lors de vente d’actions, aucune taxe n’est payée sur les
plus-values. La Belgique est un des seuls pays européens à ne pas appliquer
d’impôt sur ce type de revenus.
-
La fraude et l’évasion fiscales sont
principalement pratiquées par des personnes qui disposent déjà de hauts
revenus et bénéficient de conseils de fiscalistes avisés pour réaliser des
montages fiscaux leur permettant d’éluder ou de diminuer fortement leurs
impôts. Lutter contre la fraude et l’évasion fiscales n’est possible qu’avec
une levée effective du secret bancaire.
-
Il n’y a plus de péréquation
cadastrale depuis 1975, les revenus immobiliers sont donc taxés sur la
valeur des biens fixée en 1975 et non sur les loyers réellement perçus
actuellement.
-
Aucun impôt sur la fortune (ISF) n’est perçu en Belgique.
-
La législation belge n’est pas adaptée à une perception correcte des droits
d’enregistrement et de succession.
Tout cela fait de la Belgique un paradis
fiscal pour les riches. Le déséquilibre entre la taxation des revenus du
travail et ceux du capital doit donc être corrigé en profondeur.
Des pistes
pour corriger l’injustice fiscale
Avec le Réseau pour la Justice Fiscale(1),
le MOC revendique notamment :
-
La levée complète du secret bancaire et la
mise en place d’un cadastre des revenus mobiliers et immobiliers pour taxer
correctement l’ensemble des revenus et lutter plus efficacement contre la
fraude fiscale.
-
L’instauration d’un impôt sur la fortune (impôt progressif
de 1 à 3% sur les fortunes de plus d’un million d’euros, hors habitation
propre).
-
La taxation des plus-values, comme c’est le cas dans la plupart
des pays européens.
(1) www.les
grossesfortunes.be
Et finalement, à quoi sert l’impôt ?
D’un Etat moderne,
on peut attendre qu’il assure à ses citoyens un cadre de vie de qualité, un
environnement épanouissant, un espace public où chacun a sa place et se sent
en sécurité. En Belgique, nous avons à notre disposition : un système
d’enseignement obligatoire qui est, à peu de choses près, gratuit; des
moyens de transport public accessibles; un aménagement des villes et des
villages qui propose des fonctions collectives variées ; une sécurité des
biens et des personnes globalement garantie, grâce à notre système
judiciaire et policier, aux services de secours et à la protection civile.
Certes, tout cela est améliorable, mais on doit bien reconnaître que nous
disposons d’une organisation de la vie en société bien meilleure que dans
beaucoup d’autres endroits de la planète et que cette qualité de vie est
principalement due au système de redistribution des revenus par l’impôt. Le
MOC est un fervent partisan de ce système, même s’il y a un besoin urgent de
le rendre plus équitable et plus lisible pour l’ensemble des citoyens. C’est
une condition nécessaire pour lui redonner sa pleine légitimité, et pour
assurer à tous un avenir juste et durable.
>> Ces textes sont issus
d’un dossier réalisé par le CIEP, le mouvement d’éducation permanente du
MOC, avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Pour agir ou
réagir : www.ciep.be, rubrique “campagne” ou
par voie postale : CIEP, chaussée de Haecht, 579 à 1030 Bruxelles. |
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