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Seniors (16 septembre 2010)


 

Le bonheur en maison de repos

n'est pas une chimère

Finis, les homes mouroirs et éteignoirs. Un ouvrage récent de l'UCP, mouvement social des aînés, dresse l'état des lieux d'expériences naissantes ou réussies, prouvant que la qualité de vie en maison de repos, cela existe bel et bien.

© Thomas Blairon

A peu près 125000 personnes vivent en maison de repos dans notre pays. Malgré les tendances à prolonger au maximum la vie à domicile, il est probable que ce chiffre ne fera qu'augmenter dans les décennies à venir. L'explication de ce phénomène réside dans le contexte démographique actuel, très particulier et probablement sans équivalent dans l'histoire humaine. “Actuellement, une personne sur cinq dans notre pays est retraitée; en 2030, cette proportion passera à  une personne sur trois”, rappelle Anne Jaumotte, sociologue, dans un ouvrage récemment publié par l'UCP, mouvement social des aînés. Vingt ans plus tard (2050), un Belge sur trois aura vraisemblablement plus de 65 ans et le pays comptera des milliers de centenaires.

L'amélioration des soins de santé est telle que personne ne peut dire où vivront ces personnages âgées et très âgées: à domicile ou dans des structures spécialisées? L'âge moyen d'entrée en structures d'accueil – il avoisine actuellement 85 ans – ne cesse de s'élever au fil du temps. Parallèlement, la population en maison de repos se féminise de plus en plus car, chez les plus de 85 ans, les femmes sont deux fois plus nombreuses que les hommes. Plus souvent qu'auparavant, on y rencontre également des personnes présentant diverses pathologies et démences. Une sur trois est dans ce  cas.

 

Casser les clichés

En publiant “Envie de vie”, un livre de réflexions criblé de témoignages sur la qualité de vie en maison de repos, l'UCP-mouvement social des aînés, a décidé de faire voler en éclats les clichés accolés aux MR et MRS, trop souvent présentés comme des repoussoirs, des éteignoirs, voire des mouroirs. Son but: présenter un maximum d'initiatives positives destinées à “booster le bonheur, le bien-être, la bonne forme, les désirs, la vivacité, l'épanouissement, la convivialité”… des résidents.

L'originalité de la démarche consiste à avoir croisé les avis et aspirations d'aînés qui ne sont pas encore en situation d'entrer immédiatement dans une maison de retraite, avec les témoignages des différentes catégories de personnel officiant au sein de MR et de MRS. Associés à cette démarche, également: de nombreux stagiaires, dont la fraîcheur des témoignages – souvent l'enthousiasme – contribue à vivifier le “tableau du possible” en maison de repos.

 

Une question d'atmosphère

Quel est-il, ce tableau? D'abord, une insistance très lourde de l'UCP sur la nécessité de préparer minutieusement l'entrée en maison. “Mieux vaut y entrer trois mois trop tôt que quinze jours trop tard”, résume Maurice Van Ascot, membre de la commission “Lieux de vies” de l'organisation. Cela nécessite un dialogue franc et ouvert – parfois délicat – avec la famille. Anticiper, c'est garantir l'autonomie de l'aîné dans le choix de sa maison de repos: c'est lui qui la choisit, en toute connaissance de cause, et non un parent ou un travailleur social, en urgence, à la suite d'un accident de santé.

Certaines institutions ont un membre du personnel spécialisé dans l'accueil des nouveaux résidents. Quelques gestes et attentions suffisent parfois à adoucir l'épreuve du déménagement: des fleurs ou une carte de bienvenue dans la chambre du nouveau venu, la présentation très progressive aux membres du personnel (pour éviter la confusion), l'adaptation de cette présentation aux souhaits et à la personnalité du nouveau-venu (timide ou assuré), etc.

La qualité de l'accueil en MR tient également à l'atmosphère régnant en permanence dans celle-ci. Le respect des normes légales et l'existence d'un projet de vie institutionnel (sans lui, pas d'agrément!) ne suffisent évidemment pas à faire de la maison un lieu de vie voué à l'écoute et au respect de ses résidents. Un cocktail de critères, liés à des comportements et de valeurs d’“humanitude”, doit être savamment entretenu au jour le jour par les directions: un processus rendu difficile, si celles-ci restent cantonnées dans la tour d'ivoire de leur bureau. L'UCP insiste notamment sur l'accompagnement des jeunes membres du personnel, surtout face à la fin de vie “toujours présente en maison de repos, de près ou de loin”, et sur “l'entretien du fors intérieur” du résident: “plus elle avance en âge, plus la personne âgée se tourne vers son passé, à la recherche de souvenirs heureux qui lui ont permis de se construire”. Cette vie intérieure est à entretenir à tout prix, notamment via la spiritualité (pas nécessairement religieuse), décrite comme le “parent pauvre des MR” et le “rempart contre les peurs et les angoisses”.

 

Chanter et cuisiner

“La routine est l'ennemi numéro 1 du bien-être en maison de repos”, estime Caroline Guffens, directrice de la MR/MRS St Joseph, à Temploux. Elle se niche dans les menus des repas comme dans le rythme des journées. Il ne suffit pas d'organiser des animations multiples pour la briser. Celles-ci doivent entrer en résonance avec l'histoire et les souhaits des résidents. Des maisons de repos font aujourd'hui le pari de laisser la porte ouverte quasiment en permanence aux visiteurs extérieurs (familles, animateurs, bénévoles…); d'organiser des ateliers de cuisine (tournant ainsi le dos à cette propension à faire préparer les repas à l'extérieur de l'institution, qui bannit à jamais les odeurs alléchantes dans les couloirs); de mettre sur pied des ateliers de lecture de journaux (pour entretenir le sentiment d'implication dans la société), des séances de chants avec les femmes de ménage, des cours de maraîchage ou de confection de bouquets à partir du jardin de l'institution, etc.

Autant d'initiatives qui permettent, selon Pierre Halkein, ancien directeur de MR, de “reconstruire le puzzle du désir de chaque résident et même de se donner les moyens de le rendre possible”. Avec ce bémol, rappelle toutefois l'UCP, d'éviter l’“occupationisme”: tous les résidents n'ont pas besoin de la même dose de convivialité.

Un brin iconoclaste, “Envie de vie” insiste aussi sur la nécessaire prise de risques (certes limités) en maison de repos, même si celle-ci peut heurter les visiteurs et les familles. Ainsi, pourquoi faudrait-il imposer aux pensionnaires l'observation sans faille d'un régime alimentaire 365 jours sur 365? Pourquoi faudrait-il se priver du plaisir de préparer un petit repas dans le cantou(1) au risque d'une brûlure ou d'une coupure? Pour les résidents d'institution comme pour tout le monde, la vie peut aussi se nourrir de petites folies, ce que la rigidité des normes (notamment en matière d'hygiène alimentaire) cadenasse trop souvent.

 

Des contre-exemples édifiants

Nul angélisme dans l'ouvrage de l'UCP. Certains passages ramènent brutalement sur terre. Comme l'évocation de cette directrice décrivant à voix haute cette pensionnaire “enquiquinante” parce qu'elle pose trois fois la même question, ces soins corporels réalisés dans les chambres, portes grandes ouvertes, ces pensionnaires nourris à la fourchette par un membre du personnel plongé dans une conversation téléphonique, ces projets institutionnels présentant les occupations de “bricolage” (notion si infantilisante!) ou les “langes” au lieu du “matériel d'incontinence”.

Mais, à l'inverse, que d'idées et d'initiatives de qualité enthousiasmantes dans les dizaines de MR et MRS visitées. Intenables financièrement? “La qualité rapporte à tout point de vue, tranche Pierre Halkein. Lorsque le personnel est motivé et acteur d'une augmentation visible de la qualité de la vie, son taux d'absentéisme diminue. Les “faux appels” des résidents (médecin, kiné, pharmacien…) sont moins nombreux. Et ça coute moins cher à tous…”

// Philippe Lamotte

 

(1) Cantou: "Centre d'animation naturelle tirée d'occupations utiles et sécurisantes". En Langue d'Oc: le "coin du feu". Espace commun central entouré des chambres et des locaux du personnel, lieu privilégié de la vie du groupe, convivial et "familial", notamment axé sur la participation aux tâches quotidiennes (dont la confection des repas), particulièrement pour les personnes désorientées. La Région wallonne compte une quarantaine de cantous.

 

Une myriade de témoignages

L'ouvrage “Envie de vie! Produire de la qualité de vie en maison de repos, ça ne s'improvise pas”(1) est un travail collectif initié par l'UCP, mouvement social des aînés. Il s'ouvre par une préface de Philippe Defeyt, président du CPAS de Namur, consacrée notamment à la maison de repos vue comme révélatrice des inégalités sociales. Ensuite, une dizaine de chapitres très divers (l'arrivée initiale, les animations, le règlement, les repas, l'acceptation des animaux, etc.) fourmillent de constats, réflexions, suggestions formulés par les directions ou le personnel des MR et MRS (infirmiers, ergothérapeutes, kinés, assistants sociaux…), mais aussi par les résidents, les volontaires, les aînés de l'UCP, etc. A chaque lecteur d'y picorer les bonnes idées selon ses sensibilités.

 

(1) 263 p. 15 EUR + 5 EUR de frais de port. A commander au 02/246.46.73 ou reservation@ucp-asbl.be 

 

Morceaux choisis

// Sur l’accueil

“A l'arrivée du résident, l'accueil se fait par une personne du nursing qui l'invite à faire le tour de l'établissement. L'assistante sociale ou le chef du nursing passe dans l'heure qui suit (…). Cela ne sert à rien que le directeur ou l'ergothérapeute passent le même jour car, le jour suivant, la personne se retrouve avec un grand vide. Nous préférons échelonner les visites”.

 

// Sur le personnel de chambre

“Qu'est-ce qui est le mieux: que la chambre soit impeccable? Non. C'est d'y entrer aussi avec le sourire, d'avoir une attention pour la personne qui s'y trouve, écouter le résident qui ne sort plus de son lit”.

 

// Sur les repas

“Certains établissements ne disposent plus d'une cuisine. La cuisson des plats conditionnés sous vide se termine alors au bain-marie juste avant d'arriver à table. Pas d'odeurs, de parfums, de papilles chatouillées (…) Quel gâchis!”

 


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