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La priorité tous azimuts est l'isolation des logements. L’occasion rêvée,
pour l’UCP, mouvement social des aînés, de consacrer à Saint Marc (Namur) un
de ses petits-déjeuners d’échange autour du thème: “Faut-il être riche
pour bien se loger et (s’) isoler durablement ?”
Autour de la table, deux
“tuteurs énergie”, un représentant du ministre chargé de cette matière et le
directeur de Caddiligence, une entreprise d’économie sociale spécialisée
dans la livraison de repas aux personnes âgées. L’intervention de ce dernier
pose implicitement la question suivante: quel est le sens d’isoler son
logement si, parallèlement, la vie amène les plus âgés à sombrer dans
l’isolement social ? “ Les gens que je rencontre ne veulent pas tellement
rendre leur logement plus agréable ni plus efficace sur le plan énergétique,
explique Paul Wuillaume. Leur priorité consiste à rester dans leurs
meubles, sans chute ni accident. Un aléa de la vie les a plongés dans la
solitude. Mais, dans une maison devenue trop grande, ils dépriment. En
appartement, c’est plus facile : c’est la gestion d'immeuble qui prend les
initiatives.”
Cap sur l'isolation
La Wallonie est une
passoire énergétique : un toit sur deux n’y est pas isolé. A peine une
toiture sur dix comporte les 16 à 17 centimètres d’isolant recommandés. Mais
voilà : statistiquement, les gens qui ont bénéficié des réductions fiscales
liées aux investissements énergétiques appartiennent aux groupes les plus
aisés. De là, la toute récente modification du système d’aides publiques.
“Le souci de l'énergie et de l'environnement ne peut aggraver la fracture
sociale”, explique Bernard Monnier, conseiller au cabinet du ministre
wallon de l'Energie. Le nouveau régime module le montant des primes selon
les revenus, instaure le prêt à taux 0%, préfinance les primes, etc.
La réforme est saluée
positivement. Les tuteurs énergie rappellent toutefois que beaucoup
d’allocataires sociaux sont confrontés à des factures qui ont sensiblement
augmenté depuis la libéralisation du marché de l’énergie. Même de
micro-investissements économiseurs d'énergie leur sont impossibles. Quant
aux occupants des logements sociaux, ils n’ont bien souvent qu’une marge de
manœuvre extrêmement limitée pour réduire leur consommation : c’est la
société gestionnaire qui décide des aménagements. Un tuteur énergie
interroge: “Une fois les enfants partis, cela a-t-il du sens de continuer
à occuper, à deux, 200 mètres carrés qu’il faut chauffer? Si l’on isole sa
maison, ne faudrait-il pas réfléchir aux endroits les plus ‘rentables?’.
Bref, redéfinir l’espace de vie à chauffer, quitte à revoir des habitudes
quotidiennes…
Les questions des
participants fusent. “Combien coûte un audit énergétique ? Comment
changer de fournisseur de gaz? Y a-t-il une limite d’âge pour les
primes ? (non)”. Des réflexions un brin amères, aussi : “au-delà de
65 ans, les banques ne veulent plus nous prêter”. “A notre âge, on n’est pas
sûr de bénéficier des fruits de l’investissement”. Un participant
rappelle le bon temps où le mazout se payait… 1 franc le litre. Selon un
autre, les entrepreneurs ne sont pas intéressés par les petits chantiers
d’isolation.
Au fil des âges
Petit à petit, le débat
s’engage sur les enjeux collectifs. Mener une politique de l'habitat
“durable”, c'est créer des filières industrielles axées sur des produits
d’isolation sains, écologiquement sûrs et locaux. La discussion aborde
ensuite le prix, devenu prohibitif, des maisons de repos. “La société
incite les vieux, à rester à domicile le plus longtemps possible,
s’irrite une participante âgée. Mais on n’a pas le choix de toute façon !
Tout est trop cher…”. Une jeune assistante sociale se fait la
porte-parole de sa génération : “Nous les jeunes, on ne parvient plus à
trouver un logement décent, surtout avec des enfants.” Un monsieur âgé
la coupe d'un conseil: “Construisez votre maison au plus vite, pour vos
vieux jours!” La jeune travailleuse sociale est sceptique : qui,
aujourd’hui, vit dans le même logement à 25 et 85 ans…?
Et le débat de s’engager
sur un constat troublant : d’un côté, des personnes âgées incitées à rester
le plus longtemps possible à leur domicile, celui-ci étant souvent
disproportionné et coûteux à chauffer. De l’autre, des jeunes couples, des
femmes seules avec enfants ou des familles, confrontés à la pénurie de
logements et à l’inflation des loyers. Et s’il y avait urgence à créer un
système innovant, moins rigide et moins obnubilé par la “brique dans le
ventre”?
// Ph.L.
(1) Pour plus d'informations et conseils, rendez-vous dans
un guichet de l'énergie, appelez le 078/150.006. ou surfez sur
http://energie.wallonie.be.