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Social - Seniors (6 février 2014)

Comment prolonger la fin de carrière ?

© Image Source Reporters
 Travail, santé, vie privée 

Trois facteurs influencent principalement les possibilités de maintien à l’emploi pour les travailleurs âgés : la qualité du travail, la santé et la compatibilité du travail avec la vie privée.

En matière de qualité du travail, les postures pénibles et fatigantes, les horaires de nuit ou à pauses, les cadences et rythmes rapides, les changements fréquents dans l’organisation du travail… constituent des menaces plus importantes pour les travailleurs âgés que pour les autres. Par contre, jouent positivement sur la satisfaction du travail des facteurs comme l’autonomie, les opportunités de formation et de carrière, la valorisation de l’expérience acquise, des relations de travail de bonne qualité, une diversité intergénérationnelle respectueuse des âges... Par ailleurs, l’état de santé physique et psychologique est déterminant dans le maintien au travail. L’existence de risques professionnels qui menacent la santé est également à prendre en considération.

Enfin, le fait d’avoir des horaires de travail compatibles avec une vie familiale et sociale et le fait de pouvoir aménager son temps de travail exercent une influence positive sur la perspective de fin de carrière.

Maintenir dans l’emploi les travailleurs âgés est devenu une priorité politique tant en Europe qu’en Belgique. Objectif principal? Alléger la dette publique et financer les coûts de la sécurité sociale pour une population dont l’espérance de vie moyenne s’accroît. Prolonger la vie professionnelle active ne peut pourtant être envisagé sans améliorer la qualité du travail ni adapter l’emploi à la santé et aux besoins des travailleurs.

Tous au travail jusqu’à 65 ans, voire au-delà ? L’idée est plus que dans l’air du temps. Le vieillissement actif est au centre de la stratégie Europe 2020. Depuis le début des années 2000, la nécessité d’augmenter le taux d’emploi des travailleurs âgés a été traduite en objectifs quantitatifs (lire ci-dessous : Des taux d’emploi trop faibles). Ces injonctions européennes ont un impact certain sur la plupart des politiques nationales dans l’Union.

En Belgique, la loi relative au Pacte de solidarité entre les générations (2005) et la réforme des pensions (2011) constituent les jalons de cette politique. Ainsi, parmi d’autres mesures, les conditions de carrière donnant accès à la pension avant l’âge de 65 ans sont devenues plus sévères.

La prépension conventionnelle a aussi été remplacée par un dispositif de chômage avec complément d’entreprise. Cette mesure rend plus contraignantes les conditions d’âge et de carrière, et limite le recours aux prépensions dans les entreprises en difficulté ou en restructuration.

Du point de vue de la qualité de vie au travail des salariés âgés, la cohérence de ces mesures n’est pas évidente, observent Gérard Valenduc et Patricia Vendramin, chercheurs à la Fondation travail-université (FTU) dans une étude consacrée au vieillissement au travail(1). On y trouve à la fois des dispositions qui visent à reculer l’âge effectif de la retraite et des mesures qui limitent le recours à des formes de passage progressif de l’emploi à temps plein à la retraite, notamment la prépension à mi-temps (qui est supprimée – NDLR) et le crédit-temps en fin de carrière (dont les conditions ont été durcies – NDLR). Or, dans les pays où les taux d’emploi des seniors sont plus élevés, notamment les pays nordiques, de tels dispositifs de passage flexible du travail à la retraite sont assez répandus et expliquent, en partie, la raison pour laquelle les salariés travaillent plus longtemps”, assurent-ils.

Adapter le travail

Les enquêtes européennes sur les conditions de travail le montrent très clairement : le maintien dans l’emploi des travailleurs de plus de 50 ans est fortement lié à la qualité du travail et de l’emploi. La Commission européenne le précise d’ailleurs elle-même(2): “Prolonger la vie professionnelle exige d’améliorer significativement les conditions de travail des travailleurs âgés, d’adapter l’organisation du travail à leur état de santé et à leurs besoins, de leur donner aussi un meilleur accès à la formation continuée pour la mise à jour de leurs compétences”.

Dans cette optique, la Belgique s’est dotée de deux instruments intéressants. Le premier est le Fonds de l’expérience professionnelle, institué auprès du Service public fédéral de l’Emploi. Sa mission? Subventionner des projets dans les entreprises et secteurs d’activités, visant à améliorer le bien-être et la qualité de travail des plus de 45 ans. Trois types d’actions peuvent être entreprises et combinées entre elles : la mesure des facultés au travail, le diagnostic des facteurs de risque et l’amélioration concrète des conditions de travail. “La plupart des projets subventionnés concernent des aménagements ergonomiques de postes de travail, des changements dans l’organisation du travail et des dispositifs de coaching ou de transfert de connaissances”, constatent les deux chercheurs de la FTU. De l’avis même d’un des conseillers du Fonds, l’enthousiasme prévaut chez les employeurs qui s’adressent au Fonds pour obtenir des conseils sur le démarrage d’initiatives. Mais ce Fonds reste trop peu connu et sous-utilisé.

Le second instrument, plus récent et à portée plus large, est la convention collective de travail n°104 (CCT du 27 juin 2012) qui impose à chaque entreprise de plus de 20 travailleurs (du secteur privé) d’adopter, chaque année, un plan pour l’emploi des plus de 45 ans. Sept domaines d’actions sont suggérés: l’engagement de nouveaux travailleurs, le développement des compétences et qualifications, l’accompagnement de la carrière, l’adaptation de la fonction, la santé et la prévention, l’adaptation du temps et des conditions de travail, et enfin la reconnaissance des compétences acquises.

L’adoption récente de cette CCT ne permet pas de tirer un bilan significatif des plans adoptés en 2013. Cependant, les premières impressions confirment les résultats d’une enquête menée en 2011 auprès de 170 entreprises à la demande du SPF Emploi : la gestion des âges ne fait pas partie des préoccupations de la grande majorité des entreprises, au vu du peu de mesures destinées à prolonger la durée d’activité des plus âgés.

Si nous voulons que demain, les travailleurs n’aient plus le sentiment d’être usés par le travail à l’approche de la cinquantaine, voire bien avant, il faut pourtant développer dans l’entreprise une politique du personnel qui tienne compte des âges, plaide la CSC dans une brochure consacrée à ce dispositif(3). Cela demande de préparer des propositions syndicales, sachant qu’il faudra aussi lever quelques préjugés tenaces à l’égard des travailleurs âgés”, précise le syndicat chrétien.

//JOËLLE DELVAUX

(1) Le vieillissement au travail, P. Vendramin et G. Valenduc • Courrier hebdomadaire du Crisp n° 2185 • 44 p • 2013 • 6,90 EUR• 02/211.01.80 • www.crisp.be

(2) Extrait de la campagne Année européenne 2012 du vieillissement actif et de la solidarité entre les générations.

(3) Bien vieillir au travail – CCT 104 • guide syndical de la CSC • www.csc-en-ligne.be

Pas tous égaux devant la fin de carrière

D’après l’enquête européenne sur les conditions de travail en 2010(1), deux groupes sont particulièrement à risques quant aux perspectives de fin de carrière: d’une part, les métiers manuels moyennement ou peu qualifiés et d’autre part, les travailleurs des services et, dans une moindre mesure, les professionnels de la santé.

Les métiers manuels sont davantage concernés par une détérioration de l’état général de santé, parfois dès avant 50 ans. Ils apparaissent aussi plus insatisfaits de leurs conditions de travail, et leur bien-être psychologique se détériore avec l’âge.

Quant au second groupe, ce sont les difficultés de concilier le travail et la vie privée qui semblent surtout poser problème. La soutenabilité du travail peut toutefois être menacée par des troubles physiques et une insatisfaction par rapport aux conditions de travail.

Ces constats rejaillissent sur la vision d’avenir des salariés. Ainsi, les femmes de 50 à 59 ans sont moins nombreuses que les hommes à penser pouvoir faire leur travail actuel jusque 60 ans. Les métiers les plus exposés à des perspectives défavorables sont les métiers manuels, et dans une moindre mesure, les professions intellectuelles et scientifiques. Les perspectives favorables se rencontrent surtout parmi les dirigeants et cadres supérieurs, ainsi que parmi les employés administratifs.

La diversité des réalités et des difficultés auxquelles sont confrontés les différents métiers doit inciter à la plus grande prudence par rapport à des politiques qui viseraient à prolonger uniformément la période d’activité professionnelle pour tous les travailleurs vieillissants”, font remarquer Gérard Valenduc et Partricia Vendramin, chercheurs à la FTU.

(1) Métiers et vieillissement au travail, P. Vendramin et G. Valenduc • 47 p • 2012 • Institut syndical européen (Etui) ASBL • 02/224.04.70 • www.etui.org

 

Des taux d’emploi trop faibles

Parmi les 55-64 ans, quatre personnes sur dix travaillent en Belgique. L’écart entre hommes et femmes est important : 46% des hommes sont à l’emploi contre 33,1% des femmes. Ces chiffres placent notre pays bien en deçà de la moyenne européenne(1). Certes, le taux d’emploi des 55 à 64 ans est en nette augmentation depuis dix ans, notamment en raison du recul progressif de l’âge légal de la retraite de 60 à 65 ans pour les femmes, et d’une hausse moyenne du niveau de qualification, corolaire du taux d’emploi dans cette tranche d’âge. Mais cette augmentation n’a pas permis de rencontrer les objectifs fixés par l’Union européenne à l’horizon 2010(2).

Dans leur étude belge sur le vieillissement au travail, Patricia Vendramin et Gérard Valenduc constatent que le taux d’emploi chute fortement lors du passage de la tranche d’âge de 50-54 ans à celle de 55-59 ans, soit cinq ans plus tôt que chez nos voisins allemands, néerlandais et britanniques.

Pourquoi cela? Comme l’explique Nathalie Burnay, professeur de sociologie à l’UCL et aux Facultés universitaires de Namur, ces 40 dernières années, les dispositifs de sortie prématurée du marché de l’emploi ont servi à juguler les désastres sociaux nés des restructurations et fermetures d’entreprises. Le législateur a ainsi lui-même participé à la dérégulation de la fin de carrière. Et le retrait précoce de l’activité professionnelle fait maintenant partie de la culture des travailleurs eux-mêmes.

(1) En 2012, le taux d’emploi était 48,9% dans l’UE. Source: Eurostat.

(2) Atteindre un taux d’emploi de 50% pour les 55-64 ans et relever de cinq ans l’âge moyen de sortie du marché du travail des plus de 50 ans.

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